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Peut-On Partager Des Intérêts ?

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s. La notion d’intérêt dans son sens premier renvoie initialement à la pratique de l’usure c'est-à-dire que l’intérêt est le bénéfice retiré de l’argent prêté, le profit réalisé au moyen de l’argent lui même. C’est donc le bénéfice pécuniaire obtenu au moyen de l’argent, Aristote, Les Politiques, Livre I, chapitre 10 : « l’intérêt de l’argent nait de l’argent ». Le terme grec d’intérêt a une double acception : l’usure ou la progéniture. Elles semblent renvoyer au même principe : le même engendre le même en se multipliant. Cela permet de mettre en relief la fin poursuivie (intérêt) et le principe moteur qui est le désir d’enrichissement et d’appropriation lié à l’égoïsme primitif de tout un chacun. L’intérêt est par nature égoïste : Rousseau, lorsque l’intérêt inspire la conduite des hommes chacun est conduit à faire plus de cas de soi que de tout autre. Dans ces conditions, l’intérêt apparaît comme un principe de division entre les hommes plutôt que comme une source d’entente. Les intérêts ne s’affirment eux même qu’à travers d’antagonismes et alors aussi longtemps que les hommes sont animés par le soucis exclusif de leurs intérêts, il ne peuvent que s’opposer les uns aux autres, sur le modèle de l’état de nature de Hobbes (chacun contre tous). Ainsi partager des intérêts semblent contradictoires si l’intérêt exclu par nature le soucis de l’autre et la volonté de partage. Le ressort fondamental de l’intérêt est la recherche du profit, fait des hommes des concurrents et adversaires plutôt que des partenaires et alliés, il alimente les sentiments d’hostilité mutuelle. Rousseau le remarque : « Les hommes sont portés à s’entrehaïr à proportion que leurs intérêts se croisent ».

L’idée de partage au sens d’une mise en commun, de la commune participation à un même Bien semble contredite et rendue impossible par le privilège que chacun accorde à ses intérêts.

Il y a donc impossibilité de partager des intérêts dans la mesure où les intérêts partagent les H (car ils les divisent) plutôt qu'ils ne les partagent (pas de mise en commun). Les intérêts renvoient chacun dans le domaine privé de son bien propre et exclusif et de ce fait ils tendent à atomiser la société. L'intérêt apparaît comme un vecteur de dispersion d'opposition : une société où les intérêts prédominent est une société scindée en autant de parties qu'il y a d'intérêts en jeu. C'est donc une société où l'intérêt des parties priment l'intérêt du tout. Et on a alors a faire à une agrégation et non une véritable association.

Au contraire une société où il y a du partage c'est une société où l'intérêt des parties est transcendé par une volonté de cohésion et d'entente. Autrement dit c'est une société où la préservation et le renforcement des liens prime le soucis individuel d'appropriation des biens. C'est une société qui se construit contre un tel soucis marquant à quel point la logique des intérêts et celle du partage peuvent être opposées et contradictoires.

Qu'il y ait un antagoniste entre la logique des intérêts et celle du partage, c'est ce que l'on peut illustrer à partir de données ethnologiques. Les ethnologues travaillent sur les sociétés holistiques où le tout est plus important que les parties. Ils remarquent que dans les sociétés de ce type, où prévaut le modèle du partage, tous les mécanismes institutionnels sont destinés à renforcer les liens communautaires et à mettre en échec la logique du profit individuel.

→ Pierre Clastres a dit que dans les communautés Guayaki il existe un tabou alimentaire interdisant au chasseur de consommer les produits de sa chasse. Sa subsistance est assurée par le groupe qui est le seul bénéficiaire légitime des produits du travail de chacun. Ca veut dire qu'on ne produit pas pour soit mais pour les autres, et c'est d'eux que l'on reçoit ce dont on a besoin s'ils le désirent. Si bien que le lien entre production et consommation et en qqle sorte court circuité par l'état de la mise en commun qui dépossède l'individu des fruits de son travail au profit du groupe. On est donc en présence d'un impératif social de partage dont l'effet le plus remarquable est de désamorcer la logique des intérêts et les effets dissolvants qu'elle peut avoir sur les liens sociaux. C'est donc une loi du partage et pierre Clastres observe que contrevenir à cette loi au nom de ses intérêts c'est au fond briser le lien communautaire et finalement substituer à la relation d'alliance un rapport d'opposition qui débouche sur l'exclusion/violence/guerre.

