Politique Monétaire
Documents Gratuits : Politique Monétaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresTraité sur la Finance Moderne » P.N. Giraud, Seuil, 2001.
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Initiation à l’Economie - Année 2004-2005
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donc distinguer trois formes monétaires : les billets, les dépôts à vue dans la banque centrale, les dépôts à vue dans les banques commerciales. C’est la banque centrale qui émet les billets. Les deux premières formes de la monnaie constituent donc la « monnaie centrale », émise par la banque centrale. La dernière forme, les dépôts bancaires à vue, sont de la monnaie « privée », émise, on va le voir par les banques commerciales. Si vous avez 1000 € sur votre compte courant au Crédit Lyonnais, c'est un « dépôt » : quelqu'un, vous-même, votre employeur, les a en effet déposé sur votre compte. C’est un dépôt à vue, car vous pouvez l'utiliser à tout instant en tirant des chèques ou en donnant des ordres de virement pour régler n'importe quel achat : c'est de la monnaie. Par contre si vous avez 1000 € dans un compte à terme rémunéré, vous ne pourrez les retirer avant le terme prévu qu'au prix d'une légère pénalité. Vous avez prêté 1000 € à la banque, vous lui avez donc acheté une créance, vous pouvez lui revendre, mais à un prix inférieur. Ce n'est pas de la monnaie au sens strict, même si c'est un actif financier très liquide et donc facile à transformer en monnaie. Facile signifiant à coût faible.
2.La création monétaire
2.1. Les crédits font les dépôts
Voyons maintenant comment se crée la monnaie. Ce sont les banques commerciales qui ont l'initiative de la création monétaire et qui en créent l'essentiel.
C'est l'activité de crédit des banques qui crée de la monnaie. Une banque crée de la monnaie en faisant des prêts.
Selon une célèbre formule : « ce sont les crédits qui font les dépôts » et non l'inverse, contrairement à ce que laisse penser une conception des banques comme simples « intermédiaires » qui re prêtent ce qu'on leur a prêté, en particulier la monnaie déposée chez elles dans les comptes à vue. Les banques ont l'initiative du crédit et ne se contentent pas de re prêter passivement leurs ressources. En accordant un crédit de 10 000 € à l'un de ses clients : Monsieur X, une banque A lui achète une créance de 10 000 € , contre garantie, qui s'inscrit à son actif. Simultanément, elle crée un dépôt à vue de 10 000 € à la disposition de M. X, qui s'inscrit à son passif. Elle a créé, ex nihilo, de la monnaie, en fait de « sa » monnaie et grâce à elle a acheté une créance portant intérêt.
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A ctif A Im m obilisations Titres
Passif A Fonds Propres D ette
D ont Com ptes rém unérés
Créances:
Créance sur X :
D épôts +10 000
Com pte de X :
+10 000
M. X signe un chèque de 10 000 € à Y, un concessionnaire Renault pour acheter une voiture. Si le concessionnaire Y a son compte dans la même banque A, il y dépose le chèque et la banque débite le compte de M. X de 10 000 € et crédite celui du concessionnaire de 10 000 €. La monnaie que la banque A a créée, après avoir circulé entre deux agents économiques, est revenue en dépôt chez elle. Elle reste à son passif : il n'y a pas eu « fuite » de cette monnaie hors de sa sphère.
Actif A Immobilisations Titres
Passif A Fonds Propres Dette
Dont Comptes rémunérés: Compte de Y: +10
000
Créances:
Créance sur X :
Dépôts +10 000
Compte de X :
0
Si le concessionnaire porte son chèque dans une autre banque B, celle-ci le conserve jusqu'au soir. Chaque soir, toutes les banques se retrouvent dans le cadre d'un organisme de
compensation. Le compte de tous les chèques détenus par une banque sur toutes les autres est
fait, et on effectue la compensation : les chèques de B détenus par A sont échangés contre les chèques de A détenus par B, franc pour franc. Reste généralement un solde. Supposons que ce solde soit qu'après compensation, B détienne un chèque de 10 000 € émis par un client de A. A pourrait proposer à B de la payer dans sa propre monnaie : A ouvrirait un compte à vue à B où B déposerait ce chèque. Ainsi, comme dans le cas précédent, la banque A virerait 10 000 € du compte de l'émetteur du chèque au compte de la banque B, et son passif n'aurait pas varié. Mais cela ne présente aucun intérêt pour B, car ce dépôt à vue n'est pas rémunéré.
