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Dissertation Sur Les Essais De Michel De Montaigne

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L’homme, support d’une écriture à son image

Les Essais sont devenus un livre universel « le seul livre au monde de son espèce » comme l’affirme Montaigne lui-même. Le sujet principal de cet œuvre, au milieu des nombreuses digressions de l’auteur, reste l’Homme, à tel point que le livre pourrait se résumer à une seule question : « qu’est ce que l’homme ? » ou, plus exactement, « que suis-je, moi, Michel de Montaigne ? » .

La démarche de Michel de Montaigne ne se veut donc pas littéraire : la forme de ses Essais est ouverte, telle une route connue uniquement de l’auteur , nous menant par le bout du nez jusqu’à une destination connu de lui-seul. On peut émettre l’hypothèse que l’ordre en est volontairement négligé, afin de mieux refléter ce qu’il y a d’illimité dans le monde et dans l’expérience intime de l’auteur. Plus largement encore : la forme brouillonne des Essais ne serai que le miroir de la nature de l’Homme elle-même, nature qui porte celui-ci à éprouver et ressentir une infinité d’émotions et de désirs souvent contradictoires. C’est ainsi que Montaigne se refuse à employer, dans ce « livre de bonne foi », un ordre contraint et artificiel qui ne représenterai pas un ordre naturel. De là la bigarrure des sujets, le laisser-aller et les rebondissements qui caractérisent les Essais ; « Le monde où tout n’est que changement, le caractère antinomique de la vie, l’homme complexe, inconstant, interdisent un style régulier qui ferme les ouvertures, ramène le multiple à un seul aspect. »

L’écriture de Michel de Montaigne est donc davantage celle d’une pensée en mouvement, qui se créée selon le bon vouloir de leur auteur, plutôt que stricte.

Cette œuvre échappe ainsi à toute tentative de classification, en cela-même qu’elle est la première de son espèce à une époque qui rejette toute fantaisie littéraire. On n’observe pas le caractère clos et chronologique d’une autobiographie par exemple, et d’ailleurs Montaigne ne cherche pas tant à faire part de sa vie propre à son lecteur que de lui faire partager ses idées, ses émotions et ses pensées dans une « collaboration féconde ».

Montaigne ne va pas toujours droit au but, les nombreuses digressions, associations d’idées et citations qui parsèment son œuvre en sont le plus parfait exemple. L’auteur ne s’impose pas de cadre ou de ligne à suivre dans la compostion de son livre : la forme des Essais va ainsi à l’encontre de toute tendance dogmatique ou procédé rigoureux qui faisaient fureur au XVIème siècle. Les réflexions sont d’ordre générales, Montaigne ne s’appuie guère sur un sujet que pour mieux passer au suivant,. Son ouvrage est écléctique, sans commune mesure avec ce qui se faisait alors. Etienne Pasquier assimile l’écriture de Montaigne à une « histoire de ses humeurs », un vagabondage de la pensée, qui laisse toute liberté à l’auteur pour improviser. Son écriture, que l’on peut qualifier de « digressive », en est bien la preuve : en « sautant du coq à l’âne », en suivant le fil d’une pensée qui n’appartient qu’à lui-même, il revendique une liberté dans l’écriture qui ne se retrouve plus enfermée dans les carcans rigides des modèles de l’époque. En revendiquant une telle liberté de l’humeur, Montaigne assume ainsi une écriture fantasque et disparate qui permet une grande prise de distance avec le classicisme. Mais en prônant le désordre, en se livrant à une esthétique du caprice et à l’apparente inconscience de son style, Montaigne joue également de ses faiblesses en tant qu’être humain, faiblesses universellement partagées et qui le mieux peuvent toucher ses lecteurs. Car l’auteur n’a d’autre ambition que celle de communiquer avec l’homme, ceci afin de l’aider à mieux vivre, et peut-être à l’instruire de ses propres vertus et de ses nombreux défauts. Mais de la même manière que le livre et l’Homme ont un rapport très étroit dans l’esprit de Montaigne, de même il semble tout à fait naturel que Les Essais partagent la propension de l’Homme à s’égarer, se chercher et revenir sur ses pas afin de mieux se trouver.

L’homme devient alors le support fertile d’une écriture qui est à son image : riche, foisonnante et sans cesse en mouvement.

