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Médée – Pierre Corneille (acte V, 2)

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Par   •  26 Septembre 2022  •  Commentaire de texte  •  4 158 Mots (17 Pages)  •  1 868 Vues

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Médée – Pierre Corneille (acte V, 2)

Est-ce assez, ma vengeance, // est-ce assez de deux morts ?

Consulte avec loisir tes plus ardents transports

Des bras de mon perfide arracher une femme,

Est-ce pour assouvir les fureurs de mon âme ?

Que n’a-t-elle déjà des enfants de Jason,

Sur qui plus pleinement venger sa trahison !

Suppléons-y des miens ; immolons avec joie

Ceux qu’à me dire adieu Créüse me renvoie :

Nature, je le puis sans violer ta loi ;

Ils viennent de sa part, // et ne sont plus à moi.

Mais ils sont innocents ; aussi l’était mon frère ; (résistance – avocat de la défense // moment de réalisation horreur)

Ils sont trop criminels d’avoir Jason pour père ;

Il faut que leur trépas redouble son tourment ;

Il faut qu’il souffre en père aussi bien qu’en amant.

Mais quoi ! j’ai beau contre eux animer mon audace,

La pitié la combat, et se met en sa place : (champ lex de la lutte, du combat)

Puis, cédant tout à coup la place à ma fureur,

J’adore les projets qui me faisaient horreur :

De l’amour aussitôt je passe à la colère,

Des sentiments de femme aux tendresses de mère. (deux personnages en elle)

Cessez dorénavant, pensers irrésolus, (résumé de l’extrait – s’adresse à elle-même)

D’épargner des enfants que je ne verrai plus. (futur simple = déjà acté, pas un conditionnel)

Chers fruits de mon amour, si je vous ai fait naître,

Ce n’est pas seulement pour caresser un traître :

Il me prive de vous, et je l’en vais priver.

Mais ma pitié renaît, et revient me braver ;

Je n’exécute rien, et mon âme éperdue

Entre deux passions demeure suspendue.

N’en délibérons plus, mon bras en résoudra ;

Je vous perds, mes enfants ; mais Jason vous perdra (présent)

Il ne vous verra plus… Créon sort tout en rage ;

Allons à son trépas joindre ce triste ouvrage.

Remarques sur Médée, place dans son œuvre (pour introduire)

Médée sa première tragédie – avant des comédies et ensuite une tragi-comédie, Le Cid.

Ce qui intéresse Corneille, c’est la figure du héros = avant tout il suscite l’admiration. Il veut montrer l’ambivalence de ses héros, ni bons ni mauvais. Pas entièrement coupables ni juste innocents. Style plus dramatique que Racine, moins souple et moins efficace (Racine est son cadet).

Situation de l’extrait (à faire si c’est sur programme). Vient d’envoyer sa robe à Créuse, dévorée par le poison ainsi que son père Créon. Déjà une partie de sa vengeance accomplie – se demande si elle va assassiner les deux enfants qu’elle a eu de Jason. Balance entre désir de vengeance et pitié – conclusion de commettre l’innommable.

Comment, en utilisant une argumentation en apparence rationnelle, Corneille dessine-t-il le portrait d’un personnage qui oscille entre monstruosité et humanité, entre folie et raison ?

Un monologue délibératif qui se donne des apparences de rationalité

  1. - Une apparence de rationalité

Structure

  • Question
  • Progression des arguments
  • Conclusion après confrontation – situation stable, problème est résolu

Véritables questions à elle-même = délibération. Médée se pose de véritables questions, qui ne sont pas rhétoriques, même si le lecteur connaît, lui, la fin de l’histoire (forme d’ironie tragique, peut-être) : « Est-ce assez…./ est-ce assez /…. est-ce pour… ? » → l’anaphore des expressions interrogatives souligne le questionnement intense de l’héroïne qui sert de base, de fondement à cette scène. L’expression impérative « consulte avec loisir » montre la nécessite d’un temps de réflexion dans le processus de la prise de décision. Avec loisir = autant qu’elle le veut, possibilité de revenir dessus, sans contrainte autre que la nécessité de sa propre pensée.

