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Pensez-vous que l’on retienne les apologues parce qu’ils nous amusent ou parce qu’ils nous instruisent ?

Dissertation : Pensez-vous que l’on retienne les apologues parce qu’ils nous amusent ou parce qu’ils nous instruisent ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  29 Février 2024  •  Dissertation  •  2 303 Mots (10 Pages)  •  46 Vues

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1 1ère générale. Exemple de dissertation rédigée. Sujet de dissertation : Pensez-vous que l’on retienne les apologues parce qu’ils nous amusent ou parce qu’ils nous instruisent ? Vous répondrez à cette question en vous inspirant de votre lecture des livres VII à XI des Fables ainsi que de celle des apologues étudiés au sein du parcours. « Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables », écrit La Fontaine à Monseigneur le Dauphin afin de définir ses fables, forme particulière de l'apologue, court récit à visée argumentative. La fable ajoute à l'apologue la dimension poétique du texte. Elle est donc d'autant plus agréable et plaisante. On peut se demander alors ce qu'il reste dans l’esprit du lecteur, une fois la fable lue. Retient-on, mémorise t-on les apologues parce qu’ils nous amusent ou parce qu’ils nous instruisent ? Autrement dit, est-ce la part du rire, du divertissement suscité par le récit qui le constitue en partie ou celle de l’enseignement délivré par la moralité qui s’imprime en nous, qui nous marque ? Tels sont les mécanismes de mémorisation de l’apologue que nous soumettrons à notre analyse en évoquant, dans un premier temps, les facteurs d’amusement qui contribuent à nous faire retenir l’apologue, puis le rôle de l’instruction dispensée par l’apologue dans le processus de mémorisation. Nous envisagerons enfin ce qui constitue l’efficacité propre de l’apologue : nous instruire par le biais de l’agrément. La mémorisation des apologues est tout d'abord liée au fait qu'ils nous amusent. La Fontaine choisit en effet des personnages et un cadre fantaisistes, qui s’impriment dans notre esprit. C'est le cas notamment avec l'utopie, autrement dit l'invention d'un lieu qui n'existe pas et qui représente notre idéal. Fénelon recourt à cette technique dans les Aventures de Télémaque, créant la Bétique qui ressemble à un locus amoenus des récits courtois du Moyen-Age : le lecteur est charmé par ce tableau splendide d'un lieu paisible où tout se donne en abondance. Les images viennent ainsi marquer l’esprit du lecteur. Il peut aussi être séduit par les multiples références à l’Antiquité ou à la littérature médiévale, avec un décor évoquant des œuvres appréciées. Le recours aux animaux crée de même cette sensation de plaisir qui nous accroche. La superposition et les échos entre le règne animal et le règne humain est un jeu dans lequel nous entrons facilement : notre curiosité est en alerte ; on cherche à déceler dans les comportements animaliers ce qui se rapporte à l’humain. Les Fables de La Fontaine nous incitent par exemple à déceler dans les décisions cruelles et autoritaires du Lion le caractère impitoyable d’un monarque, comme dans « Les Animaux malades de la peste » (VII, 1) ou dans « La Cour du Lion » (VIII, 6). De même, sous les traits de la mouche, dans « Le Coche et la Mouche » (VII, 8), nous repérons ces individus parasites qui nous importunent et s’attribuent le travail d'autrui. L'importance du recours au récit et aux animaux est d'ailleurs soulignée par La Fontaine lui-même dans « Le Pouvoir des Fables » : l'orateur saisit l'attention de l'auditoire au moyen d'un apologue. Les personnages animaux dans des situations politiques font sourire. Que vient faire une anguille dans un moment de mobilisation générale ? Les digressions, les interruptions, les paralogismes1 surprennent et nous font rire. La dimension comique des apologues est liée à l'art du récit chez La Fontaine. Dans « La Laitière et le pot au lait », par exemple, le récit est court et le schéma narratif bien marqué, par des temps forts, avec une chute dans les deux sens du terme : au sens propre comme au sens figuré. Le même principe est à l’œuvre dans « Les Deux Coqs », où l'orgueilleux est puni par la « griffe » du rapace. Le comique est aussi lié à une écriture parodique : dans « Les deux 1 On appelle paralogisme en philosophie une rupture du déroulement logique d'un propos (on se met soudain à parler d'autre chose, on associe deux éléments qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre). Si cette absence de logique vise à manipuler un auditoire, on parlera de sophisme. 