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Ma Bohème

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(actuelle Tchéquie). On appelait "bohémiens" les nomades tziganes que l'on croyait originaires de ce pays. Par analogie, le terme de "Bohème" (avec accent grave) s'est employé au XIX° siècle pour désigner la vie au jour le jour, insouciante et souvent misérable, du milieu des artistes, qui menaient "une vie de bohème", à l’encontre des lois sociales traditionnelles de manière anticonformiste, sans respect des règles poétiques en vigueur (pas de norme).

























































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Certains éditeurs corrigent Rimbaud. D'autres éditeurs, comme Pierre Brunel (édition Rimbaud de La Pochothèque), adoptent l'accent circonflexe dans le titre du poème, tout en reconnaissant que "l'accent sur Boheme reste douteux dans le manuscrit"
 
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Introduction Ce poème « Ma Bohème » fut rédigé par Rimbaud au cours d’une de ses nombreuses fugues du courant de l’année 1870. Le jeune homme fuit l’univers étouffant de la famille et de la province, et désire découvrir des horizons nouveaux. Ce sonnet plein de fantaisie illustre bien les errances adolescentes en même temps qu’il montre les préoccupations de Rimbaud. Il évoque deux thèmes : le voyage et la poésie, thèmes étroitement liés qui montrent l’idée que Rimbaud se faisait de l’écriture et de l’art. En Septembre et Octobre 1870, Arthur Rimbaud trouve refuge à Douai chez son professeur de lettres Georges Izambard, à l'issue d'une fugue. Là, sur des cahiers d'écolier, il recopie avec application ses poèmes récents, dans l'espoir de les faire publier. Le poème d'Arthur Rimbaud intitulé "Ma Bohème" clôt le second des "cahiers de Douai". C'est un sonnet, qui évoque les fugues du poète. Rimbaud y peint son autoportrait en coureur de chemins, ivre d'espace et de liberté. La nature, image féminine et fantastique, l'accueille et le protège comme une mère. Son bonheur, c'est la poésie. Et nous verrons qu'on peut aussi lire ce sonnet comme un petit manifeste théorique de Rimbaud sur sa conception de la poésie, une sorte d'art poétique. I - Autoportrait de l'artiste en coureur de chemins (ou en Clochard céleste (The Dharma Bums), publié en 1958) titre d’un livre de Jack Kerouac, auteur américain de la « Beat Generation », célèbre pour son roman Sur la route (On the Road), publié en 1957. · Un autoportrait : Si l'on compare ce poème à d'autres textes du deuxième cahier de Douai qui relatent les fugues de l'été 70, on remarque une différence : ici, pas de "choses vues", pas de rencontre comme dans "Le cabaret vert" ou dans "La Maline". Rimbaud est luimême au centre du poème. La première personne est omniprésente (8 fois "je"; 8 fois l'adjectif possessif mon, ma ou mes). Il se décrit : ses sensations, ses vêtements, l'une de ses attitudes à la fin du poème (quand il se décrit "assis au bord des routes", affairé autour de ses "souliers blessés"). · Un vagabond : Rimbaud se plaît à se décrire en vagabond. Ses vêtements sont élimés (son "paletot" était si usé qu'il n'était plus qu'une "idée" de paletot (vers 2)). Ses poches sont "crevées" (v.1). Son pantalon est troué (v.5). Ses souliers sont abîmés par la marche (v.14). La comparaison avec le petit Poucet (vers 6) suggère l'errance. Le vers 7 indique qu'il dort à la belle étoile. On peut se demander dans quelle mesure cet auto-portrait est réaliste; dans quelle mesure nous n'assistons pas à la construction d'un mythe, où Rimbaud le fils de famille se métamorphose en un pauvre orphelin semblable aux personnages du poème "Les effarés". · Un adolescent révolté, ivre d'espace et de liberté : le poème est placé sous le signe de l'énergie libératrice : les poches ne sont pas trouées mais "crevées"; non par les mains mais par les "poings" de l'adolescent. La révolte jette le jeune homme sur les routes : répétition de termes de mouvement : "Je m'en allais" (v.1), "j'allais" (v.3); "j'égrenais dans ma course" (v.6). L'espace semble s'ouvrir devant le marcheur : "le ciel, la grande ourse, les étoiles, les routes". La destination du voyage n'est pas précisée. On marche dans le seul but de marcher. Ceci nous renvoie au sens du titre : le mot "Bohème" doit être pris dans un double sens, il désigne la vie d'artiste, insouciante et libre; mais Rimbaud se souvient que le premier sens du mot désigne la vie nomade, la vie errante des "bohémiens"(cf aussi. "Sensation" : "Et j'irai loin, très loin, comme un bohémien"), des "gens du voyage". Sa bohème à lui, 
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vagabonde, ivre d'espace et de liberté (il faut donner un sens plein, au possessif "Ma") le distingue de la bohème sédentaire des artistes parisiens, dont le romantisme a fait une mode et un cliché (cf. "Scènes de la vie de Bohème" de Murger – 1848).

