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Le Pouvoir De Finance

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des JEL : E62 – H11 – H63 – I00

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Une version préliminaire de ce texte a fait l'objet d'une communication au colloque Finances Publiques et Redistribution Sociale, organisé à l'Université Lille 2, les 23 et 24 septembre 2005, pour les vingt ans de l'Association Française de Finances Publiques, dont les actes paraîtront chez Economica dans un ouvrage coordonné par Rémy Pellet.

Jean-Marie.Monnier@univ-paris1.fr btinel@univ-paris1.fr

Le déficit public est traditionnellement analysé comme le signe de la présence ou de l’absence d’une politique budgétaire expansionniste. Un déficit important est supposé rendre compte d’une politique économique d’orientation keynésienne axée sur la dépense, tandis qu’un déficit modéré, voire nul, est supposé témoigner d’une rigueur budgétaire davantage prisée par les tenants d’un Etat modeste. Dans cette perspective, il est commun de considérer que la réduction du déficit public passe mécaniquement par celle des dépenses et ce d'autant plus si l'on souhaite en même temps procéder à des baisses d'impôts. C'est l'objectif que se fixe le gouvernement dans le Rapport sur l'évolution de l'économie nationale et les orientations des finances publiques présenté en juin 2005 : « l'Etat doit se désendetter s'il veut pouvoir dégager des marges de manœuvre, réduire le poids des prélèvements obligatoires et encourager la prise de risque dans l'économie » (p. 6). Pourtant, la focalisation sur la dépense peut s’avérer inadaptée si l’on tient compte non pas uniquement du solde budgétaire mais de la dynamique des recettes au regard de celle des dépenses. Pour qu'un tel double objectif soit atteint, les dépenses doivent diminuer plus vite que les recettes, sinon le déficit continuera à augmenter, tel un horizon qui s'éloigne à mesure que l'on s'en approche. Or précisément, les recettes fiscales n'étant pas indépendantes des dépenses, réduire celles-ci peut très bien conduire à diminuer encore davantage celles-là. Dans une telle configuration, il est simplement impossible de réduire à la fois l'endettement et les prélèvements. Poursuivre alors dans la voie d'une limitation des dépenses et des recettes revient de facto à opter pour un accroissement de l'endettement, ce qui n'est pas neutre en terme de redistribution. Un déficit budgétaire peut en effet résulter non pas d’un surcroît de dépenses publiques, supposées stimuler la demande globale, mais d’un défaut de recettes fiscales, dont l’effet multiplicateur, par le truchement d’un accroissement du revenu disponible des ménages, est moins important en raison d’une différenciation des comportements d’épargne. Les réductions d’impôts ne seront en effet pas affectées dans les mêmes proportions à la consommation et à l’épargne par les hauts et les bas revenus, si bien que les effets sur la demande d’une baisse d’impôt dépendent très largement des catégories sociales auxquelles elles s’adressent. De ce point de vue, la répartition de la charge fiscale entre les ménages a une incidence sur la demande et donc sur la croissance. Il existe ainsi, pour simplifier, deux types de déficits publics : le déficit public expansionniste et le déficit public récessif. Le présent article se propose d’examiner la situation de la France en matière d’endettement public. Il aborde les débats contemporains autour de la soutenabilité de la dette et autour du pacte de stabilité ; il suggère que la France se situerait davantage en situation de déficit récessif, dont les mécanismes redistributifs sont analysés.