Cette perception d'un antagonisme entre la logique des intérêts et la loi du partage qui gouverne le système du don cérémonial (système dans lequel les échanges revetent un caractère désinteressé en s'effectuant sous la forme de don et contre don. La finalité n'est pas économique mais social : créer/renforcer les liens entre groupes/communautés/tributs.) Par contraire, dans le système de l'échange marchand, les liens entre les personnes ne sont que des moyens au service de l'appropriation des biens : de la sorte lorsque les liens sont obtenus, les liens se dissolvent et chacun retrouve son indépendance. Il apparaît alors comme l'opérateur de la dissolution des biens sociaux : payer c'est être quitte. Les relations ne peuvent être alors que provisoires, précaires, l'argent joue en faveur de l'indépendance individuelle.

=> Dans le don, les biens ne sont qu'un moyen pour créer du lien, dans l'échange monétaire les liens qu'au service de l'appropriation des biens.

On voit que la polarité de ces deux systèmes est opposée : d'un côté c'est l'individu, d'un autre le tout social. Sur le pôle individuel, c'est la logique des intérêts qui dominent, favorisant un processus de dispersion/rupture. Sur le pôle holistique c'est la logique du partage qui prévaut/la priorité du lien fédérateur entre les personnes. L'opposition de ces deux systèmes marque l'incompatibilité entre la loi du partage et des intérêts : seul le partage peut unir et rassembler, l'idée qu'on puisse partager des intérêts semble contradictoire car elle essait de concilier des choses incompatibles. La recherche individuelle du profit et la commune participation participation à un même bien sont incompatibles. L'enjeu d'un tel dépassement n'est pas simplement social mais aussi moral.

En effet si à travers les intérêts, les tendances égoïstes de l'individu s'expriment librement, alors la prédominance des intérêts particuliers n'a pas simplement pour effet de compromettre la cohésion ou l'unité de la société mais aussi de favoriser le développement de dispositions morales directement contraires aux principes de justice et de convivialité.

C'est ce que souligne Aristote dans l'analyse qui consacre à l'intérêt sous la figure de la mauvaise chrématistique (désigne l'art d'acquérir des richesses. Il existe la forme droite et corrompue de la chrématistique) : elle consiste à se servir des biens comme un moyen de réaliser un profit. Cette forme de chrématistique révèle une disposition morale absolument contraire aux valeurs constitutives de l'humanité et qui pour les grecs sont tjrs liées à une forme de désintéressement. Or on s'aperçoit que là où l'intérêt suit son cours naturel, ce qui va dominer dans le cœur des H c'est le désir immodéré de profit, d'avoir + que sa part = Pléonexia. Or l'individu qui s'y livre sans retenue a un comportement moralement condamnable et socialement dangereux. Lorsque l'intérêt se donne comme objet du désir, il introduit dans le désir la dimension de la démesure. Mais en même temps il apparaît comme socialement dangereux dans la mesure où la pleonexia est un facteur de corruption des relations sociales et des vertus civiques. L'amitié, le courage, l'honneur ne résistent pas vraiment à l'empire de la veinalité. Ainsi l'intérêt transforme les relations entre les H en une relation veinale dont Rousseau nous invite à méditer les formes inquiétantes lorsqu'il écrit « que peut on penser d'un commerce où la raison de chaque particulier lui dicte des maximes directement contraires à celles que la raison publique prêche au corps de la société et où chacun trouve son compte dans le malheur d'autrui. ».

Rousseau se démarque // à une thèse dominante au 18ème siècle : le commerce est un puissant agent civilisateur → thèse du doux commerce. Il voit en effet dans le commerce la ruine des bases morales de la socialité. Pourquoi ? Parce que prenant racine dans les dispositions égoïstes de l'individu et se laissant guider par la seule considération des intérêts privés, le commerce c'est la guerre. Ce qui s'y exprime c'est l'opposition entre l'intérêt particulier et le bien publique mais aussi la discordance entre les intérêts particuliers. Comment pourrait il y avoir partage si nous trouvons avantage dans le préjudice de nos semblables ? Rousseau : « nous trouvons avantage dans le préjudice de nos semblables »

Là où les intérêts des uns se font au détriment des autres, on ne peut guère penser le rapport entre les intérêts que sous la forme d'un antagonisme et sur fond de guerre. Durkheim

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