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Commentaire De « Dieu Est Ce Qu'Il Est » - De Trinitate, Boèce

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que de Dieu, d'où résulte son unité.

Le texte peut se diviser en trois temps : un premier (8 à 12) sur la différence entre Dieu et les « autres réalités », en ce qu'il est ce qu'il est, et en ce qu'elles ne sont pas ce qu'elles sont, un second (12 à 16) sur la puissance et les propriétés de Dieu en tant qu'il est ce qu'il est, qu'il est un, et enfin, un troisième (16 à 22) sur la dépendance de l'unité, selon que la forme est dans la matière et selon qu'elle n'y est pas, ce qui amène Boèce à une distinction entre la forme et l'image, précieuse pour comprendre son ontologie. Notre explication suivra les contours de cette division du texte. Pour travailler dans ce sens, nous éviterons, dans chaque partie, d'anticiper sur la suivante. Aussi emploierons nous des paraphrases pour exprimer ce qui est contenu dans un terme précis, mais qui apparaît postérieurement. Par exemple, nous parlerons d'une ''forme jointe à la matière'', alors qu'en vérité, ce n'est pas la forme, mais l'image de celle-ci qui est jointe à la matière. Nous nous abstiendrons également, même si cela est tentant, de dire de la forme qu'elle est l'essence d'une réalité, et de la forme dans une matière qu'elle est l'existence de cette essence, et ce dans le souci de préserver le lexique boècien d'un vocabulaire qui lui est étranger. Enfin, les formulations imagées ou tangentes sont marquées par des guillemets hauts (''...'').

Boèce commence par énoncer sa thèse : de ce que la substance divine n'est qu'une forme pure, c'est à dire sans matière, elle est une et « elle est ce qu'elle est ». Comme Boèce l'a établi précédemment dans l'ouvrage, l'être consiste dans la forme, et non pas dans la matière (p. 145). La statue, par exemple, n'est statue qu'en tant qu'elle a telle forme, et non pas en tant qu'elle est matière. En effet, entre une statue en bronze représentant un chien et une statue du même métal représentant un chat, la différence n'est pas dans la matière. Or, ce sont deux réalités, deux êtres différents. Si la différence ontologique entre ces deux statues n'est pas dans leur matière, alors elle est dans leur forme. L'être consiste donc dans la forme. Aussi, les substances premières, individuelles, sont avant tout quant à leur forme, et non quant à leur matière. Cependant, comme le rappelle Boèce dans son Commentaire sur les Catégories d'Aristote, « Les parties de la substance, c’est-à-dire l’espèce et la matière, sont non-composées et simples, à partir desquelles se réalise une substance ; ces parties sont dites les parties de la substance et mêmes les substances elles-mêmes... » Ainsi, la substance première est forme (celle de l'espèce, ''chien'' ou ''chat'', en l'occurrence), et c'est ce en quoi consiste son être – mais forme dans une matière. La substance divine a donc ceci de particulier qu'au contraire des substances premières, elle n'est que pure forme, et non pas forme dans une matière. Son être est donc totalement indépendant de la matière. Nous verrons par la suite comment Boèce tire de cette propriété de la substance divine d'être « forme sans matière » son unité. Nous pouvons seulement pour le moment remarquer que Dieu n'est pas une substance composée d'une forme et d'une matière, ce qui est déjà un pas dans la déduction de sa parfaite unité. Boèce dit en outre de la substance divine qu'elle est ce qu'elle est.

