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Giovanni Arnolfini Enquête Autour d'Un Portrait

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il nous faudra tenter d’interpréter. A y regarder de plus près, le couple n’est pas seul dans la pièce : deux autres personnes se tiennent devant lui, comme le montre leur reflet dans le miroir placé derrière l’homme et la femme.

Le tableau, par son traitement pictural, son sujet et sa composition marqua un tournant dans l’histoire de la peinture européenne. Précisons.

Jan van Eyck (et son frère Hubert) n’a pas « inventé » la peinture à l’huile mais il a ajouté à l’huile de lin qui permettait de « lier » entre eux les pigments colorés de l’œuf et de l’essence de térébenthine. Ce procédé donnait de la transparence et de la luminosité à ses touches. Celles–ci étaient imperceptibles car elles étaient déposées sur le panneau de bois avec un pinceau très fin.

Le sujet du tableau est lui aussi novateur : rares étaient à cette époque les sujets profanes mais les « Epoux Arnolfini sont le premier tableau dont le sujet soit un couple et un couple représenté de façon réaliste.

Van Eyck introduit en effet le réalisme dans l’art occidental ; ce parti pris frappe dans le traitement du visage de l’homme, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas flatté ! Les détails du tableau sont rendus dans le même esprit, à tel point qu’on devine la nature des étoffes portées par les personnages : soie, velours de soie et fourrure. Cf. aussi poils du petit chien. La maîtrise des jeux d’ombre et de lumière apporte insensiblement du réalisme à la scène : lumière du jour se reflétant dans le lustre en cuivre, ombre des socques sur le plancher, ombre de la femme sur le lit. Il est en de même dans le rendu de la perspective : Van Eyck ne la maîtrise pas comme ses contemporains italiens et certains éléments du tableau sont un peu disproportionnés par rapport à d’autres : le chapeau de l’homme, le lustre mais l’artiste a su donner de la profondeur à son tableau en organisant les plans : le petit chien, les époux, le fond de la pièce avec le miroir et en structurant savamment sa composition : accent mis sur les mains, au centre du tableau.

Enfin, le réalisme du rendu des personnages et des objets n’exclut pas leur interprétation symbolique. Prenons l’exemple des chaussures, les socques de l’homme, les mules de la femme. Les socques étaient des sortes de patins de bois, enfilées sur les chaussures quand on sortait pour éviter de trop les salir avec la boue des rues. Dans cet intérieur bien rangé où le couple reçoit des visiteurs, les chaussures ne traînent pas ! Leur présence insolite invite à l’interprétation symbolique : elles témoignent des rôles différents dans le couple : l’activité de l’homme se déroule hors de la maison, celle de la femme dans cette dernière. D’autres éléments du tableau, comme l’unique bougie allumée sur le lustre, en plein jour, relève du même type d’analyse symbolique.

II. Le couple représenté : un marchand italien installé pour affaires à Bruges

A. L’identité du couple : une question encore très discutée

Qui sont cet homme et cette femme qui constituent le sujet même du tableau ? Manifestement un couple engagé dans les liens matrimoniaux vers 1434 ; tous deux appartenaient çà un milieu social privilégié, comme le montre l’aménagement de la maison et leurs vêtements. Enfin ils connaissaient relativement bien Jan Van Eyck, comme l’attestent la curieuse signature du peintre et surtout l’existence d’un second portrait de l’homme qu’il réalisa quelques années plus tard.

L’histoire du tableau ainsi que des documents d’archive du XVe siècle nous mettent sur la piste d’une identification : le tableau est mentionné pour la première fois au début du XVIe siècle dans les inventaires des collections de Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas, comme le portrait d’Hernoul le Fin ou encore Arnoult Fin, transcription maladroite d’un nom étranger derrière lequel on peut comprendre Arnolfini, nom d’une famille italienne installée à Bruges et plus précisément d’un marchand italien dont Van Eyck fit le portrait quelques années plus tard.

Plusieurs Arnolfini, au moins cinq, tous apparentés, frères ou cousins germains, étaient établis à Bruges au XVe siècle. Ils venaient d’une famille de marchands italiens, de Lucques, en Toscane.

