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Commentaire de texte - Les Bourgeois de Calais (Jean Froissart)

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Par   •  30 Septembre 2021  •  Commentaire de texte  •  2 960 Mots (12 Pages)  •  504 Vues

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Commentaire de texte « Les Bourgeois de Calais », JEAN FROISSART in Chroniques, 1369-1373

        Le manuscrit de la Chanson de Renaut de Montauban, au vers 1440 et provenant de la BNF met en scène sous l’Empire carolingien de Charlemagne une situation typique de l’époque et qui continuera de se reproduire tous au long du Moyen-Age ; une scène d’amende honorable.  On peut y voir Renaud et ses 3 frères et 2 fils déposer au pied de l’Empereur Charlemagne les clés de la ville de Montauban et leurs épées, symbole classique de la défaite et de la reconnaissance du vainqueur. Par extension, ce déroulé symbolique de capitulation sera renouvelé moulte fois tout au long du Moyen-Age, et notamment lors du siège de Calais. Ecrit entre 1369 et 1373, les Chroniques de Jean Froissart et ici notamment l’extrait sur les « Bourgeois de Calais » relatent l’épisode final du siège de Calais de 1346-1347 et sont publiées plus de 20 ans après l’évènement. En effet, le célèbre chroniqueur de la Guerre de Cent-Ans né vers 1337 et mort vers 1410 n’avait que 10 ans lors de l’évènement. Il porte un regard intéressant sur ce moment clé de la guerre de Cent-ans puisqu’en tant que chroniqueur il a bénéficié de plusieurs mécénats, et que l’objectif visé par le chroniqueur est de plaire à son mécène. Or, lors de l’écriture de son œuvre, Jean Froissart, s’inspirant de l’autre fameux chroniqueur de son temps, est lié à la Cour de la reine d’Angleterre et il bénéficie de mécénats anglais comme celui de la reine Philippa d’Hainaut. Dès lors, il paraît évident que le récit des faits de cet évènement sera canalisé par cette influence ; lors du siège de Calais d’automne 1346 à août 1347 les antagonistes sont en effet l’armée anglaise contre les habitants français de la ville de Calais. Dans ce texte, Jean Froissart raconte le moment clé de la fin du siège de Calais, le 4 août 1347, et les réactions des habitants face aux vainqueurs anglais. En outre, la fin du siège de Calais s’inscrit dans un contexte douloureux voire tragique pour la France qui plonge dans une situation critique, après les ravageuses chevauchées anglaises et la défaite cuisante de Crécy, situation d’autant plus problématique qu’elle est accentuée par l’humiliation obligée des gens de Calais, et notamment l’action symbolique des bourgeois de la ville, qui endosse une responsabilité et une part considérable dans le déroulé des évènements dans ce texte. L’essence même du texte de Froissart est donc fortement placée sous le prisme de la subjectivité du chroniqueur qui dispose d’ailleurs pour seuls témoins de l’évènement les otages français emprisonné à Londres.

Dès lors, en quoi le regard spécifique de Froissart impacte-t-il l’évènement historique du siège de Calais montrant un rituel de capitulation classique et dans quelle mesure nous apporte-t-il un témoignage historiographique biaisé des faits ?

D’abord, les faits authentiques de la situation tragique de la ville de Calais et son contexte s’inscrivant dans la guerre de cent-ans sont mis en lumière par Jean Froissart. Dans un second temps, l’épisode de capitulation, classique au Moyen-Age, est raconté de manière élogieuse par le chroniqueur qui relate une scène de capitulation classique nuancée. Enfin, la chronique de Froissart a pour visée symbolique de se lancer dans un processus de mystification des bourgeois par un effort d’historiographie biaisé.

        Avant tout, le siège de Calais et l’épisode des bourgeois est un évènement historique tragique et dramatique retranscrit authentiquement non sans subjectivité sous la plume de Froissart.

