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Théorie Du Complot

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des futurs récits conspirationnistes : une « idéologie réactionnaire », une « subjectivité camouflée dans une fausse objectivité », un « langage haineux »2, etc. De son côté, Marcel Gauchet déclare que c'est en réaction à Augustin Cochin, dont l'œuvre relaie la même interprétation conspirationniste de la Révolution, que l'expression « théorie du complot » est apparue en France3.

S'il est vrai que les Constitutions d'Anderson, texte fondateur de franc-maçonnerie a exercé « une influence profonde sur les écrits que produisirent nombre d’initiés ayant appartenu au monde littéraire du siècle des Lumières », il n'est pas obligatoire de postuler l'existence d'une conspiration. Ainsi, « l’influence prêtée abusivement aux maçons est avant tout à rechercher dans le rôle exercé par la formation maçonnique sur les mentalités des initiés », aux idées qui circulaient au XVIIIe et non à quelques conspirateurs spécifiques4.

Articles détaillés : Théories du complot maçonnique#La Révolution française, inspirée ou organisée par la franc-maçonnerie ? et Franc-maçonnerie en France.

La Révolution française peut être ainsi vue comme le premier grand événement de l'histoire du conspirationnisme, dans la mesure où ce bouleversement a suscité des théories de tous bords. Car si l'idée fantasmatique de la Révolution comme coup d'État planifié était relativement partagée, il y avait à l'inverse une très grande diversité des interprétations quant à l'identité des supposés conspirateurs : clubs, loges et autres « sociétés de pensée » passant pour avoir prévu et organisé leur prise de pouvoir, régiments de la guerre d'Amérique, financiers et négociants gravitant autour du Club des Jacobins ou du Club Massiac, etc. La conspiration dénoncée par Barruel dans Mémoires pour l'histoire du Jacobinisme implique même des groupes beaucoup plus anciens, comme les Rosicruciens et les Templiers, qui auraient selon lui perduré. D'autres accusaient les nations étrangères : l'Angleterre, la Prusse... Réciproquement, des révolutionnaires ont accusé les girondins, les modérantistes, les Vendéens, les Autrichiens ou encore les fédéralistes, de comploter « contre » la Révolution.

Évolution historique des théories du complot[modifier]

Sergueï Nilus, un des premiers éditeurs des Protocoles des Sages de Sion, faux document véhiculant la théorie du complot juif.

Les théories du complot du xixe siècle prennent comme responsables récurrents des sociétés secrètes apparues au siècle précédent, notamment les Francs-maçons et les Illuminatis, mais aussi des groupes plus anciens comme les Jésuites. Au milieu du xixe siècle, au milieu de la controverse entre marxistes et anarchistes, Bakounine profère sa théorie du complot juif5 :

Tout ce monde juif, constituant une secte unique exploitante, une sorte de peuple suceur de sang, une sorte de parasite organique collectif et destructeur, d'étendant non seulement au-delà des frontières des États, mais de l'opinion politique, ce monde est maintenant, au moins en grande partie, à la disposition de Marx, d'une part, et de Rothschild de l'autre [...] Le fait est que le socialisme autoritaire, le communisme marxiste, exige une forte centralisation de l'État. Et là où il y a centralisation de l'État, il doit nécessairement y avoir une banque centrale, et là où existe une telle banque, est la nation juive parasitaire, spéculant sur le travail des peuples. 6

À la charnière du xxe siècle, on voit réapparaître les Juifs, cette fois complotant avec les Francs-maçons, avec le célèbre Protocoles des Sages de Sion, faux document mis au service de l'antisémitisme russe pour justifier et encourager les pogroms et utilisés par la suite par les antisémites européens (dont Adolf Hitler, qui s'y réfère explicitement dans Mein Kampf).

Au xxe siècle, les théories du complot deviennent un élément important de la culture anglo-saxonne. L'assassinat de John F. Kennedy en 1963, considéré comme le fruit d'une conspiration par le Comité HSCA en 1979, a suscité un grand nombre d'élucubrations. De même, les attentats du 11 septembre 2001 ont généré un flot de contestation conspirationniste contre le gouvernement des États-Unis.