Le premier des cinq Arnolfini de Bruges était un certain Giovanni di Nicolao, fils de Nicolas ; le nom du père était souvent précisé en raison de la fréquence avec laquelle certains prénoms chrétiens étaient donnés au XVe siècle. Ce Giovanni qui dut naître vers 1395 et était présent à Bruges dès 1419. Il avait parmi ses clients le duc de Bourgogne en personne. En 1426, il se maria avec Costanza Trenta, jeune fille issue d’une riche famille de marchands lucquois amateurs d’art, apparentée aux Médicis de Florence. La mariée était âgée de 13 ans ; elle mourut, peu d’années après son mariage, avant la date de 1433.

Giovanni dut connaître des revers de fortune sur lesquels nous ne sommes pas documentés. Quoi qu’il en soit, parfaitement intégré à Bruges, il sollicita et obtint le statut de « bourgeois de Bruges » en 1442. Il n’est plus mentionné après 1452.

Deux des frères de Giovanni, Battista et Bartolomeo, firent de courts séjours à Bruges, probablement pour affaires mais ils firent l’essentiel de leur carrière à Lucques où ils occupèrent tous deux des fonctions politiques importantes.

L’un de ses cousins germains et homonyme, Giovanni di Arrigo ou Jehan Arnoulphin dit le Jeune, sans doute pour le distinguer de son cousin, né entre 1405 et 1409, exerça également à Bruges, comme marchand, avec le duc Philippe le Bon comme client. Il lui vendit en effet des tissus de luxe pour des sommes considérables. Un document, retrouvé très récemment (en 1994) dans les archives de la cour de Bourgogne par un chercheur français, atteste les relations suivies entre ce marchand et son noble client : un document comptable atteste en 1447 que le duc offrit un cadeau à Giovanni pour son mariage. Ce dernier avait en effet épousé l’année précédente à Jeanne Cenami, fille d’un marchand lucquois installé à Paris qui fournissait en objets de luxe (draps, pierreries) les princes Valois et leur prêtant de l’argent Les Cenami étaient apparentés à une autre famille lucquoise, les Rapondi. Il mourut à Bruges en 1472.

Son frère Michele exerça également comme marchand à Bruges, principalement de 1449 à 1472.

Les historiens de l’art ont longtemps considéré que les Arnolfini représentés sur le tableau étaient Giovanni di Arigo et Jeanne Cenami mais la date tardive de leur mariage rend désormais cette identification impossible. Son cousin et homonyme Giovanni di Nicolao ferait un meilleur candidat pour identifier l’homme du portrait mais la femme ne peut être Costanza Trenta, décédée au moment de la réalisation du portrait. La femme représentée était-elle une seconde épouse ?

B. Le milieu des grands négociants : un milieu cosmopolite

Les cousins Arnolfini durablement implantés à Bruges, les deux Giovanni, peuvent être considérés comme représentatifs de ces nombreux marchands étrangers venus s’établir pour affaires dans cette ville, l’une des plus actives d’Europe.

Bruges est née à l’époque médiévale ; les premières mentions de la ville ne remontent qu’au IXe siècle. Elle se développa grâce à la présence des comtes de Flandre et la création d’une foire ; aux XIIe et XIIIe siècles, la confection de draps de laine assura la prospérité de la ville (comme celle de nombreuses autres villes flamandes). Les draps de Bruges se distinguaient par leur qualité : laine fine, achetée en Angleterre, tissage fin. Ils étaient négociés au prix fort dans les foires de Flandre et au-delà, par exemple dans les foires de Champagne où se réunissaient des marchands venus de toute l’Europe occidentale. L’économie brugeoise se fondait aussi sur un artisanat diversifié, ce qui permit à la ville de traverser les crises rencontrées par l’industrie du drap (concurrence d’autres centres de production, concurrence d’autres étoffes de luxe). Bruges devint également, à partir du XIIIe siècle, une importante place commerciale, ouverte aux marchands étrangers. Sa superficie emmurée, l’enthousiasme des visiteurs qui l’ont décrite témoignent de son importance. Parmi les marchands étrangers, elle attirait :

des Anglais : la présence anglaise est liée à la dépendance de Bruges vis-à-vis des

laines anglaises ; pendant la Guerre de Cent Ans, les rois anglais jouèrent de l’arme économique pour peser sur le comte de Flandre et les villes flamandes.

des marchands venus « de l’Est », des Osterlings : ces marchands, issus de différentes

villes du nord de l’Allemagne, voire de plus loin, des rives de la Baltique ou de Norvège, appartenaient à une ligue, la Hanse, une puissante association qui bénéficiait de privilèges dans toute l’Europe du nord.

des marchands de la péninsule ibérique, espagnols et portugais

des marchands italiens : nous avons vu les Lucquois ; Bruges

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