2 coqs », le fabuliste fait notamment un clin d'oeil à L'Iliade d'Homère. Quant à Kafka, il parodie un roman de formation, d'où sa conviction d'avoir écrit un roman comique avec La Métamorphose. Lire son roman à voix haute suscitait chez ses amis et lui une irrépressible hilarité : au lieu de transformer un héros en lion, il métamorphose en effet un antihéros en insecte indéfini, ce qui renverse tous les codes établis. Le comique est, de même, lié à la métaphore de l'automate pour les personnages des Caractères de La Bruyère. C'est pour Henri Bergson ce qui nous fait rire dans les caricatures : les mouvements du vivant se figent dans des gestes répétitifs et décalés par rapport au réel. Deux Courtisans s'agitent en affirmant s'occuper des affaires du monde entier alors qu'ils vivent dans une dictature asolue où ils n'ont aucun pouvoir ni aucune liberté, allant et venant comme s'ils étaient montés sur des ressorts : l'image prête à sourire. Or ces caractéristiques de l’apologue constituent un mode d’apprentissage manifeste, loin de toute abstraction qui peut être difficile pour un enfant ou rebuter un adulte. Ils nous plaisent pour nous instruire : la conjonction de coordination « et » dans la devise des Classiques, « placere et docere », joue le rôle d'une préposition consécutive, « pour ». Les apologues nous marquent, non seulement parce qu'ils nous font rire, mais aussi et surtout parce qu’ils nous invitent à réfléchir sur nous-mêmes et sur notre place dans le monde. L'instruction dispensée par l'apologue entre en effet dans le processus de mémorisation de la fable. L'enseignement explicite de « La Cour du Lion », par exemple, est directement adressé au lecteur : « Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire / Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère ». La rime finale entre « plaire » et « sincère » souligne l'antithèse entre la vérité et le mensonge : à la Cour de Louis XIV, pour être populaire, il faut savoir vivre masqué. C'est aussi ce que dénoncera Madame de Lafayette dans La Princesse de Clèves. Pourtant, avec le dernier vers, qui comporte l'adjectif péjoratif « fade » et l'adverbe intensif « trop », est mis en cause l'excès. Il en est de même pour la Princesse : à vouloir trop de pureté, elle échappe à l'humanité. L'idéal de « l'honnête homme » du Classicisme est celui de la mesure. Dans les deux cas, les moralistes dénoncent tout autant un système reposant sur les faux-semblants que des sujets s'appropriant des valeurs de façon excessive, sans modération. L’enseignement explicite nous parvient grâce à une démonstration marquante, et la morale a pour caractéristique le plus souvent d’être une explication, souvent mise en évidence par la typographie de la fable, au début ou à la fin. La Fontaine laisse un espace qui figure le silence de l'orateur. Il interpelle aussi ses lecteurs, leur adressant des injonctions au moyen d'impératifs. Ainsi dialogue-t-il avec son lecteur. Il cherche à le déranger ; il l'interroge par des questions rhétoriques, comme à la fin de la fable des « Deux Amis ». Le lecteur, amené à se positionner, est aussi incité à comparer avec l'insuffisance de son propre comportement : agit-il, lui aussi, comme un véritable ami ? Le silence suggéré par l'espace typographique l'incite à méditer. Il a donc une place dans l'apologue. La structure de certaines fables comme « Le Pouvoir des fables » montre de même l'importance qu'on accorde à ce lecteur complice, par l'effet de mise en abyme2 . Le lecteur est représenté par le public athénien et mis face à ses responsabilités dans le contexte de guerre imminente établi par La Fontaine. Les apologues délivrent ainsi un enseignement vers lequel ils guident leur lecteur, quelle que soit l'époque à laquelle celui-ci appartient. L’enseignement repose en effet sur des vérités universelles. Certes, les récits peuvent être ancrés dans un espace temporel dépaysant comme celui de l’Antiquité dans «Démocrite et les Abdéritains », mais la moralité, énoncée au présent de vérité générale, assure la pérennité de certaines valeurs comme l’amitié − dans « les deux amis » −, l'humilité, la modestie et l'absence de vanité − dans « Le Héron » et « la Fille» −, les vertus du travail − dans « Le Laboureur et ses enfants » − ou le bonheur simple, dans « Le Savetier et le Financier ». 