Boileau, Art poétique (1674)

Boileau, Art poétique (1674)

Boileau renvoie aux Épîtres (1670-1698), au Lutrin (1674-1683) et aux Satires (1666-1716).

I - Les modes verbaux dominants révèlent un texte à visée argumentative :

→ verbes relatifs à l'écriture et à la composition. Ils sont à des modes divers : indicatif, conditionnel, impératif, subjonctif, mais on peut observer que les deux modes qui reviennent le plus souvent sont l'indicatif et l'impératif. On peut déterminer à partir de là les formes de discours utilisées.

A - Indicatif. mode du réel et du constat

        vers l, 2 (verbe être), 5, 6, 7 et 8 (verbes être, suivre, concevoir, s'énoncer, arriver), 11 , 12, 13, 16 (frapper, être, admettre, être), 19, 20, 21 , 22, 24 (courir, marquer, aimer, se promener, rouler).

        certains d'entre eux sont d'ailleurs devenus de véritables proverbes :

                Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,

                Et les mots pour le dire arrivent aisément (v. 7-8)

B - Impératif : mode de l'injonction, de l'ordre, de la recommandation ou de la défense

        fréquemment présent dans le texte, en relation avec l'idée qu'un art poétique regroupe des conseils.          vers 4 (verbe apprendre), 17, 18, 25, 26, 27, 28 (verbes travailler, se piquer, se hâter, remettre, polir, repolir, ajouter et effacer).

        Regroupement => champ lexical du travail et de la méthode.

C - Alternance des deux modes et les regroupements des verbes => 

        alternance de constats et d'injonctions (ou de recommandations),

        discours informatif (explicatif) et discours injonctif.

        présence de certains termes à valeur logique => relation entre les constats et l'injonction est une relation logique, de cause à effet. donc du vers 4, + expression en un mot (v. 15) qui synthétise une conclusion.

ensemble de l'extrait = un texte à visée argumentative : Boileau s'efforce de convaincre ses lecteurs de travailler de telle ou telle façon et de respecter tels ou tels préceptes (recommandations) pour réaliser des œuvres qui méritent d'être reconnues et appréciées. Les constats prennent alors la valeur d'arguments ou d'exemples illustrant ce qu'il faut faire ou éviter de faire.

II - Les trois grandes recommandations du texte définissent l’œuvre véritable

A - Le texte est construit en trois étapes identifiables aux alinéas des vers 1, 9 et 17.

        1 : clarté de la pensée, condition première de la clarté de l'écriture.

existence d'esprits obscurs

8 vers => 3 réseaux lexicaux : lumière (sombres, nuage, jour, embarrassées, obscure, nette, clairement) ; pensée (pensées, raison, penser, idée, conçoit) ; écriture (écrire, expression, s'énonce, les mots, dire)

        2 : respect de la langue - subjonctif (vous soit toujours sacrée (v. 10).

lexique du respect quasi religieux : révérée, sacrée, divin, appliqué à la langue

emploi d'un vocabulaire relatif à la correction grammaticale : terme [...] impropre, tour vicieux, pompeux barbarisme, vers ampoulé, orgueilleux solécisme.

        erreurs présentées comme inacceptables et propres à gâcher le texte le plus harmonieux.

        méconnaissance de la langue et de sa syntaxe (barbarisme et solécisme, impropre, vicieux)

        manière d'écrire complexe et recherchée, pompeux et ampoulé.

les deux premières recommandations : sens de la simplicité et de la clarté, refusant sous une forme souvent métaphorique les obscurités et la complexité.

        3 - lenteur et travail //oppos à la précipitation, qui souligne le manque de réflexion et de jugement.

12 derniers vers + encadrée par des verbes à l'impératif.

repose sur une comparaison et joue sur le négatif (pas de vitesse) et le positif (du travail et de la réflexion).  met en relief la nécessité du temps (à loisir), et le refus de la vitesse (impératif négatif du vers 18).

6 vbes à l'impératif des quatre derniers vers insistent de manière très nette : oxymore de l'ordre Hâtez-vous lentement (v. 25), succession de verbes de sens proche remettez, Polissez, repolissez, Ajoutez, effacez, exprimant la persévérance et l'obstination.

=> avoir l'esprit clair, respecter la langue et beaucoup travailler ; ces préceptes ne sont pas propres au XVIIè siècle.

B - La force du discours : formules faciles à retenir et qui sonnent comme des proverbes + expressions imagées (métaphores et comparaisons)

→  premiers vers = métaphore des nuages obscurs de la pensée (image d'un ciel nuageux et menaçant).

→ mots pompeux et orgueilleux = hypallage (caractérisent plus ceux qui commettent la faute que la faute elle-même) + personnification.

→ préférence exprimée pour le paisible ruisseau et non pour le torrent qui se précipite => deux images opposées, celle d'un paysage bucolique avec les mots arène, pré plein de fleurs (qui appartiennent au lexique de la poésie), et celle d'un torrent qui détruit tout sur son passage : débordé, orageux, fangeux, gravier.

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