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Bac blanc de français

Analyse sectorielle : Bac blanc de français. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  3 Février 2019  •  Analyse sectorielle  •  2 078 Mots (9 Pages)  •  895 Vues

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Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation

Corpus d’étude :

Texte A : La Bruyère, « Des jugements », Les Caractères, 1688-1696.

Texte B : La Fontaine, « Les compagnons d’Ulysse », Livre XII, Fables, 1694.

Texte C : Voltaire, « Conversation avec les hommes », Micromégas (chapitre VII), 1752.

Texte A : La Bruyère, « Des jugements », Les Caractères, 1688-1696.

Petits hommes, hauts de six pieds[1], tout au plus de sept, qui vous enfermez aux foires comme géants, et comme des pièces rares dont il faut acheter la vue, dès que vous allez jusques à huit pieds ; qui vous donnez sans pudeur de la hautesse et de l’éminence[2], qui[3] est tout ce que l’on pourrait accorder à ces montagnes voisines du ciel et qui voient les nuages se former au-dessous d’elles ; espèce d’animaux glorieux et superbes[4], qui méprisez toute autre espèce, qui ne faites pas même comparaison avec l’éléphant et la baleine ; approchez, hommes, répondez un peu à Démocrite[5]. Ne dites-vous pas en commun proverbe : des loups ravissants[6], des lions furieux, malicieux comme un singe ? Et vous autres, qui êtes-vous ? J’entends corner sans cesse à mes oreilles : L’homme est un animal raisonnable. Qui vous a passé[7] cette définition ? sont-ce les loups, les singes, et les lions, ou si[8] vous vous l’êtes accordée à vous-mêmes ? C’est déjà une chose plaisante, que vous donniez aux animaux, vos confrères, ce qu’il y a de pire, pour prendre pour vous ce qu’il y a de meilleur. Laissez-les un peu se définir eux-mêmes, et vous verrez comme ils s’oublieront, et comme vous serez traités. Je ne parle point, ô hommes, de vos légèretés, de vos folies et de vos caprices, qui vous mettent au-dessous de la taupe et de la tortue, qui vont sagement leur petit train, et qui suivent sans varier l’instinct de leur nature ; mais écoutez-moi un moment. Vous dites d’un tiercelet de faucon[9] qui est fort léger, et qui fait une belle descente sur la perdrix : « Voilà un bon oiseau » ; et d’un lévrier qui prend un lièvre corps à corps : « C’est un bon lévrier. » Je consens aussi que vous disiez d’un homme qui court le sanglier, qui le met aux abois, qui l’atteint et qui le perce : « Voilà un brave homme. »[10] Mais si vous voyez deux chiens qui s’aboient, qui s’affrontent, qui se mordent et se déchirent, vous dites : « Voilà de sots animaux » ; et vous prenez un bâton pour les séparer. Que si l’on vous disait que tous les chats d’un grand pays se sont assemblés par milliers dans une plaine, et qu’après avoir miaulé tout leur soûl, ils se sont jetés avec fureur les uns sur les autres, et ont joué ensemble de la dent et de la griffe ; que de cette mêlée il est demeuré de part et d’autre neuf à dix mille chats sur la place, qui ont infecté l’air à dix lieues de là par leur puanteur, ne diriez-vous pas : « Voilà le plus abominable sabbat[11] dont on ait jamais ouï parler  » ? Et si les loups en faisaient de même : « Quels hurlements ! quelle boucherie ! » Et si les uns ou les autres vous disaient qu’ils aiment la gloire, concluriez-vous de ce discours qu’ils la mettent à se trouver à ce beau rendez-vous, à détruire ainsi et à anéantir leur propre espèce ? ou après l’avoir conclu, ne ririez-vous pas de tout votre cœur de l’ingénuité de ces pauvres bêtes ? Vous avez déjà, en animaux raisonnables, et pour vous distinguer de ceux qui ne se servent que de leurs dents et de leurs ongles, imaginé les lances, les piques, les dards, les sabres et les cimeterres, et à mon gré fort judicieusement ; car avec vos seules mains que pouviez-vous vous faire les uns aux autres, que vous arracher les cheveux, vous égratigner au visage, ou tout au plus vous arracher les yeux de la tête ? au lieu que vous voilà munis d’instruments commodes, qui vous servent à vous faire réciproquement de larges plaies d’où peut couler votre sang jusqu’à la dernière goutte, sans que vous puissiez craindre d’en échapper.