2 Une mise en abyme est un procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre similaire, par exemple un film dans un film (on assiste au tournage d'un film : « La Voce de la Luna » de Fellini, par exmple), du théâtre dans une pièce de théâtre (L'Illusion comique de Corneille), etc. 3 La force des fables repose aussi sur les proverbes qui servent régulièrement à clore les moralités ou qui ouvrent les fables. Ils puisent dans un fond de sagesse populaire dans lequel chacun se reconnait. « Il ne faut point juger des gens sur l’apparence », proclame La Fontaine dès le seuil du « Paysan du Danube » (XI, 7) ou bien « Tel est pris qui croyait prendre », rappelle-t-il à la fin du Rat et de l’Huître » (VIII, 9). Nous retenons donc les apologues parce qu’ils insinuent dans nos esprits des vérités justes, nous incitant à les appliquer. Il semblerait donc que la mémorisation des Fables, leur pouvoir, repose sur la combinaison entre le divertissement et l’instruction. L'efficacité de l'apologue suppose en effet une part d'agrément soutenant un apprentissage. Le récit y est indissociable de la leçon. Ce récit est le support d’une réflexion qui dépasse le cadre strict de la narration. Dans « Le Pouvoir des fables » (VIII, 4), le passage par l’amusement assumé par l’orateur devant ses concitoyens athéniens avec Cérès, l’Hirondelle et l’Anguille est nécessaire, mais il débouche immédiatement sur la réflexion utile et politique car la cité est en danger. Ainsi, si le jeu est une manière d’accrocher un lecteur peu enclin à l’effort intellectuel, il ne se limite pas à un divertissement inconséquent, grâce à l’effort de réflexion qu’il encourage. Il prend sens. Or les hommes et femmes du dix-septième siècle sont toujours en recherche de ce qu'ils nomment l’édification : la musique même doit avoir pour objectif de nous faire sentir la présence de Dieu dans le monde. Le plaisir qu'elle nous procure n'est qu'un moyen pour nous convertir, pour nous donner la sensation qu'il existe un autre monde au-delà de celui dans lequel nous vivons, un monde divin dont il faut nous rendre dignes en pratiquant les valeurs chrétiennes. Comme dans la Bible dont les paraboles délivrent un enseignement, le détour par l’imaginaire permet au lecteur de mieux retenir la leçon qui lui est adressée. La dimension ludique de la fable nous conduit par exemple à redécouvrir le monde, à poser un regard neuf sur lui. Nous revivons l'étonnement de l'enfant − un étonnement qui, pour Aristote, est la première étape d'un questionnement philosophique sur le monde. On cherche à comprendre car les situations, soudain, ne nous apparaissent plus si familières que ce qu'il semblait à première vue. De l'étrangeté s'est glissée dans le quotidien. Nous étions par exemple habitués à croire que celui qui maîtrisait le langage prenait forcément le pouvoir, or la fable « Le Milan et le Rossignol » nous saisit, dans un tableau cruel dont la fin tragique est à deviner : « Ventre affamé n'a point d'oreille ». La misère est donc la limite du pouvoir de la rhétorique, la limite même du travail du fabuliste, dans une prise de distance dont l'humour noir nous frappe. Par la surprise, par le sourire, par le rire, notre intelligence est sollicitée : nous sommes sensibilisés à des situations qui auraient pu nous laisser indifférents parce que trop proches de nos habitudes, trop familières. Le passage par la fantaisie éloigne nos pensées de nous-mêmes et les rendent provisoirement objectives puisqu’il nous faut raisonner sur des faits qui nous concernent, sans nous impliquer personnellement. Prenons pour exemple « Les Deux Pigeons » ou « L’Âne et le Chien » : pour fantaisistes, ces apologues n’en sont pas moins instructifs sur l’aveuglement et l’égoïsme de l’homme qui court après des chimères et ne reconnaît pas le bonheur simple, à sa portée pour peu qu’il soit modeste et humble, faisant preuve de bon sens. Ainsi, l’apprentissage des valeurs auxquelles nous devrions nous hisser et le constat de nos travers sont moins désagréables grâce au recours à la fiction. C'est ce qu'on retire aussi de la technique du regard étranger dans « De la Cour » de La Bruyère : le narrateur permet laisse une distance entre le lecteur et son propre reflet. · C’est donc parce qu’il nous amuse et nous instruit à la fois que l’apologue est efficace et se retient plus aisément. La mémorisation tient sans doute à l'art du récit et à la dimension ludique qu'il se plaît à mettre en œuvre, tout en les plaçant toujours au service de la démonstration et de la transmission de la thèse défendue par le moraliste. Le récit demande une réflexion du lecteur ; il entraîne un cheminement pour construire le sens de l’apologue. Le lecteur est acteur du 4 raisonnement auquel l’écrivain le convie, de sorte qu’il retient plus facilement la leçon puisqu'il participe à son élaboration. « Penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pour ainsi dire en commun avec d’autres ? », interrogera Kant au dix-huitième siècle, nous incitant, avec les autres philosophes des Lumières, à devenir des lecteurs acteurs de notre propre liberté. L'apologue permet cette démarche de dialogue participatif.

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