Remarquer l’abondance des formes pronominales et des adjectifs possessifs « ma bohème », « mes souliers », « mes étoiles » : dix-neuf occurrences en tout dans le poème. La liste des substantifs déterminés par les adjectifs de la première personne est très révélatrice de l'étendue des possessions du poète, véritable souverain de cet espace de Fantaisie : il s'agit d'abord de ses vêtements, puis de son vagabondage, et enfin des éléments du corps. À cela s'ajoute la possession des étoiles (vers 8) qui étend le royaume du poète à l'infini du cosmos. Le dénuement du voyageur aux poches crevées, au paletot [...] idéal et aux souliers blessés s'est ainsi transformé, comme dans les contes de fées, en véritable richesse. Rimbaud s’approprie cet espace inconnu comme les règles de la poésie qu’il réinvente et renouvelle à souhait.

· Un orphelin cherchant protection et amour auprès de la nature : L'adolescent en fugue se retrouve seul sur les routes et il parle de la nature comme si elle était pour lui tout seul, comme si elle lui appartenait. Noter à nouveau dans ce contexte l'usage des adjectifs possessifs : "Mes étoiles"; "Mon auberge était à la grande ourse". La nature le protège, elle lui fournit son coucher (son "auberge"), la nourriture spirituelle où il puise sa force, où il se régénère ("des gouttes / de rosée à mon front, comme un vin de vigueur") et trouve son inspiration. Elle est bienveillante : noter l'usage de l'adjectif "bon" dans "ces bons soirs de septembre". Elle est femme : le jeune poète visionnaire perçoit la "musique des sphères" (image traditionnelle depuis la Renaissance pour exprimer l'impeccable fonctionnement de l'ordre cosmique) et il la décrit comme un froissement de robes dans le ciel ("Mes étoiles au ciel faisaient un doux frou-frou"). Parlant du frou-frou des étoiles, Rimbaud déplace

l’onomatopée dont on se sert habituellement pour exprimer le froissement des feuilles ou des étoffes ; on peut donc dire avec Marie-Paule Berranger, que « c'est le ciel qui devient un abri protecteur, vaste jupon maternel au bruissement rassurant". Rimbaud exploite le sens chorégraphique d'étoiles. Le mot étoiles vaut ici également comme étoiles de ballet, danseuses étoiles (Rimbaud le réutilisera en ce sens au vers 35 de Mes petites amoureuses. On peut y voir enfin une image maternelle : se

comparant à un "Petit Poucet rêveur", Rimbaud suggère l'idée de l'enfant abandonné à la recherche d'une mère de substitution qu'il trouve dans la nature. Transition : Mais ce sont ses "rimes", équivalent rimbaldien des petits cailloux blancs du conte, qui lui ouvrent la voie du salut (vers 6-7). C'est avant tout dans la Poésie, par la poésie, que Rimbaud pense trouver le chemin du bonheur et de la liberté. L'analyse du texte ne serait pas complète si nous négligions cet aspect de son message. Arthur Rimbaud, vagabond et poète : voilà l'image que l'auteur s'attache à peindre de lui-même. II – Un art poétique : · L'idéal poétique : Le vers 3 compare l'adolescent en fugue à un chevalier servant ("féal", qui rime avec "idéal") courant l'aventure au service de sa "Muse". La muse est le symbole de la poésie. Les rêves d'amour du vers suivant : "Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!" peuvent donc être interprétés comme des rêves d'ambition littéraire. Rimbaud court les chemins pour y chercher l'inspiration poétique. Lorsqu'il s'arrête au bord de la route, c'est pour écrire : "j'égrenais dans ma course / des rimes" (v.6-7). "Ma Bohème, commente 
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Thierry Méranger, lie indissolublement vagabondage et poésie. Les vers 6 et 7, avec le rejet spectaculaire qui met en valeur "Des rimes", représentent à cet égard une clef. La métaphore est doublement révélatrice : la marche est en soi une entreprise poétique et la poésie est elle-même une course balisée par les rimes (comme les cailloux du conte, elles permettent de se retrouver chez soi). Plusieurs commentateurs (Marc Ascione,

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