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Emprunts

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tion et dans son développement.

CHAPITRE I

Les raisons de l’emprunt

Au cours des siècles, le lexique du français a été très influencé par diverses langues. C’étaient surtout celles avec les porteurs desquelles les Français se sont trouvés en contact au travers des guerres et des échanges culturels. L’ emprunt lexical (ou emprunt) c’est le processus consistant, pour une langue, à introduire dans son lexique un terme venu d’une autre langue. L’emprunt peut être direct (une langue emprunte directement à une autre langue) ou bien indirect (une langue emprunte à une autre langue via une – ou plusieurs – langue vecteur). L’emprunt fait partie des moyens dont disposent les locuteurs pour accroître leur lexique, au même titre que le néologisme, la catachrèse et la dérivation.

L’emprunt est un échange de mots entre deux langues gardant chacune son indépendance. De ce point de vue il est faux de qualifier d’emprunts les mots pris par le français à l’argot ou à des terminologies diverses ou bien aux dialectes, car l’argot à, les différentes terminologies et les dialectes ne sont que des variétés ou des rejetons du français. Donc, on appelle mots d’emprunt les termes que les langues étrangères sont censées «prêter». Prêts qu’on ne rend jamais, si ce n’est indirectement, par des «emprunts» opérés en sens contraire. Ces échanges sont aussi courants et normaux que les échanges économiques; ils montrent la solidarité des groupes humains, dans les faits de pensée et de langage comme dans les faits économiques et la nécessité des communications réciproques. Aucun peuple ne peut se suffire à lui-même, ni vivre à l’écart des autres comme l’autarcie économique, l’autarcie intellectuelle est un mythe et une régression. Le peuple recevant un objet nouveau ou une notion jusque là inconnue d’un autre peuple accepte en même temps le nom de l’objet ou de la notion. C’est ce qu’on appelle l’emprunt lexical. C’est le processus consistant, pour une langue, à introduire dans son lexique un terme venu d’autre langue.

Les langues empruntent surtout des mots appartenant aux classes lexicales «ouvertes», c’est-à-dire justement celles qui contiennent un stock variable de lemmes: ce sont principalement les noms, les verbes et les adjectifs. Les classes «fermées» (pronoms, conjonctions) ne reçoivent que très rarement d’ajouts. Il faut cependant noter que les classes dont on parle sont celles d’arrivées, en effet il n’est pas rare qu’une langue emprunte, par exemple, un pronom à une autre langue mais pour en faire un nom. C’est le cas de quidam (³Ýáñáß ¹»ñ.) emprunté au latin. C’est en français, un nom alors qu’en latin c’est un pronom. Mieux encore le bus, nom commun est issu du latin, ou ce n’est qu’une désinence (í»ñç³íáñáõÃÛáõÝ). Plusieurs raisons expliquent l’emprunt lexical. Bien sûr elles ne s’excluent pas les unes les autres. Tout d’abord, un signifiant pour un signifié nouvellement apparu peut manquer dans la langue empruntant le mot. Ainsi, quand de nouveaux animaux ou des plantes alors inconnus ont été directement emprunté aux langues des pays qui les abritaient, P. ex : avocat (¹³ï³å³ßïå³Ý) vient en français du nauatl (langue amérindienne, parlée au Mexique) aucatl, via le castillan-abogado, «avocat» (auxiliaire de justice) et aguacate», «avocat» (fruit de l’avocatier) (les deux mots s’étant croisés), les premiers exporteurs d’avocats en relation avec les Aztéques ayant été les Espagnols; puma (ϳïí³éÛáõÍ), d’une manière similaire, remonte eu quechua via castillan; café (ëáõñ×) remonte à l’arabe, transmis au turc sous la forme qahve et passé en français par l’italien.

La langue d’un pays dominant culturellement, économiquement ou politiquement à une époque donnée est très fréquemment donneuse de mots; c’est le cas du français dont le vocabulaire militaire et la plupart des noms de grade se retrouvent dans toutes les armées européennes depuis l’époque où la France était considérée comme un modèle d’organisation militaire, c’est aussi de l’italien dans le domaine de la musique, qui a transmis des termes comma piano (¹³ßݳÙáõñ) ou adagio (³¹³çÇá). L’anglais actuellement, fournit, du fait de son importance dans ce domaine, nombre de mots concernant le vocabulaire de l’informatique.

