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De par son histoire, la reine Didon est devenue une référence culturelle dans l’histoire antique, nous pouvons en cela nous demander si Didon incarne une figure de la mesure ou de l’excès ?

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Par   •  28 Février 2024  •  Dissertation  •  3 289 Mots (14 Pages)  •  58 Vues

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DIDON

De nombreuses figures ont parcouru les années, depuis l’Antiquité, pour encore trouver une place dans nos sociétés humaines, parce que les mythes fascinent, et permettent de poser des figures sur des actions humaines, des passions, de se représenter. La reine Didon est l’une d’entre elles. Rare figure féminine guerrière, au milieu d’un bon nombre de héros et de rois, elle s’impose comme inoubliable. Didon, princesse phénicienne, dont le nom originel est Élissa, est la fondatrice et la première reine de Carthage. Dans la mythologie grecque et romaine, Didon est la sœur de Pygmalion, qui lui avait empêché l’accès au trône en devenant roi et qui avait assassiné son mari Sychée. C’est dans ce contexte que Didon quitte Tyr pour éviter une guerre civile, partant pour un long voyage en passant par l’Île de Chypre, embarquant des jeunes filles, puis débarquant sur les côtes de l'actuelle Tunisie pour y fonder Carthage. Elle est demandée en mariage par Hiarbas, le roi des Libyens, mais ne consent pas à cette union : elle reste fidèle à son mari assassiné. Pour éviter les représailles du roi lybien, elle met en place un stratagème pour mettre fin à ses jours, en s’immolant par le feu. Le mythe de Didon a été repris par le poète latin Virgile dans son œuvre, l'Énéide publiée en 19 av. JC. La partie où intervient Didon prend place dans le IVème chant, au sein de l’errance d’Énée sur les rives méditerranéennes. L’Énéide est découpée en douze chants : six pour l’errance, et six pour la conquête du futur espace des latins ; nous pouvons par ailleurs remarquer un parallèle entre l’odyssée d’Ulysse et l’errance d’Énée. Virgile est aussi appelé « l’autre Homère », et son héros Énée est son « Ulysse ». Le personnage de Didon a également fait l'objet de nombreuses utilisations dans d’autres arts que les écrits : en musique, en peinture, en sculpture, etc. De par son histoire, la reine Didon est devenue une référence culturelle dans l’histoire antique, nous pouvons en cela nous demander si Didon incarne une figure de la mesure ou de l’excès ?

Il convient tout d’abord de noter que Didon apparaît comme une figure de la mesure et de la raison en tant que reine de Carthage, mais également comme une figure de l’excès en se soumettant à ses passions. Dans un dernier temps, il s’agit de voir quel héritage nous retenons de cette dualité entre excès et mesure propre à Didon.

Élissa incarne une figure de reine solide, forcée à quitter sa terre natale, poursuivie par son frère assassin. Elle est une figure courageuse, mesurant les enjeux de son errance, elle se transforme alors en Didon. En reine créatrice de cité, elle fonde Carthage avec réflexion et mesure.

En effet, après avoir quitté Tyr et être passée par Chypre, Didon débarque au large de la Tunisie et choisit un endroit où fonder une nouvelle capitale pour son peuple : Carthage. Pour ce faire, elle négocie des terres à un seigneur local qui lui accorde les terres “autant qu'il en pourrait tenir dans la peau d’un bœuf”. Elle incarne ici une figure de mesure en tant que reine fondatrice et bâtisseuse qui, par un procédé ingénieux et en s'appuyant sur la raison, parvient à dessiner un espace beaucoup plus vaste que celui vendu et permis par l’accord en coupant la peau de bœuf en très fines lanières. Ce faisant, elle s’inscrit dans un espace qu’elle délimite par une action de mesure, elle trace des frontières (limes), tel Romulus traçant le sillon primordial qui va délimiter l’espace de la cité de Rome. Cet acte d’arpentage nécessite l’art de la mesure. Didon s’incarne en reine au sommet d’une politique droite, d’un gouvernement mesuré qui est la monarchie, cette forme pyramidale idéale au sein duquel elle se réalise en tant que stratège. Cet exemple de droiture en sa condition de femme politique, bâtisseuse est notamment soulignée dans la version a priori historique au IIIe siècle après J.-C. de Marcus Junianus Justinus dans Historiae Philippicae (ce-dernier ayant eu pour vocation de faire l’histoire de la Grèce et de la Rome antique). Didon, en tant que reine de mesure, parvient à apporter à Carthage une prospérité commerciale et un prestige conséquent sur le bassin méditerranéen, et ce pour les siècles qui ont succédé, grâce à un contrôle sur les terres fertiles de la région que cette-dernière a exercé. Mais également en incarnant, grâce à son courage, la « sauveuse » de son peuple, lors de son exode, sauvant certains Phéniciens lors de son départ, mais également les Troyens qu’elle accueille de bon cœur lorsque Énée arrive dans son palais. Elle est donc le symbole d’une dirigeante aux terres fertiles, accueillante, dans la mesure des règles de sa cité.