Texte B : La Fontaine, « Les compagnons d’Ulysse », Livre XII, Fables, 1694.

[La magicienne Circé a changé les compagnons d’Ulysse en animaux. Ulysse obtient qu’elle les fasse redevenir humains.]

Il obtint qu’on rendrait à ces Grecs leur figure.

Mais la voudront-ils bien, dit la Nymphe[12], accepter ?

Allez le proposer de ce pas à la troupe.

Ulysse y court, et dit : L’empoisonneuse coupe

A son remède encore ; et je viens vous l’offrir :

Chers amis, voulez-vous hommes redevenir ?

On vous rend déjà la parole.

Le Lion dit, pensant rugir : Je n’ai pas la tête si folle ;

Moi renoncer aux dons que je viens d’acquérir ?

J’ai griffe et dent, et mets en pièces qui m’attaque.

Je suis Roi : deviendrai-je un Citadin d’Ithaque[13] ?

Tu me rendras peut-être encor simple Soldat :

Je ne veux point changer d’état.

Ulysse du Lion court à l’Ours : Eh ! mon frère,

Comme te voilà fait ! je t’ai vu si joli !

— Ah ! vraiment nous y voici,

Reprit l’Ours à sa manière.

Comme me voilà fait ? comme doit être un ours.

Qui t’a dit qu’une forme est plus belle qu’une autre ?

Est-ce à la tienne à juger de la nôtre ?

Je me rapporte aux yeux d’une Ourse mes amours.

Te déplais-je ? va-t’en, suis ta route et me laisse :

Je vis libre, content, sans nul soin[14] qui me presse ;

Et te dis tout net et tout plat :

Je ne veux point changer d’état.

Le prince grec au Loup va proposer l’affaire ;

Il lui dit, au hasard d’un semblable refus[15] :

Camarade, je suis confus

Qu’une jeune et belle Bergère

Conte aux échos les appétits gloutons

Qui t’ont fait manger ses moutons.

Autrefois on t’eût vu sauver sa bergerie :

Tu menais une honnête vie.

Quitte ces bois, et redeviens,

Au lieu de loup, homme de bien.

— En est-il[16] ? dit le Loup. Pour moi, je n’en vois guère.

Tu t’en viens me traiter de bête carnassière :

Toi qui parles, qu’es-tu ? N’auriez-vous pas sans moi

Mangé ces animaux que plaint tout le Village ?

Si j’étais Homme, par ta foi,

Aimerais-je moins le carnage ?

Pour un mot quelquefois vous vous étranglez tous :

Ne vous êtes-vous pas l’un à l’autre des Loups ?

Tout bien considéré, je te soutiens en somme

Que scélérat pour scélérat,

Il vaut mieux être un Loup qu’un Homme :

Je ne veux point changer d’état.

Ulysse fit à tous une même semonce[17],

Chacun d’eux fit même réponse,

Autant le grand que le petit.

La liberté, les bois, suivre leur appétit,

C’était leurs délices suprêmes :

Tous renonçaient au lôs[18] des belles actions.

Ils croyaient s’affranchir, suivant leurs passions :

Ils étaient esclaves d’eux-mêmes.

Prince[19], j’aurais voulu vous choisir un sujet

Où je pusse mêler le plaisant à l’utile :

C’était sans doute un beau projet

Si ce choix eût été facile.

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