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Le Théatre Est Différent De La Lit

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de souligner la confusion qui règne bien souvent sur les termes, à commencer par ceux qu'on considère comme les plus familiers. Maître de l'absurde, Ionesco sait faire réfléchir ses lecteurs et spectateurs à partir d'un léger glissement dans le quotidien, d'un paradoxe étrange sorti d'une situation banale. Quel enseignement peut-on donc tirer de cette provocation énigmatique ? N'est-elle pas une incitation à changer notre regard sur le théâtre, et bien plus encore, sur la littérature ? Nous essaierons d'abord de comprendre, en regard de la complexité de la définition de la littérature, l'exacte portée de l'affirmation de Ionesco. Nous montrerons ensuite, en nous appuyant sur la définition qu'Aristote donne à l'art littéraire, que le pouvoir de représentation attaché au théâtre est très différent de celui du roman. Nous nous efforcerons néanmoins de nuancer l'affirmation de Ionesco en réfléchissant au concept de « littérarité », qui rapproche selon nous les trois genres littéraires au sein d'un même ensemble, que nous continuerons à appeler, faute de mieux, « littérature ».

I. Explicitation de la phrase de Ionesco.

1. Complexité de la notion de « littérature ». Sens large : ensemble des textes écrits. Peut-être Ioneco a-t-il voulu faire un clin d'oeil à l'étymologie des deux termes. « Littérature » vient du latin littera, la lettre, et renvoie donc à l'écrit, tandis que « théâtre » vient du grec theatron, qui renvoie au champ lexical de la vision. Le théâtre est un specacle vivant qui ne nécessite pas la médiation du texte écrit et de la lecture.

Ex : théâtre de mime, de marionnettes, d'ombres, d'improvisation. Absence de paroles, ou tout au moins de texte écrit.

Par ailleurs, on étudie le théâtre non dans les universités littéraires mais dans des conservatoires ou des écoles spéciales, comme pour la musique.

Mais Ionesco a publié ses oeuvres, ce n'est donc pas du théâtre muet, privé de paroles, ni du théâtre d'improvisation qu'il veut parler.

2. Même lorsqu'il est écrit, le texte de théâtre est fait pour être joué. Ce « jeu » ne relève pas de la seule mise en scène, il n'est pas la seule affaire du metteur en scène : l'auteur conçoit déjà son texte comme destiné à être joué. C'est sans doute cela que veut dire Ionesco : il écrit des oeuvres pour la scène, non pour la publication. Cette caractéristique fondamentale entre dans l'écriture même de la pièce.

Ex : Un Tramway nommé désir. Rôle des didascalies. Le texte comme étant déjà un spectacle. Insatisfaction du lecteur.

3. Par ailleurs, il y a dans la phrase de Ionesco un jugement de valeur qui prend le contre-pied de l'usage ordinaire. En effet, lorsqu'on envisage la littérature en un sens restreint, c'est bien souvent pour y inclure toutes les oeuvres qu'on juge belles et en exclure les autres. « Faire de la littérature » devient donc une expression louangeuse, voire prétentieuse quand on se l'applique à soi-même. Ici Ionesco semble mépriser la « littérature » au profit d'un art qui lui serait bien supérieur, le « théâtre ». Il n'est pas le premier à faire cela : dans son « Art poétique » Verlaine prétendait lui aussi faire une chose « tout à fait différente » de la littérature. C'est une invitation à bouleverser les conventions, à sortir de l'admiration béate devant ce qui est académiquement considéré comme beau.

Ex : Pirandello, Six Personnages en quête d'auteur. Le metteur en scène, au début de la pièce, ne veut pas entendre les « personnages » parce que personne n'a écrit leur histoire, parce qu'ils n'ont pas d'auteur et ne sont donc pas « littéraires ». Pourtant, ils incarnent le vrai théâtre. Ils ont une intensité véritablement dramatique que n'ont pas les acteurs répétant mécaniquement leur pièce écrite par un auteur à la mode (Pirandello lui-même !).

Ionesco chercherait donc à se moquer des intellectuels, ou plutôt d'une vision intellectualiste et sectaire de ce qu'est la littérature.

Provocation évidente, la proposition de Ionesco nous rappelle deux vérités essentielles : le théâtre est fait pour être joué et vu dans un spectacle, et cela est vrai dès le moment de l'écriture. Il n'y a pas un texte littéraire, actualisé ensuite dans une mise en scène. Il y a, dès l'origine, une oeuvre écrite pour prendre forme dans des corps et des voix. De plus, un bon spectacle peut parfois être bien loin de ce que les professeurs et autres intellectuels ont coutume d'appeler « littérature », de même qu'un bon poème devait, selon Verlaine, s'éloigner des poncifs enseignés sur les bancs du lycée. Néanmoins, le théâtre reste l'un des trois principaux genres réunis d'ordinaire sous le nom de « littérature ». Il nous faut donc maintenant examiner le bien-fondé d'un tel rapprochement.

II. Le théâtre est une représentation particulière du monde

1. La théorie des genres selon Aristote. Le théâtre et le roman ont en commun de représenter le monde. Mais l'un raconte et l'autre montre.

Ex : Alcandre, à l'acte I de L'Illusion Comique, déclare son art supérieur à l'art du récit, car il ne se contente pas de dire, mais il peut montrer.

2. Le théâtre représente le monde à sa manière. Un spectacle total, qui produit des effets puissants. Tous les sens sont sollicités, le spectateur est absorbé, sa liberté est sollicités d'une autre manière que celle du lecteur. Réalité extrême des personnages. Absence de certains procédés propres au roman : description, jeu sur les points de vue, alternance narration / discours... Obligation de montrer et de faire dire : disparition de la voix de l'auteur derrière celle des personnages, importance de la psychologie du personnage et de la parole, derrière lesquels disparaît l'action.

Ex : Phèdre de Racine, acte I, scène 3 : Phèdre avoue son amour à OEnone.

3. Une fonction particulière. On a beaucoup réfléchi à la fonction de la littérature. Le théâtre se donne certes le but principal accordé à la littérature, celui de plaire et d'instruire, de délivrer un enseignement sur le monde, mais il le fait à sa manière.

Ex : conception baroque du monde : le monde est un théâtre, le théâtre a donc un rapport privilégié avec le monde, bien plus que le roman. Sigismond dans sa prison (La Vie est un songe), les leçons d'un songe / spectacle.

Par ailleurs, le théâtre est le seul à pouvoir assumer la fonction de catharsis définie par Aristote.

Pour Aristote, l'art littéraire se limitait aux genres épique et dramatique, parce qu'ils sont les seuls à représenter le monde. On ne peut nier la parenté évidente entre théâtre et roman. Mais, s'ils représentent tous deux le réel, leurs moyens et leur finalité sont suffisamment éloignés pour qu'on puisse dire qu'ils sont, sinon « tout à fait » différents, du moins différents. Cette différence ne saurait en effet être exagérée, dans la mesure où les deux genres, quand bien même leurs moyens sont propres, se donnent pour objet de représenter le monde et pour fin d'enrichir la vie humaine. Proust a très bien montré que l'art du romancier,

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