L’emprunt peut aussi faire partie d’un phénomène de plus général. Il n’est qu’une des manifestations de la volonté d’imiter une culture alors sentie plus prestigieuse. Dans ce cas le mot emprunté peut n’être qu’un synonyme d’un mot déjà existant; de tels emprunts seront sentis de manière normative comme des fautes de goût ou une faiblesse d’expression. P. ex les verbes: utiliser, poster (óáõÛó ï³É, óáõó³¹ñ»É, áõÕ³ñÏ»É) au lieu de publier (Ññ³å³ñ³Ï»É) dans les forums de discussion passent souvent pour un anglicisme. En effet le verbe «poster» n’a pas en français la même acception que le verbe « «to post» en anglais et le verbe «publier» convient três bien. P.ex: on a emprunté à l’anglais les termes de marine: dock (ݳí³Ýáñᕳñ³Ý), sloop (»é³Ï³ÛÙ ³é³•³ëï³Ý³í), de cinéma: producer, de politique, de finances: lock-out (Éáϳáõï), reconversation (í»ñ³Ýáñá•áõÙ), dumping (ó³Íñ³•ÇÝ í³×³éù) etc.

Victor Henri écrit qu’il faut mettre les linguistes en garde contre cette idée trop répendue que l’influence d’une langue sur une autre dans un contact intime et prolongé de deux peuples d’origine différente n’affecte jamais que le lexique et laisse intacte la grammaire. Bien sûr l’élément grammatical est beaucoup plus stable, mais il n’est pas à l’abri de la contagion. En effet plusieurs suffixes du français ont une origine germanique. P. ex: le suffixe «aud» vient des mots germaniques bald «audacieux» et wald «maître», employés comme second termes de noms composés. Aux 15 et 16 siècles on voit déjà ce suffixe dans les adjectifs désignant des particularités physiques, des attitudes et des traits de caractêre: courtaud (ϳñ×ÉÇÏ, åݹ³Ï³½Ù), noiraud (먳ѻñ ¨ ÃáõË), penaud (ß÷áÃí³Í), findaut (Ëáñ³Ù³ÝÏ), etc. Il est vrais que les traits morphologiques sont apportés par le mot emprunté et ne se développent de façon autonome que secondairement. Voilà pourquoi étudiant l’emprunt linguistique on étudie avant tout l’emprunt lexical.

Adaptations phonologiques

En passant d’une langue à une autre, les mots sont susceptibles d’être adaptés phonétiquement, d’autant plus quand ces mots sont empruntés indirectement. En effet, les systèmes phonologiques des différentes langues ne coïncident que très rarement. (Par ex. balcone est devenu balcon, actum (lat.) est devenu acte, criminalis­criminel (lat), juge ­ (lat.) judicem. L’import de nouveaux phonèmes est un phénomène rare et, au moins, très lent. Par exemple, le mot arabe cité plus haut, قَهْوَة qahwaʰ, ne se prononce pas ainsi en français, langue qui ne connaît ni le [q] ni le [h]. Les francophones, empruntant le mot, ont transformé le [q] en [k], qui lui est relativement proche pour une oreille non entraînée. Quant au [h], il est tombé car aucun phonème proche n’existe en français. De même, dans un mot anglais comme bug [bɐg], le son [ɐ], absent du français, sera le plus souvent adapté en [œ], le mot étant alors prononcé [bœg].

D’une manière générale, avant qu’un mot emprunté ne soit complètement lexicalisé, il existe souvent des locuteurs pour savoir le prononcer d’une manière plus ou moins « correcte », c’est-à-dire plus ou moins proche de sa prononciation originelle. Il existe donc un flottement : le mot français sweat-shirt est prononcé le plus souvent [switʃœʁt] mais [swɛtʃœʁt] par les locuteurs connaissant l’anglais. De toute manière, le mot est un emprunt banal, puisque dans la langue de départ, le même vêtement est nommé sweater. Avec le temps, ces divergences de prononciations ont tendance à s’estomper.

Enfin, il faut tenir compte de la graphie du mot : si, en s’adaptant, un mot garde sa graphie originale (comme sweat), il est évident que les locuteurs risquent de le prononcer en suivant les règles de lecture propres à leur langue ou celles supposées des mots étrangers. Si, en français, on entend plus souvent [swit], c’est bien parce que le diagramme ea ne renvoie à aucune règle de lecture précise dans cette langue (sauf après un g). Or, pour un locuteur lambda, ea, comme ee, est décodé [i] (par contamination avec des mots passés en français ou connus par ailleurs, comme beach-(volley), beatnik ou encore teasing).

Le français a emprunté beaucoup de mots des autres peuples. La plus grande affluence des mots italiens date du 16 et du 18 siècles, l’Italien ayant davancé la France dans plusieursdomaines des sciences, des arts et de l’économie.

En ce qui conserne l’anglais, la plupart des anglicismes ont pénétré dans la langue française au cours du 18 et 19 siècles, époque où l’Angleterre a acquis un grand prestige dans l’arène mondiale. Le siècle a apporté une quantité d’emprunts au russe ce qui s’explique par l’influence toujours croissante de l’Union Soviétique, par ses progrès scientifiques et économiques.

L’emprunt reflète le lien étroit qui existe entre la langue

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