À l'aube du xxie siècle, le filon du conspirationnisme est exploité dans de grands succès populaires comme X-files ou Da Vinci Code. Certains sociologues considèrent, en outre, la généralisation de l'explication par le complot comme un aspect clé de la mentalité postmoderne (voir plus bas).

Enjeux et problèmes autour de la notion[modifier]

Karl Popper

C'est probablement au lendemain de la Seconde guerre mondiale, dans La Société ouverte et ses ennemis7 (1945), qu'est formulée, sous la plume du philosophe des sciences Karl Popper, la première définition de la théorie conspirationniste de la société (Conspiracy Theory of Society) :

« C'est l'opinion selon laquelle l'explication d'un phénomène social consiste en la découverte des hommes ou des groupes qui ont intérêt à ce qu'un phénomène se produise (parfois il s'agit d'un intérêt caché qui doit être révélé au préalable) et qui ont planifié et conspiré pour qu'il se produise. » 8

Le philosophe Charles Pigden fait remarquer que cette première définition de la théorie conspirationniste de la société, pourrait être sans objet. Pidgen remet en question l'idée de Popper selon laquelle la croyance en l'existence de conspirations doit toujours tout expliquer, pour la personne qui y croit9.

En 2008, Jack Z. Bratich propose la première analyse du discours sur les théoriciens des théories du complot. Dans Conspiracy Panics: Political Rationality and Popular Culture10, Bratich date l'apparition du discours actuel sur le conspirationnisme à la parution de l'ouvrage de Richard Hofstader, The Paranoid Style in American Politics and Other Essays, en 196511. La notion de « style paranoïaque » renvoie à la psychiatrie, mais s'en distingue radicalement :

quand j'utilise l'expression « style paranoïaque », je ne parle pas dans un sens clinique, mais j'emprunte un terme clinique à d'autres fins. Je n'ai ni la compétence ni la volonté de catégoriser des personnages du passé ou du présent comme cliniquement fous. C'est l'utilisation de modes d'expression paranoïaques par des gens plus ou moins normaux qui fait que le phénomène est significatif.

Richard Hofstadter, 1965. The Paranoid Style in American Politics and Other Essays, 196512.

Dès lors apparaît un

« changement dans la problématisation (du conspirationnisme). La problématisation ne cherche plus à catégoriser différents "acteurs", mais à établir une manière de penser qui pourraient être adoptée par n'importe quel acteur politique. [...] Il s'agit d'une imitation de raison, qui demande donc une vigilance constante. [...] Le style paranoïaque dans sa forme intérieure populiste n'est pas simplement exilée à l'extérieur du discours politique normal, c'est un danger qui menace constamment de l'intérieur. Bien qu'il soit relégué à la marge de la pensée officielle, il est également parmi nous, tapi au sein de la nation, dans son cœur, au sein la population. Ce n'est pas « nous », mais cela pourrait être n'importe qui. » (Bratich, 2008, p. 32-33)13

Affiche de l’Exposition antibolchevique en France occupée, dénonçant l'existence d'une conspiration mondiale judéo-maçonnico-bolchévique (Comité d’action antibolchévique).

Pierre-André Taguieff a identifié quatre grands principes de base des croyances conspirationnistes :

« Rien n'arrive par accident ;

Tout ce qui arrive est le résultat d'intentions ou de volontés cachées ;

Rien n'est tel qu'il parait être ;

Tout est lié, mais de façon occulte. »14

Ces croyances concordent avec la sémiologie du délire paranoïaque qui est :

généralement basé sur une intuition délirante, faisant ensuite appel au mécanisme interprétatif ;

centré sur un seul thème (la jalousie, le préjudice, le complot, l'érotomanie, etc.) ;

hautement systématisé : les prémisses sont délirantes; ensuite, le délire se déploie de manière parfaitement organisée, logique, claire, cohérente, pouvant même emporter l'adhésion d'auditeurs.

Article détaillé : délire paranoïaque.

Sur fond de ces principes, se forme la dénonciation d'une « manipulation des masses », dont les croyances sont:

l’existence d’un petit groupe,

décidé à influer sur les événements, à en prendre le contrôle ou à les provoquer,

de façon secrète,

afin de prendre ou de conserver un pouvoir politique, et/ou économico-financier,

...

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