Didon s’incarne en modèle de la chasteté et de la fidélité conjugale, elle préfère mourir que d’être infidèle, elle est utilisée au statut d’exemplar, elle est un exemple de moralité chrétienne. En effet, elle est utilisée au fil des siècles comme figure du dévouement des épouses, de la fidélité des veuves, tout comme Andromaque. Elle représente à tel point cette chasteté exemplaire que son péché de suicide en est atténué. Cette image de Didon comme figure de la fidélité conjugale pudique est dépeinte par Boccace dans le De mulieribus claris (“Sur les femmes célèbres”), prête à sacrifier sa vie pour rejoindre son mari et lui rester fidèle : déclarant “Comme vous le voulez, citoyens, je vais rejoindre mon époux” avant de s’ôter la vie. Également, une image élogieuse de cette-dernière concernant la chasteté de sa foi de cette veuve est prodiguée par Saint-Jérôme dans l’Adversus Jovinianum. Le portrait de Didon décrite comme “la chaste Didon” (une femme univira) est alors véhiculé par toute la littérature chrétienne, et notamment en tant qu’épouse exemplaire chez Tertullien ou Saint-Jérôme ; mais également de la part Pétrarque qui s’élève contre Virgile qui n’aurait selon lui pas reconnu ses qualités de “veuve exemplaire”. La reine symbolise dès lors une certaine mesure, par la fidélité et la loyauté elle fait preuve de raison en s’éloignant du penchant des passions, des péchés, en gardant une mesure et une maîtrise d’elle-même, elle reste maîtresse de ses actions, et de ses passions. Cette tenue à l’écart des passions est preuve d’une tempérance de son être. Notons que si Virgile condamne les excès de la passion de Didon concernant son suicide, ce-dernier est traité de manière plus douce par Ovide (dans Les Héroïdes), chez qui Didon est dépeinte comme plus commune, plus raisonneuse.

Si l’acte du suicide laisse à penser, par sa nature horrifique, brutale, sans issue, un excès de souffrance sans mesures, il peut cependant être également vu comme un acte de mesure sociale. Afin de pallier les erreurs commises au cours de sa vie, notamment son aventure avec Énée, et cette passion à laquelle elle s’est laissée aller, attenter à sa vie apparaît comme une solution envisageable, voire sage. En effet, la mort contre une honte sociale (elle est reine, et ne peut pas trahir son défunt époux Sychée) et un sacrilège fait aux dieux - comme ici Didon tente de retenir Énée à Carthage, elle s’oppose à la volonté des dieux, comme Vénus et Mercure - elle préfère s’enlever la vie, dans la mesure de ses actes, la sagesse de voir la réalité qui est et qui sera sienne si elle ne meurt pas. Ici, ce “suicide mesuré” peut être mis en parallèle avec celui de Lucrèce, préférant mourir que de subir la honte associée à son viol et à son rang. Didon organise de façon consciencieuse son suicide, mettant en scène le tableau précis de sa mort, par le bûcher dans lequel elle se jette, après s’être poignardée, le mensonge, qu’elle raconte à sa sœur Anne afin de parfaire son suicide ; toute la scène se déroule dans une temporalité presque calculée, mesurée. Les deux femmes s’incarnent alors en héroïnes tragiques, obligées de faire face en toute conscience à la mort, plutôt que de continuer à offenser, Didon les dieux, et Lucrèce, de souiller sa réputation et son destin de princesse latine. De plus, leurs suicides seront déterminants dans le futur d’une histoire latine, et donc d’une certaine façon mesurée par les dieux. La mesure de l’être se retrouve alors même dans cette facette du personnage mythique de Didon, même si cela diffère selon les approches de celui-ci. En effet, on observe entre les auteurs latins, entre autres, Virgile et Ovide, une perception différente de Didon. Particulièrement, chez Ovide, dans Les Héroïdes, où il imagine une lettre qu’enverrait Didon à Énée, celui-ci repartit selon la volonté des dieux, vers son destin de fondateur de Rome, et où Didon est présentée en tant que femme attristée, plus sujette aux pleurs, à un chagrin raisonné, qu’à une violence et une rage sans limites. La Didon ovidienne est donc une femme consciente de son état, raisonnée face à son funeste destin. Cette mesure dans le chagrin est cependant une vision de Didon souvent laissée de côté, au profit d’une image de rage, d’émotions vengeresses, promulguées par Virgile dans L'Énéide.

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