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Travail De Matthias

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e nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,

Coulez, coulez pour eux ;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;

Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,

Le temps m'échappe et fuit ;

Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore

Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,

Hâtons-nous, jouissons !

L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;

Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,

Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,

S'envolent loin de nous de la même vitesse

Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?

Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !

Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,

Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,

Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?

Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes

Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !

Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,

Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,

Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,

Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,

Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages

Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,

Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,

Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface

De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,

Que les parfums légers de ton air embaumé,

Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,

Tout dise : Ils ont aimé !

Alphonse de Lamartine - Les Méditations poétiques

Alphonse de Lamartine

peinture de Henri Decaisne, musée de Mâcon

Annonce des axes

Nous verrons donc que ce poème lyrique reflète l'obsession du temps qui passe et met en exergue le pouvoir de la nature.

Commentaire littéraire

I. L’obsession du temps

Le thème principal de ce poème est la fuite du temps, thème traditionnel de la poésie, déjà privilégié par les épicuriens de l’Antiquité et par les poètes de la Pléiade comme Ronsard. Ici, le temps est représenté par la métaphore de l’eau qui est filée tout au long du poème.

Champ lexical du temps avec des divisions temporelles : "la nuit", "le jour", "l’aurore", "le soir", "les heures", "l’année", "moments", "l’éternité" et présence d'adjectifs significatifs : "l’heure fugitive", "nuit éternelle". On observe la métaphore du temps du temps "l’océan des âges" (21, 35-36) assimilé à l’eau -> métaphore filée du temps qui coule. Les allitérations en [l], des vers 14 et 38 par exemple, miment ainsi le bruit de l’eau.

Les enjambements nombreux notamment en fin de strophe semblent précipiter le poème et rendent ainsi sensible pour le lecteur le temps qui passe trop vite.

On remarque également les expressions "heure fugitive", "rapides délices" ou la phrase "le temps m’échappe et fuit" qui évoquent l’écoulement impitoyable du temps. L’antithèse "ce temps qui les donna, ce temps qui les efface" suggère quant à elle la fugacité des moments de bonheur, qui disparaissent aussi vite qu’ils ont éclos. En ce sens, le poème porte la plainte de toute la nature humaine. L’usage de la première personne du pluriel permet ainsi au lecteur de se reconnaître dans le cri de douleur poussé par le poète. Tout le poème semble ainsi évoquer la fuite du temps.

L'allégorie temps-oiseau prend ici une importance particulière. "O temps suspends ton vol", est un impératif adressé au temps comme à un oiseau pour suspendre son vol et se reposer. Au vers 37 où l’adjectif "jaloux" renforce la personnification.

Les participes passés, la voix passive (strophe 1) soulignent la passivité et l’impuissance de l’homme face au temps : il est soumis au mouvement du temps. L’opposition des temps verbaux (passé / présent) : le passé évoque le souvenir, l’expérience vécue (strophes 3 et 4). L'imparfait insiste sur la durée des actions et le passé simple sur le caractère bref et inattendu des moments vécus. Dans ce poème, le présent sert à l’observation générale (présent gnomique : vers 7, 13) et à la réflexion. À partir du vers 20, présence d'apostrophes et de l’impératif présent. À partir du vers 29, les prières sont remarquables, ainsi que le subjonctif présent dans les trois dernières strophes (au début des vers). Il y a correspondance entre les temps : le présent fait naître le souvenir. Les interro-négatives des vers 41 et 44 soulignent la douleur du poète.

Cette réflexion insiste sur l’impossibilité de l’homme à fixer le temps. Cette dernière est signalée par les invocations au temps : il est capricieux (vers 21-22, 30-31, 37, 41), il est celui qui donne et qui reprend, il a un caractère inlassable, éternel (vers 36).

Le rythme est vif : notamment dans les deux premières strophes, il y a absence de points et très peu de coupes. Les enjambements (vers 3, 4, 7, 8) rallongent les vers.

La fragilité de l’homme est mise en valeur et donne une tonalité élégiatique et lyrique au poème.

-> Lamartine réfléchit dans ce texte sur sa condition d’homme, sur sa faiblesse face à la fuite du temps. Il s’agit d’un appel adressé à la nature qui est seule capable d’aider l’homme dans sa lutte contre le temps.

II. Le pouvoir de la nature

Le titre du poème évoque un lieu aimé qui a été le refuge du poète et de sa compagne : seule la nature peut conserver une trace intacte du bonheur.

La nature est très présente dans l’ensemble du poème. Nous la retrouvons sous la forme de l’élément liquide avec l’image du lac mais également à travers l’évocation du "vent" vers 11 ou du "Zéphyr" vers 57 qui représente l’air ou des "roches profondes" qui représente la terre. Les "rochers", "grottes",

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