Pour expliciter ce qu'il signifie par là, l'auteur prend l'exemple des « autres réalités », c'est à dire les substances premières qui ne sont pas divines, et montre en quoi elles « ne sont pas ce qu'elles sont ». En effet, si l'être des substances premières consiste dans leur forme, « est à partir » d'elle, il n'en demeure pas moins que leur être est dépendant de la matière. Conformément au passage du Commentaire aux Catégories cité précédemment, les substances premières sont composées également de matière. Elles ne sont pas uniquement en vertu de leur forme, mais en vertu de la « conjonction » de leur forme et de leur matière. Si leur être est à partir de leur forme, il n'est cependant possible que par la composition de cette forme à une matière. Pour éclairer son propos, Boèce prend un exemple particulier, celui de l'homme : celui-ci est la composition d'un corps et d'une âme. Partant, l'essence de l'homme n'est pas dans son âme ni dans son corps, mais dans la réunion des deux, dans leur « conjonction ». Ainsi, l'homme est un tout hétérogène composé de parties différentes, et dont on ne saurait en ôter une seule, l'âme par exemple, sans le destituer de son être. En ce sens, l'homme n'est pas ce qu'il est, car il n'est ni une âme, ni un corps, mais la réunion des deux. Ici, l'identité entre l'être et l'un n'est affirmée qu'à demi-mots. Il faut pour le comprendre se rapporter à l'axiome 6 de De Hebdomadibus : « tout simple a son être et ce qu'il est sur le mode de l'un. Pour tout composé, une chose est l'être, une autre le ''il est'' ». Pour reprendre l'exemple de la statue, elle est simple quant à son être, c'est à dire quant à sa forme, et en ce sens elle est une. En revanche, son ''il est'', son existence effective, implique que sa forme soit dans une matière (ce qui, comme nous le verrons, produit l'image), c'est à dire implique une composition. Aussi, la statue n'est pas (a) ce qu'elle est (b), c'est à dire que son existence effective, qui est composée, (a') est différente de son être (b'), de sa forme, qui elle est une. L'être, la forme, est donc une, mais le ''il est'', l'existence effective, chez toute les substances premières non-divine, nécessite une composition de la forme avec la matière. C'est pourquoi toutes les réalités, exceptée la substance divine, ne sont pas ce qu'elles sont en raison de la composition de leurs parties, comme nous l'avons vu avec l'exemple de l'homme, mais aussi de ''l'incarnation'' de leur forme dans une matière, ce que nous avons vu avec l'exemple de la statue, exemple que nous pouvons étendre à toutes les substances premières : comme Boèce le dit dans le cinquième axiome, il faut qu'elles (les substances premères) « participe(nt) à autre chose [la matière, en l'occurence] afin d'être-quelque chose ».

Mais comme Dieu n'est que pure forme, que son ''il est'' est son être même, alors il n'y a pas de composition en lui : son être est parfaitement un, et il le demeure dans son existence effective qui se passe de la matière. C'est ainsi qu'il faut entendre que la substance divine est (a) ce qu'elle est (b), c'est à dire que son existence effective (a) ne nécessite aucune composition mais est identique à son être, à sa forme, qui elle est une (b). Dieu est donc quelque-chose par sa seule forme, par son seul être. La substance divine se distingue par là de toutes les autres, qui ont besoin de la matière pour ''être-quelque chose''.

Boèce tire ensuite la résultante de cette distinction établie entre la substance divine et les autres substances selon que l'une est ce qu'elle est, et que les autres ne sont pas ce qu'elles sont. Cette distinction lui permet d'établir, d'une part la beauté et la puissance de Dieu par rapport aux « autres réalités », et d'autre part d'exclure la pluralité en lui, ce qui constitue un nouveau pas dans la démonstration de son unité.

Comme nous l'avons vu, Dieu n'est que pure forme, et n'a par conséquent aucunement besoin d'autre chose pour être quelque chose, contrairement aux substances premières qui ont besoin de la matière pour être quelque chose. D'où il s'ensuit que l'existence de la substance divine est tout à fait indépendante : là où les autres réalités sont par la matière, Dieu n'est que par lui-même. Il est, pour ainsi dire, le support de sa propre existence : aucun substrat ne lui est nécessaire. C'est ainsi qu'il faut entendre ces mots de Boèce « il n'a pas d'autre fondement que soi ». Dans un langage spinozien, nous exprimerions exactement la même idée si nous disions que la substance divine de Boèce est « en soi », et que les autres réalités sont en autres choses (car même si Spinoza en tire d'autres conséquences, les concepts d'« être-ce-qu'il-est » chez Boèce et « d'en soi » chez Spinoza semblent en tous points équivalents). De cette indépendance, de cette parfaite auto-suffisance de la substance divine, Boèce en infère sa « beauté » et sa « puissance ». Dieu est en effet puissant en ce qu'il est parfaitement libre, car il ne dépend de rien, si ce n'est de lui-même, et peut, par conséquent, absolument tout. Étant libre au plus haut degré, rien ne peut le contraindre, et il jouit ainsi d'une pleine puissance. C'est pourquoi Boèce dit de l'être ''qui est ce qu'il est'' qu'il est « le plus puissant ». Quant à la «beauté » de la substance divine, elle s'explique certainement

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