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Bergson-Essai Sur Les Donnees Immediates De La Conscience: En Quoi Consiste l'Intensité d'Un Sentiment Profond?

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compte de l'intensité pure d'un état psychique, qu' il sera plus aisé de définir où il n'intervient aucun élément extensif qui puisse prêter à confusion.

Ainsi l'auteur décrit comment cet accroissement d'intensité apparaît à notre conscience, et en quoi il consiste dans notre vie interne, c'est-à-dire dans notre conscience-même. Nous apercevons d'un changement brusque: à l'état initial, quand nous considérons que le désir est faible, c'est que nous en prenons conscience comme un élément distinct de notre vie interne. On peut comprendre par là que la conscience de ce désir n'est pas continue mais sporadique et exclusive; quand nous l'apercevons nous apercevons que lui, et sinon nous ne le remarquons pas, nous y pensons pas. Il nous semble à part de l'ensemble des états de conscience qui constituent notre vie interne. Au contraire, lorsque son intensité croit, nous nous en apercevons en ce que tout-à-coup nos perceptions, nos sensations et nos pensées, qui sont celles de toujours, nous provoquent des impressions différentes de celles de toujours, nouvelles: je vois la même table, mais je ne ressens pas la même impression ou le même sentiment en la voyant: j'ai changé de point de vu, je la considère différemment. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Entre ces deux perceptions conscientes il y a eu accroissement inconscient de l'intensité du désir, et modification de notre vie interne. Précisément, cet accroissement est proportionnel au nombre d'états psychiques élémentaires ou simples modifiés par ce désir, en ce qu'il les a pénétrés, c'est-à-dire qu'il a ajouté à la nuance propre à chacun d'entre eux, celle qui le définit lui-même. La métaphore de la teinture qu'emploie Bergson nous renseigne davantage: elle rend compte de ce que l'ajout de sa nuance à celle de chaque état élémentaire modifie cet état sans qu'il ne devienne le désir en question: il y a mélange et non remplacement ou addition, la nuance du désir s'assimile à celle de l'état élémentaire et un nouvel état psychique, qui n'existait pas auparavant, apparaît. Ainsi quand on « teint » un tissu rouge avec du bleu c'est du vert qu'on obtiendra. On peut donc dire que l'accroissement d'intensité du désir profond est son entrée dans notre vie interne, sa présence dans l'ensemble des états simples qui la constituent, mais « sans s'y faire voir » comme le dira l'auteur un peu plus loin dans le texte, puisque précisément il n'est plus isolé, distinct, mais confondu avec les autres états. La passion profonde est donc une complexification du sentiment simple qui la précédait. Et ce sentiment simple, tout comme il modifie les autres états, il se modifie lui-même du fait qu'il les pénètre, car il y a mélange. La passion profonde est donc changement et même renouvellement de notre vie interne toute entière. Remarquons que ce changement est présenté comme continu et progressif, puisqu'il s'effectue « peu à peu » et « petit à petit »; si nous nous en apercevons brusquement, c'est une évolution ou un murissement ininterrompu de la conscience.

On comprend donc pourquoi les mêmes choses ne nous font pas les mêmes impressions: car nous sommes autres. Notre vie interne a changé qualitativement, elle s'est renouvelée et recrée: « c'est comme une nouvelle enfance ». Ainsi les impressions que nous renvoient les mêmes objets touchent une vie interne autre que celle qui la précédait, et c'est pourquoi elles nous semblent nouvelles. De même et corrélativement, nos idées (souvenirs, représentations...) s'intègrent dans d'une conscience nouvelle. C'est donc avec un autre point de vue que je me rappelle d'un même objet ordinaire. Tout en est « rafraichi ». Et ceci puisque, comme on l' a dit, le désir s'est dilué dans l'ensemble de nos états simples et par là a transformé notre vie interne toute entière.