Le siège de Calais, qui commence le 4 septembre 1346, fait suite à une série de lourdes défaites infligées par les Anglais au royaume de France. De surcroît, le roi de France Philippe VI de Valois tient donc une part de responsabilité dans cette défaite, part qui sera mise en lumière par le chroniqueur Jean Froissart dans ce texte. En effet, le roi d’Angleterre Edouard III débarque en juillet 1346 dans le Cotentin et effectue une grande chevauchée désastreuse à travers la Normandie pour le royaume de France, mettant ainsi à mal l’autorité du roi de France qui ne parvient pas à ramener l’ordre sur ses propres terres. Lors de la fameuse bataille de Crécy qui fait suite, les français sont décimés le 26 août 1346 par les armées anglaises ce qui sapent encore une fois le statut de Philippe VI. C’est particulièrement lors du siège de la ville de Calais par le roi d’Angleterre que l’incapacité du roi de France à secourir ses gens et son peuple va être mis en exergue. Si les Anglais vont rester mettre du terrain jusqu’à ce que les Calaisiens se soumettent, cela ne va pas sans plusieurs tentatives d’envois de renforts français. D’abord, le 8 septembre 1346 une armée commandée par le roi de France parvient aux environs de Calais mais n’agit pas et dix jours plus tard une flotte franco-génoise fragilise par la mer le blocus opéré par les Anglais. Après plusieurs longs mois de sièges qui vont révéler la faiblesse du roi de France sur son propre sol, l’armée royale, forte de plus de 100 000 fantassins et de 35 000 cavaliers, paraît autour du camp retranché des armées anglaises fin juillet 1347. Mais après plusieurs missions de repérages, le roi de France décide de se retirer le 2 août 1347 bien que ses effectifs soient nettement plus nombreux. Cet abandon a pour conséquence la chute de Calais aux mains ennemis le lendemain même. Le texte ci-confer met bien en lumière cette incapacité du roi de France qui par sa décision s’est rendu maître du destin de tous les habitants de Calais, qui « après le départ du roi de France et de son armée » (ligne 1) sont réduits à la fatalité et à la mort sinon de se livrer aux mains de l’ennemi. Cette incapacité du roi de France à défendre son peuple est souligner par Froissart qui montre que par cela, le roi de France a rompu un lien profond avec les Calaisiens : « le secours dans le lequel ils avaient mis leur confiance leur faisait défaut » (ligne 2). Cette confiance est d’autant plus brisée que dès à présent, les habitants de Calais par la prise de parole du bourgeois Eustache de Saint Pierre qui décrit le roi ennemi par l’expression « à la merci du noble roi d’Angleterre » (ligne 33). L’absence d’autorité royale dans la ville se manifeste par ailleurs par la place importante qui incombe au capitaine de la garnison de la ville, « Messire Jean de Vienne » (lignes 10/27), dont le nom revient plusieurs fois dans l’écriture de Froissart. Ainsi, selon ce texte la situation dans laquelle sombre Calais assiégée est en grande partie due au roi de France Philippe VI vu ici comme un coupable responsable. Cette responsabilité s’inscrit dans un siège typique de la guerre de Cent-ans.

Le siège au Moyen-Age est une pratique couramment répandue dans l’art de faire la guerre. Le siège de Calais en abhorre les caractéristiques principales selon le texte de Froissart. La longueur du siège est spectaculaire puisque ce dernier dure plus de 11 mois, ce qui tellement considérable que « même les plus robustes et les plus forts pouvaient à peine se soutenir » (lignes 3/4). En effet, le principe même du siège est d’encercler la place forte assiégée de manière à ce que les habitants de la ville ne puissent pas effectuer de sortie de force, ni correspondre avec des potentiels alliés extérieurs ni moins encore être approvisionnés. La particularité de Calais est sa localisation en littoral ce qui oblige les Anglais à effectuer un blocus naval dans la Manche. Le siège doublé d’un embargo maritime entraîne irrémédiablement une situation dramatique à l’intérieur de la ville de Calais si bien que le 25 juin 1347 que le capitaine de la garnison de la ville, « Monseigneur Jean de Vienne » (ligne 8) annonce depuis les « créneaux des murs de la ville » (lignes 8/9) que les vivres des calaisiens sont épuisés. En effet, malgré les défenses et les murailles imposantes de la ville de Calais, l’armée anglaise part un siège d’usure parvient à réduire à la famine et à l’impuissance les résidents de Calais. Cette situation tragique est soulignée par l’expression presque hyperbolique de Froissart qui explique que les Calaisiens pourraient même « perdre [leurs] corps et [leurs] âmes par rage de faim » (ligne 7). C’est pourquoi, ce siège typique de l’art de faire la guerre à l’époque entraîne logiquement une nécessaire défaite et soumission à l’assiégeant anglais. Bien évidemment, le texte par l’écriture spécifique à Froissart relate la réaction du peuple de Calais en insistant sur la grande débandade et le désordre qui règne à l’intérieur des murs de la ville suite à l’annonce des conditions de reddition des anglais : « ils se mirent tous à crier et à pleurer tellement et si amèrement » (ligne 12). En effet, le siège dans la guerre s’accompagne de fait d’une grande misère néanmoins pour les vaincus bien que l’ennemi leur accorde la vie sauve, ce qui était dans les codes de la guerre à l’époque. Enfin, la ville de Calais est donc in fine livrée aux Anglais selon les conditions fixées et les Calaisiens réduits à la volonté du roi d’Angleterre.

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