– Puis viennent les arguments qui s’opposent et se complètent → les idées se font face et s’opposent non pas en deux blocs distincts, mais groupes de vers après groupes de vers : 1333-36, argument favorable au meurtre ; 1337, argument défavorable ; 1337-40, favorable ; 1341-42, défavorable ; 1347-51, favorable ; 1352, défavorable.

– Enfin, la prise de décision, comme attendu, s’effectue en fin de monologue, dans les quatre derniers vers. L’organisation canonique de la délibération, du débat intérieur, semble donc respectée au premier abord.

Plaidoyer juridique / champ lexical de la délibération : La portée argumentative apparaît de manière manifeste dans le monologue grâce au champ lexical de la délibération et de la prise de décision : « n’en délibérons plus », « innocents », « loi », « criminels », etc. → ce champ lexical judiciaire souligne l’importance d’une prise de décision apparemment réfléchie, qui se ferait de la même manière que dans un tribunal. L’analogie du monologue délibératif avec le système judiciaire se fait ainsi de façon évidente et pousse le lecteur à accorder au monologue de Médée une dimension réfléchie et sensée.

 2 - Une argumentation bancale, qui n’est qu’en apparence rationnelle

Même si le texte semble argumenté et sensé, Médée prononce ici un monologue dysfonctionnel, où elle occupe tous les rôles dans la délibération ; elle est à la fois victime, juge et avocat des deux parties, et bourreau.

  • Médée est avant tout la victime de la situation : lexique de la trahison appliqué à Jason « perfide », « trahison », « traître » → rappel des affronts subis par Médée et de la répudiation dont elle fait l’objet.
  • Elle est aussi l’avocate de sa propre cause : on retrouve ainsi le vocabulaire de la culpabilité appliqué au « camp » de Jason : « criminels d’avoir Jason pour père » → culpabilité de Jason est si grande qu’elle semble s’étendre par métonymie à ses enfants qui sont une part de lui.

Le plaidoyer de Médée pour sa propre cause transparaît aussi dans les tournures injonctives reprises en anaphore (vv.1339-40) « Il faut », « ce n’est pas seulement pour » → montrent la nécessité d’une punition pour satisfaire à la justice et faire en sorte que la situation redevienne équitable.

Le personnage semble toutefois s’enferrer dans une argumentation sans queue ni tête : la répétition des « mais » (v.1337-41-52) souligne la juxtaposition sans lien d’arguments opposés qui ne sont pas réconciliables / l’exclamation « Mais quoi ! » (v.1352) insiste sur la situation délicate et sans issue dans laquelle se trouve l’héroïne. Absurdité du raisonnement = ces enfants ne sont pas les miens passage de « miens » à de « sa part ».

  • Les termes repris par la Médée « avocate de la défense » soulignent l’absurdité du projet de s’en prendre à ses enfants, avec le lexique de l’innocence : « ils sont innocents » (v.1337). On peut toutefois remarquer que la proportion des passages où Médée prend la défense de ses enfants, par rapport à ceux où elle projette leur mort, est moindre, et sont toujours entourés et contrebalancés par des arguments contraires. Ce rôle, qui a dès le début une moindre, semble ainsi annoncer la fin.
  • L’héroïne, qui est à la fois victime et avocate de sa propre cause, assure également le rôle de juge, qui est contradictoire avec ses deux rôles précédents : termes à la première personne fréquemment associés à l’idée de décision finale et de châtiment, « immolons », « suppléons », « n’en délibérons plus », « allons à son trépas… » → les impératifs à la 1ère personne montrent que la décision induite par les impératifs est entièrement le fait de Médée ; la métonymie « mon bras en résoudra » associe aussi la personne de Médée avec « mon bras » et l’idée de sentence définitive avec « résoudra ». impératifs montrent aussi une injonction à l’action et pas à la raison ou à la justice simplement.

3 - Argumentation entièrement soumise à la vengeance et non à la justice :

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