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La Science a t'Elle Le Monopole De La Vérité

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istorique, etc... Tout ceci exprime des ordres de réalité fort différents. Par conséquent, l'idée d'un « monopole » de la vérité, détenu par la science, peut être, en première apparence, soumise au soupçon et questionnée. Loin d'être évidente, elle pose problème, pour le philosophe attentif aux ambiguïtés du vrai, qui s'interrogera sur le thème d'une vérité une et exclusive.

A) La science aurait le monopole de la vérité : la thèse scientiste.

Que la science détienne le monopole de la vérité, qu'elle possède, en quelque sorte, l'exclusivité du vrai, semble, néanmoins, à beaucoup d'esprits, une évidence, dans notre culture : en effet, la connaissance scientifique se donne comme objective par essence. Que signifie ce prédicat « objective » ? Ceci veut dire que la science dépasse les simples apparitions sensibles, contingentes, particulières, et qu'elle tente, au-delà de ces données empiriques, d'atteindre un sol en quelque sorte stable, au-delà du flux héraclitéen coloré, divers, changeant, qu'elle s'efforce d'établir un « monde vrai » se prêtant à des déterminations abstraites, lesquelles transcendent les opinions individuelles. Ainsi, dans la mesure où la science se propose de réaliser une connaissance des choses qui dépasse la sphère de la subjectivité, on peut dire, à première vue, qu'elle seule constitue un savoir « vrai ». Depuis l'époque de Galilée, la science moderne, la connaissance mathématique de la nature et des choses, s'est progressivement implantée dans tous les domaines, refoulant, d'étapes en étapes, de conquête en conquête, le qualitatif et le subjectif. Ainsi a-t-elle rejeté et refoulé les éléments arbitraires, subjectifs et flous, dans toutes les sphères, de manière à introduire le mathématique, le `mesurable et le quantitatif. En opérant un contrôle rigoureux sur tous les faits empiriques, la science semble atteindre ainsi le « réellement réel », le vrai. En effet, les autres recherches et disciplines, qu'il s'agisse de la religion, de la philosophie ou même de l'art, ,ne peuvent se prévaloir d'instruments aussi objectifs. Dans le cas de la recherche artistique, qui concerne toujours la sensibilité, un tel outil, par essence objectif, est d'ailleurs rigoureusement exclu. Dès lors, la science paraît légitimée, dans sa quête du vrai, par la réussite de la méthode expérimentale, l'objectivité qu'elle peut atteindre, mais aussi par une accumulation remarquable de résultats et succès scientifiques, particulièrement depuis le 19e siècle. Ainsi, la science possèderait seule une compétence absolue, et ce, dans tous les domaines du réel. Quant aux sciences humaines,' ces fameuses « sciences de l'esprit », comme on disait encore en une époque reculée — il s'agit de ces disciplines vouées à l'étude de l'humain — elles seraient destinées à se modeler sur le 'modèle des sciences de la nature, à s'orienter, elles aussi, vers le quantitatif et l'objectif voire à se diriger vers l'infrastructure des molécules ou atomes qui seuls, aux yeux de certains chercheurs, seraient en mesure de nous faire comprendre le monde de l'esprit.

Cette conception attribuant, à la science le monopole de la vérité porte un nom dans l'histoire des idées : elle s'appelle le « scientisme » ou le « positivisme » (au sens large de ce terme, et non point dans la signification étroite du système d'Auguste Comte). La science posséderait l'exclusivité du vrai, elle seule aurait donc une valeur absolue. Le « scientisme » a connu, à la fin du 19e siècle, une extraordinaire faveur et, de cette faveur, le roman de Roger Martin du Gard, Jean Barois, porte témoignage. Le héros refoule et rejette progressivement la vérité subjective, personnelle, religieuse, au nom de l'attitude scientifique et du modèle scientifique, comme si seule la science constituait la matrice de la vérité, comme si l'objectivité devait refouler l'univers de la croyance subjective, comme si la connaissance prétendant à une objectivité pouvait seule, en expulsant du monde les qualités sensibles, s'arroger le droit de se dire « vraie ». Mais le « scientisme » du 19e siècle, décrit par Martin du Gard, n'a nullement régressé. Bien au contraire, l'idéologie scientiste et positiviste de notre époque prolonge, en un assaut et un mouvement plus profonds, en une volonté beaucoup plus intense de réduire et d'éliminer, le vieux scientisme de la fin du 19e siècle, finalement beaucoup plus inoffensif.

