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Ethnoscience

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ans les secteurs les plus pointus de la modernité, il ne va pas jusqu’à créer les conditions d’un partage égal et d’une égale appropriation du savoir par toutes les sociétés d’où sont issus les producteurs actuels de ce savoir. La question reste donc entière: que faudrait-il aujourd’hui pour réaliser un tel partage? Pour prendre l’exemple d’une région du monde, la recherche « scientifique moderne» est de date récente en Afrique noire, où elle a été introduite par la colonisation. Or, si l’on veut savoir comment» fonctionnait» cette science, on ne pourra s’empêcher de reconnaître qu’elle était régie à sa manière par le « pacte colonial ». L’essentiel se passait ailleurs. Sans doute doit-on nuancer aujourd’hui la description donnée naguère de la « dépendance scientifique dans l’Afrique d’aujourd’hui ». Or, que se passe-t-il alors? Il est clair que la masse des populations reste exclue, comme auparavant, des débats scientifiques dont elle est l’objet. Le savant « indigène » est simplement coopté par ses pairs occidentaux, associé à une discussion qui reste centrée en Occident et dont il ne peut véritablement infléchir les enjeux. Il se voit investir, dans ce contexte, comme porte-parole de sa société et de sa culture, porteparole sans mandat, donc sans obligation de rendre compte. Toute sa contribution est extravertie, dirigée vers un public ou un lectorat occidental. Il n’est qu’un avatar de l’interprète des temps coloniaux, un

informateur savant au service de l’accumulation du savoir au centre du système. Il se trouve cependant que, pour mener à bien son enquête, le savant étranger avait besoin d’informateurs locaux. Il avait aussi besoin d’interprètes pour traduire l’information et l’initier lui-même à la langue. L’exclusion des populations ne pouvait donc être totale, mais supposait au contraire la sélection de quelques agents auxiliaires. Ainsi est apparue avec le temps une classe de « spécialistes indigènes » dont certains maîtrisaient suffisamment les langues européennes pour y produire, de leur propre chef, des textes et documents ethnographiques, historiques ou autres, comparables à ceux de leurs maîtres. L’école a fait le reste. De plus en plus, ces « spécialistes indigènes » qui ont délibérément et massivement pris en charge les problèmes et les méthodes des sciences sociales et humaines appliquées à leurs sociétés, ont apporté en ces domaines, des contributions de plus en plus remarquées. L’Occident s’est rendu compte que dans les autres cultures, il n’est pas question des pratiques isolées, mais des systèmes de pensée cohérents et rationnels. Ces systèmes de connaissance ne prétendent pas seulement à la cohérence, mais se veulent objectifs et efficients, susceptibles de fonder des techniques. L’intérêt pour ces systèmes de connaissance a donné naissance aux différentes branches de l’« ethnoscience ». Si le terme générique n’est apparu, semble-t-il, qu’au milieu du XXème siècle, plusieurs des termes spécifiques désignant les sous-disciplines sont plus anciens. De nouvelles sous-disciplines ont continué d’apparaître. Ainsi trouve-t-on aujourd’hui dans le vocabulaire scientifique, non seulement l’ethnobotanique, l’ethnozoologie et l’ethnomédecine, mais en outre l’ethnobiologie, l’ethnopsychologie, l’ethnopsychiatrie, l’ethnolinguistique, l’ethnohistoire, l’ethnométhodologie, l’ethnosociologie, l’ethno démographie, l’ethno technologie, l’ethnomusicologie, l’ethnoépistémologie, voire l’ethno mathématique et l’ethno-cuisine.

2ème Partie: Dans tous ces exemples, l’ethnoscience n’est plus pensée comme un inventaire de connaissances préexistantes, mais comme l’extension d’une discipline de la tradition occidentale à de nouveaux champs, à de nouveaux domaines d’étude liés à des régions du monde restés jusque-là inexplorés. Pourtant d’une enquête le problème n’est évacué qu’en apparence. concernant Qu’un l’usage

pharmacologue, cependant, en vienne à remarquer, parmi les résultats ethnobotanique, des indications médicinal d’une plante pour le traitement d’une maladie donnée, son premier réflexe sera non seulement de vérifier l’information elle-même, mais de tester l’efficacité du traitement, et si cette efficacité est établie, de procéder aux analyses chimiques et biochimiques, aux mesures et aux dosages nécessaires pour isoler la substance active et synthétiser sur cette base un produit. Pharmaceutique nouveau. Lui-même ou son laboratoire se dépêchera alors, bien entendu, d’obtenir pour ce produit un brevet d’invention et une reconnaissance de propriété intellectuelle. L’ethno historien sait parfaitement que les groupes qu’il étudie n’ont pas attendu sa visite pour produire des récits, d’ailleurs bien moins unanimes, infiniment plus divers et contradictoires, infiniment plus élaborés qu’on ne l’a d’abord supposé, sur leur propre passé. L’ethnolinguiste sait à quel point les taxinomies « indigènes », les classifications autochtones des couleurs et des saveurs, des plantes, des animaux, des objets en général peuvent être conscientes et subtiles, sinon chez tous, du moins parmi les « intellectuels » du groupe étudié, ces « maîtres de la parole » souvent analphabètes, qui fournissent à son discours savant l’essentiel de ses matériaux. L’ethnopsychologue n’ignore pas que les peuples dont il disserte sur les comportements ont eux-mêmes forcément une vision, ou plus exactement des visions de l’être humain, de ses mobiles essentiels et de la manière dont il « fonctionne» - ce qui s’appelle en Europe une psychologie. La question reste donc posée du rapport entre les deux paliers du savoir, et de l’originalité du second palier par rapport au premier.

Sans pouvoir ici répondre tout à fait à cette question, on observera cependant comment, dans son traitement des savoirs

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