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Le Rire Irrévérencieux Corpus

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quand il vit son âne manger son souper? Quiconque rit éprouve une joie gaie dans ce moment-là, sans avoir un autre sentiment.

Toute joie ne fait pas rire, les grands plaisirs sont très sérieux : les plaisirs de l’amour, de l’ambition, de l’avarice, n’ont jamais fait rire personne.

Le rire va quelquefois jusqu’aux convulsions: on dit même que quelques personnes sont mortes de rire ; j’ai peine à le croire, et sûrement il en est davantage qui sont mortes de chagrin.

Les vapeurs violentes qui excitent tantôt les larmes, tantôt les symptômes du rire, tirent à la vérité les muscles de la bouche; mais ce n’est point un ris véritable, c’est une convulsion, c’est un tourment. Les larmes peuvent alors être vraies, parce qu’on souffre ; mais le rire ne l’est pas ; il faut lui donner un autre nom, aussi l’appelle-t-on rire sardonien.

Le ris malin, le perfidum ridens, est autre chose ; c’est la joie de l’humiliation d’autrui : on poursuit par des éclats moqueurs, par le cachinnum (terme qui nous manque), celui qui nous a promis des merveilles et qui ne fait que des sottises : c’est huer plutôt que rire. Notre orgueil alors se moque de l’orgueil de celui qui s’en fait accroire. On hue notre ami Fréron dans l’Écossaise plus encore qu’on n’en rit : j’aime toujours à parler de l’ami Fréron ; cela me fait rire.

Voltaire, article « Rire », extrait du Dictionnaire Philosophique (1764)

Document 2 :

L’auteur se propose d’énumérer les spécificités du rire moderne à partir du XIXème siècle.

Le rire aristocratique restait à sa manière un rire communautaire (produit et consommé à l’intérieur d’un groupe social très homogène et uni par des liens de connivence très étroits). Au contraire, le rire de la France révolutionnée est désormais à la destination d’un public par définition hétéroclite et aléatoire. Il doit donc reposer sur un arsenal de mécanismes dont la simplicité et l’efficacité compenseront une moindre complicité entre les rieurs. Comme on le sait, les spécialistes expliquent généralement l’âge d’or du burlesque américain, à partir de la fin du XIXe siècle, par la nécessité de faire rire ensemble des publics formés d’immigrés qui, venus de toute l’Europe, ne partageaient ni la même langue ni la même culture, donc par la nécessité de revenir aux sources les plus élémentaires du comique. Même si la France du XIXe siècle est évidemment très loin d’une pareille hétérogénéité sociale, il n’empêche que la société post-révolutionnaire est infiniment plus ouverte que l’univers clos des salons aristocratiques.

Dans le cadre de la société de consommation culturelle qui se met alors en place à destination du public et qui va progressivement générer son économie et ses industries, on se met à consommer le rire pour lui-même et pour le plaisir qu’il apporte, et non plus seulement pour l’usage qu’on pouvait en faire (par exemple, comme instrument de contestation ou de sociabilité). Dans cette culture du rire pour le rire (comme il y a, à la même époque, une esthétique de l’art pour l’art), ce sont les formes comiques les moins signifiantes qui sont désormais privilégiées, alors qu’elles étaient systématiquement dévalorisées dans la culture d’Ancien Régime. Dans le traitement comique de la langue, seuls les jeux sur le signifié (donc les mots d’esprit) étaient autorisés ; le XIXe siècle voit au contraire le triomphe du calembour, de l’à peu près et de toutes les manipulations ludiques du langage, qui sont les plus insignifiantes et psychologiquement les plus régressives. De même, la culture classique du comique était de nature fondamentalement satirique, la satire visant toujours, au bout du compte, à délivrer une leçon sérieuse. Au contraire, la forme canonique du rire moderne est la parodie, qui, omniprésente dans la culture du XIXe siècle, entraîne une carnavalisation systématique et permanente du monde et qui, dans la très grande majorité des cas, n’a pas d’autre visée que cet effet burlesque de carnavalisation.

Les promoteurs de ce nouveau rire sont très logiquement les deux types d’instances dont la fonction même est de s’adresser à ce public anonyme et insaisissable qui caractérise le fonctionnement culturel de nos sociétés modernes : d’une part les professions du spectacle (théâtres du Boulevard, cafés-concerts, cabarets, etc.), d’autre part et surtout la presse. Le rire moderne est toujours, peu ou prou, un rire médiatique et l’univers multiforme de la presse (journaux politiques, organes de la petite presse, revues, etc.) a été, tout au long du XIXe siècle, le principal vecteur de la culture comique. Selon un cliché de l’époque, le journal a d’ailleurs pris la succession du salon d’Ancien Régime ; il entretient, en la démocratisant, la tradition de l’esprit aristocratique. De surcroît, il ne faut pas oublier que, au moins jusqu’en 1870 (fin du Second Empire) ou plutôt jusqu’en 1881 (date de la grande loi républicaine sur la liberté de la presse), la liberté d’expression est encore réprimée. Le rire envahit d’autant plus généreusement l’espace du journal que ce dernier est strictement contrôlé dans sa double mission d’information et de discussion. On rit dans la presse à défaut de parler sérieusement de politique. Et, souvent aussi, on rit pour en parler à mots couverts. Le rire n’a donc rien perdu de sa fonction de contestation idéologique. Celle-ci est au contraire considérablement amplifiée : d’une part parce qu’il existe désormais une vie parlementaire et gouvernementale qui peut donner matière à débat, d’autre part parce que ce rire contestataire bénéficie de la force de frappe médiatique de la presse moderne.

Alain Vaillant, extrait des actes du colloque sur le rire (2009), université Paris Ouest.

Document 3

Guillaume de Baskerville mène l'enquête et finit par comprendre que le bibliothécaire, Jorge de Burgos, a empoisonné les pages d'un livre d'Aristote consacré au rire. Dans une confrontation finale, Jorge s'explique.

— Mais qu'est-ce qui t'a fait peur dans ce discours sur le rire ? Tu n'élimines pas le rire en éliminant ce livre.

— Non, certes. Le rire est la faiblesse, la corruption,

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