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1. La contrainte budgétaire des administrations publiques A chaque période, le déficit public correspond à la différence entre les recettes publiques et les dépenses publiques totales. Celles-ci comprennent les dépenses dites primaires et le service de la dette, laquelle correspond à la somme des déficits passés. Le déficit public est donc un flux égal à la variation de la dette publique1. Il est intéressant de la rapporter à une grandeur de référence telle que le PIB, qui est une variable pertinente car donnant une idée de la capacité contributive du pays. Ainsi, la variation du rapport dette/PIB se présente comme la somme, d’une part, du ratio de déficit primaire au PIB et, d’autre part, ce que l’on appelle communément « l’effet boule de neige », lequel correspond à l’accroissement de dette qui résulte de l’écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance de l’économie. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, un taux de croissance plus élevé réduit le rapport dette/PIB en raison de l’accroissement du dénominateur. En effet, d’un côté, l’écart critique entre le taux d’intérêt et le taux de croissance se réduit voire s’inverse et, d’un autre côté, de manière indirecte, ceci est renforcé par le jeu des stabilisateurs automatiques. La diminution des dépenses et l’accroissement des recettes fiscales contribuent à améliorer le déficit primaire et réduit le rapport dette/PIB. Le solde primaire qui permet de stabiliser le ratio dette/PIB varie beaucoup selon la situation macro-économique du pays. Ainsi, dans les années 1970, où le taux de croissance était supérieur au d’intérêt réel, il était possible d’assumer un solde primaire déficitaire sans pour autant augmenter le ratio dette/PIB. En revanche, dans la situation inverse, il s’avère nécessaire de dégager un excédent primaire d’autant plus conséquent que l’écart critique est élevé. Dans ce cas, les variations du déficit public seront d’autant plus sensibles aux variations du taux d’intérêt que le ratio dette/PIB est élevé. Autrement dit, en régime de croissance faible, un Etat fortement endetté doit dégager un excédent primaire d’autant plus conséquent que le taux d’intérêt est élevé, pour simplement stabiliser son ratio de dette. 2. L'évolution du ratio dette/PIB de la France depuis 25 ans Le graphique 1, figurant en annexe, montre que la dette publique française, qui représentait un peu plus de 20% du PIB au début des années 1980, s’approche aujourd’hui de 65%. Ce changement de proportion témoigne de la mutation macroéconomique qu’a connue notre pays ces vingt cinq dernières années, notamment concernant le mode de financement

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Des écarts entre ces deux éléments peuvent toutefois apparaître pour des raisons propres à des ajustements comptables (variations dans le périmètre du secteur public, ajustements divers, transactions financières). Bien qu’ils jouent parfois un rôle certain, ils seront ici supposés nuls. 3

des dépenses publiques vers une négociabilité toujours plus importante2. L’accroissement de la part de la dette publique dans le PIB s’est traduit au niveau du budget de l’Etat, qui n’est pas à lui seul responsable de la totalité de cette augmentation, par un alourdissement important du service de la dette. Sa part relative dans le budget a plus que triplé en passant de 4,2% en 1980 (Delorme & André [1983], p. 728) à près de 15% dans le projet de loi de finances pour l’année 20053, ce qui correspond au second poste de dépenses civiles, juste derrière celui de l’enseignement scolaire. Un tel niveau n’avait pas été atteint durant toute la période qui suit la Seconde Guerre Mondiale, pendant laquelle la part du service de la dette est restée en moyenne en dessous de 4%, et se rapproche de la situation d’immédiat avant guerre où il dépassait les 18%. Toutefois, la charge de la dette a occupé une part encore plus élevée durant la période de reconstruction d’après Première Guerre Mondiale : avec plus de 23% en 1920, le coût de l’endettement occupera jusqu’à près de 42% des dépenses de l’Etat en 1926. L’accroissement du ratio dette/PIB de 1980 à 2004 s’est effectué par trois accélérations. Tout d’abord, au cours des années 1980, l’endettement s’est accru d’une quinzaine de points, au rythme de 3,7% par an en moyenne de 1978 à 1986. Ensuite, la fin de cette décennie, marquée par trois années de forte croissance entre 1987 et 1990, a donné lieu à un ralentissement de la progression du ratio mais pas à un recul, contrairement à ce que l’on observera une dizaine d’années plus tard. Durant les années 1990, au cours desquelles la croissance a été très faible jusqu’en 1997, voire négative en 1993 avec un déficit public atteignant alors 6% du PIB, le ratio a augmenté plus rapidement que durant la période précédente, gagnant pratiquement vingt cinq points, au taux annuel moyen de 5,3% de 1992 à 1997. Après un tassement en 1998-1999, le ratio recule légèrement, de deux points, en 2000 et 2001 puis remonte rapidement par la suite et dépasse en 2003 la barre des 60% fixée par le pacte de stabilité. Il atteint le niveau record de 64,73% en 2004. La montée de l’endettement public en France s’est accompagnée d’une transformation de la composition de la dette analysée du point de vue de sa provenance par administration (cf. graphique 4). Le point essentiel en la matière concerne les administrations publiques locales dont la part dans la dette publique totale passe du tiers en 1980 à un peu plus de 10% en 2004. Corrélativement, la part de l’Etat proprement dit s’est accrue d’une vingtaine de points sur la même période. Une telle compensation, quasi mécanique,

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