Bergson établit une analogie entre l'expérience décrite et « certains rêves »: le sentiment de renouveau éprouvé lorsqu'on s'aperçoit d'avoir contracté une passion profonde et relatif à ce qui est habituel correspond au sentiment d'originalité éprouvé dans certains rêves vis-à-vis de représentations ordinaires. Cette analogie n'est pas anodine, même si à première vue on pourrait penser qu'elle sert à mieux faire comprendre au lecteur le sentiment de nouveauté, dans le cas où rien ne le lui avait évoqué dans ce qui précède. C'est au contraire une preuve ultérieure de ce que les faits psychiques ne sont pas juxtaposés, et si cela a été implicite jusqu'à ce point du texte, Bergson pourra l'affirmer explicitement. En effet l'état de reve nous « fait descendre » encore plus que les sentiments profonds « dans les profondeurs de la conscience » puisqu'il est indépendant de l'extérieur: quand nous rêvons nous ne recevons pas consciemment les excitations des objets qui nous entourent, nous ne sentons pas, nous ne percevons pas ce qui est hors de nous et distinct de nous, nous coïncidons avec notre conscience pure: le reve se suffit à lui-même comme les autres états profonds en général, à la différence qu'il ne coexiste pas avec des sensations, qui tant soit peu nous ramènent toujours à notre espace environnant à l'état de veille. C'est aussi pourquoi Bergson établit une identité de rapport et non une identification entre le sentiment du nouveau résultant de la contraction d'une passion profonde comme celle ci-dessus, et le sentiment d'originalité qu'on peut éprouver dans le reve. Aussi s' il y a impression d'originalité c'est qu'il y a création de nouveau dans notre conscience, changement, et donc mélange dynamique de nos états de conscience, comme avec les sentiments profonds. La différence tient dans la nature des faits psychiques simples qui se confondent entre eux (dans le reve il n'y a pas de sensations ou perceptions de l'extérieur) : et à ce titre ce n'est pas uniquement entre reve et veille que l'effet de renouveau produit n'est pas identique, mais entre tout nouveau mélange psychique, car si les faits psychiques ne se juxtaposent pas, mais se pénètrent, ils ne restent jamais les mêmes, et tout change continuellement.

En effet s'ils étaient juxtaposés ils coexisteraient simultanément et seraient distincts les uns des autres, or, si ils sont distincts mais coexistants simultanément, ils doivent nécessairement se distinguer par la place qu'ils occupent: ils seraient donc immobiles et par conséquent identiques à eux-mêmes dans un « espace mental » jamais nouveau. On pourrait donc aussi bien les compter et quantifier notre vie interne, comme on fait avec les choses dans l'espace. Et quand on sentirait l'importance croissante de l'un d'entre eux, on se la représenterait comme une extension de ce sentiment dans l'espace mental, donc comme un accroissement de sa quantité. Mais sans changement de nature, on ne saurait rendre compte du renouvellement qui s'impose à nous quand on s'aperçoit d'avoir contracté une passion profonde, ou dans le reve. C'est ainsi que Bergson signale l'incompatibilité de notre langage avec ce qu'il désigne de notre vie interne: si nous nous exprimons par des mots qui relèvent de la quantité nous ne devons pas les prendre au pied de la lettre. Quand on dit qu'un désir a grossi il faut comprendre qu'il a pénétré l'ensemble des états simples de notre vie interne et l'a changée qualitativement. Mais qu'est-ce qui nous fait tromper ?

Précisons ici, avant de passer à la réponse, que cette évolution dynamique de la conscience est désignée par Bergson comme notre durée intérieure à partir du deuxième chapitre de l'Essai. Elle peut-être perçue par le moi profond qui descend aux profondeurs de la conscience, et coïncide donc avec sa vie interne en évolution continue. C'est donc avec le moi profond qu'on sens la nouveauté dans l'ordinaire ici décrite. Or, si nous ne la sentons presque jamais -hormis dans l'expérience de nos états profonds- c'est parce-que ce n'est pas la modalité habituelle du moi qui est superficielle, et qui elle « répugne à cette représentation toute dynamique », et qui donc nous trompe dans la connaissance de notre vie interne. Dans un deuxième moment du texte Bergson s'intéresse à cette modalité du conscience, et montre comment elle nous conduit à la confusion de l'étendu et de l'inétendu, en répondant à la question ci-dessus.

Il la qualifie de « réfléchie ». En analysant ce terme nous comprendrons pourquoi elle répugne à la durée. En effet on peut dire qu'il s'agit d'une conscience médiatisée, qui se « réfléchit » au sens premier du terme : elle se projette alors vers le dehors et devient conscience de quelque chose plutôt que conscience de soi. Ceci implique que c'est une conscience agissante, alors que la première était connaissante de soi. Car si elle se projette vers les objets qui l'entourent c'est justement parce que ces objets sollicitent et ont une incidence sur notre corps, donc sur notre vie: on ne saurait vivre sans manger ou en ignorant un danger mortel qui s'approche, dans la coïncidence avec le moi. Cette réflexion est donc nécessaire et on comprend pourquoi elle est la règle de notre conscience. Or réagir et agir sur le monde

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