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Les Fètes Galantes De Verlaine

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auteur de nouvelles fantastiques et comme romancier naturaliste. Si je me propose d’étudier l’œuvre de Gogol en fonction de ce courant littéraire plutôt marginal de nos jours, ce n’est pas pour lui apposer une nouvelle étiquette, mais bien plutôt pour souligner ses ambiguïtés et sa pluralité. L’intérêt des œuvres de Gogol (contes, nouvelles, pièces de théâtre, roman), tant au sein de son époque que hors de leur contexte, me semble pouvoir être un peu mieux saisi à travers une confrontation avec le genre fantastique, la vision du monde qu’il propose et les questionnements qu’il soulève. Peut-être cette courte étude permettra-t-elle de mieux qualifier l’étrangeté qui émane de l’univers gogolien et de dégager les particularités inhérentes à ce monde chaotique, irrationnel, souvent absurde et pathétique.

Le fantastique : historique et définition

Au début du XIXe siècle, le roman gothique et ses procédés à effet (châteaux hantés, cimetières, spectres), d’abord propulsés au devant de la scène par le romantisme, sont en net déclin1. En 1829, Jules Janin sonne le glas du genre en publiant une parodie : L’âne mort ou la femme guillotinée. Pourtant, sur les ruines du gothique s’élève un autre mouvement qui lui doit beaucoup et qui correspond aux nouvelles préoccupations humaines, philosophiques, artistiques, politiques et scientifiques en Europe : le fantastique. À cette époque, un même questionnement, amorcé par les philosophes du siècle des Lumières, s’impose dans tous les champs du savoir : qu’est-ce que l’homme et quelles sont les limites du genre humain ? Autrement dit, si l’inconnu trouble et attire toujours les penseurs, il n’est plus nécessairement associé au divin : « contrairement à ce que l’on avait cru durant des siècles, l’inconnu n’est pas dans le monde extérieur, il est dans l’homme2 ». Ainsi, le fantastique, bien que ses manifestations littéraires s’avèrent très variées, présente toujours un héros dont la position est ambiguë et, souvent, un être déchiré - pensons au célèbre Cas étrange du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde (1886). La vision classique du monde, qui présentait l’être humain comme un tout compréhensible, défini par la raison et destiné à affronter des épreuves imposées par une instance transcendante, éclate. Cette image stable et rassurante fait place à un individu problématique, divisé, multiple et en partie étranger à lui-même puisqu’il porte en lui l’irrationnel.

Dans le cadre des recherches sur les limites de l’humain et ses profondeurs insondables, l’intérêt scientifique pour la figure de l’Autre, qu’elle s’incarne dans le monstre ou l’aliéné, se généralise et c’est ainsi que naissent ou se développent les sciences qui étudient ces phénomènes : la biologie, la psychiatrie, mais aussi l’Histoire, issue d’une conception linéaire du temps, qui suppose un monde en mouvement pouvant s’appréhender à partir des phénomènes contingents3. Dans une sphère plus mondaine, bourgeois et aristocrates sont attirés par l’illusionnisme, le magnétisme et l’occultisme et, durant tout le XIXe siècle, organisent des réunions intimes où les curieux peuvent expérimenter les facultés insoupçonnées et obscures de l’esprit humain. Cet engouement pour un surnaturel païen est largement inscrit dans la littérature, fantastique ou non. Du côté russe, on peut penser à la séance de tables tournantes dans Anna Karénine, mais Gogol lui-même nous donne un exemple de l’atmosphère qui pouvait régner dans la société pétersbourgeoise : « Les esprits étaient alors très attirés par le surnaturel, et peu de temps auparavant le public avait été fort intéressé par des expériences de magnétisme; de plus, l’histoire des chaises dansantes de la rue Koniouchennaïa était encore présente à toutes les mémoires. Rien d’étonnant donc à ce que bientôt l’on assurât que le nez de l’assesseur de collège Kovaliov se promenait quotidiennement sur l’avenue Nevsky, à trois heures précises, ce qui provoquait chaque jour une grande affluence de curieux. » [4]

Pourtant, il ne faut pas conclure de cet enthousiasme mondain que le genre fantastique s’est définitivement associé, au XIXe siècle, au surnaturel. Au contraire, le fantastique est ancré dans le réel - un réel plus élargi que celui dont se réclament les réalistes, mais non moins familier - et les figures surnaturelles auxquelles il recourt « sont l’expression d’une angoisse de l’homme, non plus face à une quelconque divinité, mais face à lui-même et aux autres [5] ». Pour les écrivains du début du XIXe siècle, le genre permet avant tout un affranchissement sur les plans du contenu et de la forme : il camoufle souvent l’abandon de l’alibi moral ou didactique et, en plus de réhabiliter la prose, il légitime le rejet des règles traditionnelles de composition. Pour les écrivains, le fantastique est alors davantage associé au concept d’irrégularité qu’à celui de surnaturel [6].