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B propose donc à A de lui échanger le chèque contre un titre portant intérêt, un bon du Trésor par exemple. Cette vente de titre est un emprunt : A emprunte à B la monnaie qu'elle a créé et qui est sortie de sa sphère. En l'empruntant après l'avoir prêtée, elle la détruit, elle débite en effet de 10 000 € le compte de son client à l'origine du chèque. Son passif est réduit de 10 000 € et son actif aussi : des 10 000 € du titre avec lequel elle a "racheté" le chèque.
Y a u n e au tre b a n q u e B : il y d ép o se le ch èq u e d e X su r u n co m p te rém u n éré ( en ro u ge) A p rès com p en sa tio n la ba n q u e B détien t le ch èq u e su r X : elle n ’en veu t p as p a rce q u ’il n e p o rte p as intérêt. E lle d em a n d e d on c à la ba n q u e A d e lu i rach eter en m o n n aie d e B , q u e A d oit d ’ab o rd em p ru n ter à B ( en b leu )* O u a vec ce ch èq ue elle « a ch ète » u n titre p o rta n t in térêt à la b an q u e d e X (en v ert)**
A ctif A
P assif A
A ctif B
P assif B
Im m ob ilisatio n s F o nd s P rop res T itres: -10 00 0* * D ette + 10 0 00 * D on t C o m ptes rém u nérés: C réances: + 10 0 0 0 D épô ts
Im m ob ilisatio n s F o nd s P ro pres T itres: + 10 00 0* * D ette D o nt C o m p tes rém u nérés: Y : + 10 0 00 C réances: + 10 00 0* D ép ôts
Mais remarquons que dans ce cas le crédit fait par A, s'il ne "fait" plus de dépôt chez A, en "fait" un chez B : les dépôts chez B ont augmenté de 10 000 € à son passif et son actif a augmenté de 10 000 € (le titre qu'elle a acquis). Au niveau de la sphère de l'ensemble des banques, "les crédits font les dépôts" reste vrai. Le crédit initial a créé de la monnaie qui ne sera détruite que quand il sera remboursé.
Le marché où les banques se prêtent entre elles en s'achetant des titres est le marché interbancaire. 2.2. Le coût de la création monétaire pour les banques
Quittons le niveau des opérations élémentaires de crédit pour prendre une vue plus générale du bilan des banques, de l'origine de leur profit et de leur comportement. L'opération simple de crédit que nous venons de présenter peut laisser croire que le métier de banquier est assez agréable. Il consiste en effet à créer sa propre monnaie « ad libitum » et sans coût pour la prêter avec intérêt. Laissons « ad libitum » de côté pour l'instant et examinons le problème du coût des ressources bancaires. Si ces ressources sont exclusivement des dépôts à vue créés par elles en faisant crédit, elles sont effectivement gratuites. Ainsi, si une banque crée un dépôt de 1000 en
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faisant un prêt de 1000 à un an à 10% elle fait un bénéfice de 100 dans l'année. Mais nous avons déjà vu que si une partie de ce dépôt fuit, elle doit se re financer auprès d'autres banques ou de la banque centrale. Si 100 a fui et qu'elle se re finance à 5%, elle paiera 5 d'intérêt. Cela augmente le coût de ses ressources, mais c'est encore peu de choses. Plus important est le fait que l'expansion du crédit ne se traduira pas nécessairement par une demande équivalente de monnaie au niveau agrégé.
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