B) Mais la science repose elle-même sur le socle de la subjectivité et procède de cet univers. Le vécu lui aussi peut posséder une « vérité ».

Néanmoins, il faut revenir sur l'idée que l'objectivité et la quantité doivent, progressivement, refouler les qualités sensibles et le subjectif pour constituer l'unique type de vérité, vérité objective et abstraite. Un certain nombre d'arguments permettent de s'interroger sur le scientisme et le mouvement qui l'a engendré, et de parvenir ainsi au thème d'une « vérité-subjectivité ».

a) Le socle de la science, présence incontournable — Nous remarquerons, tout d'abord, que les déterminations objectives et quantitatives de la science reposent, elles-mêmes, sur un socle vécu et qualitatif, qu'il est bien difficile de mettre radicalement entre parenthèses. Tout ce que je connais du monde, même par la science, je le sais à partir du monde vécu, dont la science n'est jamais que l'expression seconde. Dès lors, pourquoi dénier toute valeur de vérité à cette expérience fondamentale, que même la science présuppose ? Les déterminations quantitatives sont construites sur ce sol incontournable et sur ces bases ; dans la mesure où toutes les constructions scientifiques renvoient à lui, il semble difficile de le refouler et de n'y voir que le domaine de l'illusion. Après tout, c'est lui qui engendre continuellement la science et, même si nous convenons qu'il y a rupture entre ce socle de la connaissance et les constructions scientifiques théoriques, néanmoins elles proviennent bel et bien de lui. Dès lors, le subjectif et le vécu, eux aussi, semblent posséder une valeur de vérité authentique. C'est Edmond Husserl qui, dans divers écrits et en particulier, dans La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, a renversé le « scientisme » en révélant ce socle incontournable. Merleau-Ponty, à la suite de, Husserl, "a su revenir à lui, soulignant qu'il faut réveiller une expérience vécue du monde, qui, elle aussi, mérite d'être dite vraie. Lisons ici un texte fameux de Merleau-Ponty : « Il s'agit de décrire, et non pas d'expliquer ni d'analyser. Cette première consigne que Husserl donnait à la phénoménologie commençante d'être une « psychologie descriptive » ou de revenir « aux choses mêmes », c'est d'abord le désaveu de la science... Tout ce que je sais du monde, même par science, je le sais à partir d'une vue mienne ou d'une expérience du monde sans laquelle les symboles de la science ne voudraient rien dire. Tout l'univers de la science est construit sur le monde vécu et si nous voulons penser la science elle-même avec rigueur, en apprécier exactement le sens et la portée, il nous faut réveiller d'abord cette expérience du monde dont elle est l'expression seconde » (M. MERLEAU-PONTY, Avant-propos de la Phénoménologie de la perception, p. III).

b) La science n'a pas le monopole de la vérité car la vérité n'est pas une notion univoque ; la vérité-subjectivité. — Non seulement le scientisme révèle ses failles et ses insuffisances parce qu'il occulte le monde vécu sur lequel repose la science, mais il traite la notion de vérité d'une manière brutale et catégorique, oubliant que cette réalité peut être décrite à plusieurs niveaux d'expérience et ne saurait constituer un ensemble univoque et un monopole. Bien sûr, il existe une vérité objective, universelle, fruit de l'expérimentation, vérité qui se donne à travers des réseaux mathématiques, quantitatifs, à travers la mesure. Mais la vérité objective et scientifique est loin de constituer la vérité. Face à l'objectivité abstraite, face au règne du concept et de la science, il faut rappeler, sans doute, qu'il est une « vérité-subjectivité », comme sut fort bien le dire Kierkegaard, dans le Post-Scriptum aux miettes philosophiques. Certes, ce à quoi Kierkegaard s'attaquait, ce n'était point à la science quantitative mais à la philosophie totale et systématique de Hegel. Néanmoins, ces deux tendances représentent sans doute deux formes de l'objectivité abstraite. Contre ces deux formes, il faut se souvenir que la vérité de l'homme en chair et en os, souffrant, aimant, vérité esthétique ou religieuse, possède, elle aussi, une immense valeur. Quand j'écoute l'ouverture à la fois remplie d'allégresse et de tragique du Don Giovanni de Mozart, c'est bien une vérité essentielle et fondamentale que j'expérimente. La notion de vérité n'a rien d'univoque et, dès lors, la science n'a pas

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