Si on admet que le recours au surnaturel s’inscrit dans une problématique plus large, à la fois formelle et philosophique, la définition de Todorov, selon qui le fantastique ne saurait exister sans un événement surnaturel perçu de manière ambiguë par le lecteur [7], semble trop restreinte, non seulement parce qu’elle limite grandement le nombre de textes retenus, mais surtout parce qu’elle ne peut rendre compte de l’enjeu principal : une vision moderne de l’homme et de sa place dans le monde. Pour la même raison, tenter de définir le fantastique par ses thèmes ou par ses contenus explicites aboutit à une impasse, puisque le genre emprunte ses matériaux de base « aussi bien aux contes et légendes populaires qu’à l’actualité, aux rêves ou aux découvertes scientifiques [8] ». Pierre-George Castex, dans Le conte fantastique en France de Nodier àMaupassant propose une définition qui cerne mieux la spécificité du genre : « Le fantastique ne se confond pas avec l’affabulation conventionnelle des récits mythologiques ou des féeries […]. Il se caractérise au contraire par une intrusion brutale du mystère dans la vie réelle; il est lié généralement aux états morbides de la conscience qui, dans les phénomènes de cauchemar ou de délire, projette devant elle des images de ses angoisses ou de ses terreurs » [9].

En plus de laisser une grande latitude quant aux formes que peut prendre l’élément perturbateur, identifié simplement par son caractère mystérieux - nouveau, extraordinaire, remarquable, éventuellement surnaturel -, Castex souligne l’existence d’un fond de réalité quotidienne à la base de tout récit fantastique, ce qui distingue le genre de la science-fiction et de la fantasy, mais aussi du merveilleux. En effet, le merveilleux et les légendes populaires supposent la pérennité d’un monde auquel le héros veut s’intégrer, alors que le fantastique isole l’individu d’une réalité quotidienne qu’il considère illusoire, aliénante ou dégradée pour l’amener vers un ailleurs. Ainsi, le monde fantastique est double, tout comme l’homme : d’une part, il se compose du réel connu, familier au lecteur, et d’autre part, il s’ouvre sur une autre dimension, peut-être autant sinon plus réelle, mais invisible au premier abord. De plus, comme le souligne Castex, cet univers mystérieux se saisit à travers une « conscience » : le sujet, au sens philosophique du terme, est au centre de l’expérience fantastique.

Dans le même ordre d’idées, Joël Malrieu propose de regrouper sous l’étiquette de fantastique des œuvres qui offrent toutes une même conception du rapport de l’homme au monde et à lui-même10. Puisque le questionnement sur la nature humaine apparaît au centre du travail de Gogol, il me semble intéressant de mettre en parallèle ses propositions avec celles des récits fantastiques de manière générale. Gogol, dans ses œuvres, n’a de cesse de présenter l’homme et sa destinée comme des énigmes, soulignant au passage qu’« il est impossible de pénétrer dans l’âme d’un homme et de savoir au juste ce qui s’y passe » (Mant., p.86). Il s’intéresse plus particulièrement aux relations de pouvoir entre les individus ou les groupes et, sous un comique de surface, il semble souvent, comme le jeune fonctionnaire frappé par la méchanceté de ses collègues envers Akaki Akakiévitch, constater « avec horreur, au cours de son existence, combien l’homme est cruel sous des abords policés » (Mant., p.65). En fait, ce qui intéresse l’écrivain, c’est l’obscur magma qui grouille sous la surface d’un monde figé et les failles par lesquelles il remonte à la surface pour amener certains individus à vivre une expérience humaine souvent pathétique, dans un monde qu’on pourrait qualifier d’absurde.

Chez Gogol, comme souvent au XIXe siècle, la révélation de l’homme passe entre autres par sa comparaison et même par son assimilation avec l’animal. La frontière entre humanité et animalité se brouille et, aussi bien à travers le point de vue des personnages que celui du narrateur, les hommes ont tendance à transiter vers l’animalité et vice versa. Dans Le journal d’un fou, les chiens parlent et écrivent, mais l’aliénation mentale n’est pas suffisante pour expliquer cette irrégularité puisque Ivan Schponka, lui aussi, est tout naturellement accueilli à son domaine par un chien « agitant la queue comme pour dire : "Voyez donc, chrétiens, comme je suis joli garçon !" » (IS, p.198). À l’inverse, dans Les âmes mortes, Tchitchikov

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