Leçon sur l'incipit
Cours : Leçon sur l'incipit. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar samsamukt • 11 Octobre 2015 • Cours • 1 674 Mots (7 Pages) • 1 632 Vues
Leçon sur l'incipit
Incipit liber...Ici commence le livre : c'est la formule latine par laquelle le copiste indiquait dans les manuscrits médiévaux le début d'un nouveau livre. Ce terme savant désigne la première phrase au sens strict, ou les premières phrases du texte romanesque au sens large, qui contient en germe les caractéristiques du texte. (La fin est l'explicit).
Cette idée provient de la rhétorique, et de la partie initiale appelée exorde (un), et des sermons religieux qui tout de suite annonce le thème ou motif du discours.
Certains romanciers modernes se sont moqués des débuts romanesques conventionnels, comme Valéry critiquant les incipits romanesques réalistes : « La marquise sortit à cinq heures... ». Dans Je n'ai jamais appris à écrire ou les incipits, 1969, Aragon pose l'importance des débuts de roman comme un moment de contact avec le lecteur qui pose les conventions de compréhension du texte.
Lieu du pacte de lecture, l'incipit implique une stratégie : séduction, information, dramatisation.
Un pacte de lecture : on reconnaît presque tout de suite un début de roman réaliste, ou naturaliste.
Dans certaines œuvres modernes (Jacques le fataliste et son maître de Diderot), l'incipit a pour but de déstabiliser les conventions romanesques connues du lecteur.
II : Le lieu des informations et du pacte de lecture qui permet de reconnaître le genre (roman), la catégorie (policier, aventures...), le monde dans lequel évoluent les personnages, l'action, les personnages. L'incipit répond aux question : Quand ? Qui ? Où ?
A ; Quand ? La question du temps :
Raconter, c'est rendre présents des événements passés, proches ou même présents. Les débuts de certains romans présentent une date (année, jour, heure, mois). Chez Balzac, le début commence souvent par cet ancrage temporel précis, et par ce qu'on appelle des marques temporelles absolues. Certains titres présentent la date : Quatre-vingt- treize de Victor Hugo. Certains l'ont dans le sous-titre : Le Rouge et le Noir, Chronique de 1830, Stendhal.
Ces indications sont souvent les marques de récit historique, et ont un « effet de réel proportionnel à la précision, et au savoir historique. (93 : révolution française). Les dates mobilisent donc un savoir chez le lecteur, ce qu'on appelle une encyclopédie.
Distanciation : Flaubert choisit souvent de masquer un peu la datation chronologique : ce sont les événements à l'intérieur de la narration, plus tard, qui situeront le récit (effet retard). Seule la précision de l'année situe vraiment le récit dans l'Histoire. Ainsi, certains romans précisent les saisons, l'heure de la journée. Parfois, seuls les objets, les détails matériels permettent de reconstruire l'époque (chemin de fer...) : ce sont des marques temporelles relatives.
Analepses initiales : Il arrive que le début de roman soit vite interrompu par un retour en arrière appelé analepse (contraire : prolepse). Cette construction est fréquente dans les Mémoires, ou les récits du XIXème.
B : Où ? La question du lieu :
Les toponymes : ou noms de lieux, marques de localisation spatiale. Ces toponymes peuvent exister, ou être fictifs, connus ou non du lecteur. Certains patronymes indiquent une localisation : des noms chinois permettent de faire l'hypothèse que le récit a lieu en Chine. Le nom d'Henri II donne des indications temporelles et spatiales (la cour de France). Certains champs lexicaux permettent de donner des indications : celui de la marine, de l'agriculture...
Le motif de l'entrée (dans une ville, une maison...) : De nombreux incipits commencent par une entrée (cf Scarron et le Roman comique). Ces entrées sont des allégories de l'entrée du lecteur dans l'histoire. On trouve aussi, à fonction équivalente, le motif de l'attente (Gervaise à la fenêtre de l'Assommoir). Ces motifs, puisqu'ils reviennent souvent, peuvent être appelés des topos romanesques (clichés romanesques ou stéréotypes).
C : Qui ?
Le motif de la personne (grammaticale =qui parle ?) et du personnage, qui intéresse plus particulièrement notre objet d'étude :
Le romancier classique, celui du XIXème siècle, entraîne son hypothétique lecteur en inscrivant l'histoire qu'il raconte dans l'Histoire, en relaint ainsi le réel à la fiction. Pourquoi ce souci-là ? En partie afin de permettre au lecteur d'approcher « l'autre », le personnage romanesque, qui est plus ou moins proche du romancier. Le personnage est pour Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, auteurs appartenant au Nouveau Roman, une notion périmée (deux ouvrages : le premier est celui de Robbe-Grillet:Pour un nouveau roman, le second de Nathalie Sarraute L'ère du soupçon).
Le personnage :
Il faut étudier d'abord comment les personnages sont désignés : patronymes, prénoms, surnoms, fonctions, périphrases avec relatives... Pour Le Curé de Tours, Biroteau est accompagné de sa fonction : curé. Dans de nombreux incipits ; le premier mot est un prénom : Gervaise dans l'Assommoir, …Dans cinq des sept romans de Maupassant,on trouve un nom et prénom (Bel Ami : Georges Duroy).On trouve aussi le groupe nominal : « Un homme » ou « une femme »... et ce n'est que beaucoup plus loin que le récit rapportera l'information du nom.
L'Education sentimentale de Flaubert : Un jeune homme de dix-huit ans, à longs cheveux et qui tenait un album sous son bras....
Le corps romanesque : le choix des éléments du corps et l'ordre de leur dévoilement constitue le corps romanesque du personnage. Le portrait peut être physique (une prosopographie), morale (une éthopée) ou les deux (portrait). Le portrait peut être implicite, dévoilé par l'action du personnage. Le personnage est en effet déterminé autant par les informations explicites que par les informations implicites, déduites. Dans L'Etranger de Camus, Meursault n'est jamais décrit : le roman, il est vrai, est à la première personne. Mais il ne livre que peu d'informations de ce genre.
L'actant : L'important dans un récit est ce qui fait progresser l'action. Le folkloriste Propp l'a montré en analysant les contes. Ses analyses ont été reprises par le roman (le schéma actantiel) : L'adjuvant, l'opposant, le destinateur, le destinataire, l'objet, la quête). Le personnage n'est pas la seule entité agissante. (L'argent dans le roman réaliste, ou la grande maison dans L'Assommoir de Flaubert).
L'effet personnage : Le personnage est toujours une illusion. Le poète Paul Valéry disait du personnage qu'il était un vivant sans entrailles, un être fait de mots, qui évolue au gré de la fiction, du récit. L'ensemble des traits qui le constituent produit un effet personnage : il nous paraît vrai, ou proche de nous.
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