B) La création d’un genre absolument inédit

Montaigne ne se veut pas écrivain. Dans son Avis au lecteur, il affirme : « je suis moins faiseur de livres que de toute autre besogne ». Il pose ainsi les bases d’une entente qu’il espère tacite entre le lecteur et lui-même : l’auteur n’a pas la prétention de voir ses Essais se hisser au rang d’œuvre littéraire, et d’ailleurs il se fait un jeu de dénigrer lui-même la matière de son livre. Mais il a cependant l’ambition d’avoir créer un genre absolument inédit et sans précédents en littérature ; celui des Essais.

Entre 1550 et 1600, la philosophie antique fait l’objet d’un grand engouement en France, mais cet engouement à ses faiblesses, car on lit mal les Anciens, et l’on écrit assez peu d’œuvre personnelles. C’est cependant à cette époque que Montaigne va s ‘atteler à la rédaction de ses Essais, et l’on commence à admettre que les auteurs profanes, s’ils ne remplacent pas l’étude des Ecritures, peuvent aider à corriger les traver humains. Ce mouvement de diffusion de la philosophie morale de l’Antiquité va ainsi permettre aux Essais de prendre leur place dans une société qui, sans approuver leur forme, commence à reconnaître l’utilité des préceptes de bonne vie qu’ils entendent dispenser.

D’un point de vue formel, les Essais réussissent une synthèse sinon harmonieuse, du moins efficace, entre le centon, le dialogue et la lettre, et Montaigne admet d’ailleurs bien volontiers que seule l’absence de destinataire lui a fait renoncer à la forme épistolaire « Sur ce sujet de lettres, je veux dire ce mot, que c’est un ouvrage auquel mes amis tiennent que je puis quelque chose. Et eusse pris plus volontiers cette forme à publier mes verves, si j’eusse eu à qui parler ». Au lieu de s’embarrasser d’un correspondant fictif et de considérations rhétoriques, Montaigne préfère alors créer un genre inédit, celui de l’essai, qui se suffit à lui-même tout en permettant de laisser libre cours à ses fantaisies. Il faut cependant noter que la lettre, tout comme le dialogue, font partie des précédents historiques qui ont rendu possible la forme ouverte des Essais. Très pénétré des idées des auteurs antiques, Montaigne rassemble les genres de la lettre et du dialogue afin d’obtenir une forme nouvelle: les Essais renoncent ainsi à l’idée d’un entretien imaginaire entre plusieurs personnes pour pleinement révéler ce que l’on avait occulté jusqu’à présent: une conscience s’entretenant avec elle-même. Mais il conçoit malgré tout son écriture comme une imitation des bons modèles grecs et latins de l’Antiquité, et en ce sens, il ne créé pas un genre de toute pièce. De même, il va s’inspirer des « mélanges », qui étaient un genre de recueil très pratiqué à l’époque, comme étant un ensemble de jugements sur un même sujet. Montaigne va s’en emparer, et en faire le réceptacle d’une pensée en mouvement.

Les essais évitent tout plan démonstratif et tout dogmatisme au profit de la liberté de parole, permettant à Montaigne de s’affranchir pleinement des contraintes de ses prédecesseurs. On peut l’observer par la relation unissant la matière traitée dans tel essai et le titre du chapitre ; celle-ci est très diffuse, si bien que le titre finit par n’être plus qu’un prétexte permettant d’introduire les sujets les plus divers. Montaigne ne s’en cache d’ailleurs pas : « Les noms de mes chapitres n’embrassent pas toujours la matière ».

A cet égard, Montaigne a bien choisi le titre de son ouvrage : essayer signifie en ancien français mettre à l’épreuve, expérimenter, sonder…Autrement dit, le titre fait plus référence à l’idée d’une méthode qu’à un genre littéraire (qui n’existait d’ailleurs pas encore à l’époque et que Montaigne à contribué à fonder) « Laisse, lecteur, courir ce coup d’essai… » écrit montaigne, dont l’ouvrage néglige la forme et la tenue. L’œuvre en elle-même est discontinue et d’une grande prolifération : le texte semble avoir été sans cesse revu et remanié, porté par l’exacerbation du jugement critique. Montaigne nous paraît être dans une logique de déconstruction, passant du genre de la leçon à celui de la recherche. Le lecteur fait face à une poétique du désordre, à une incertitude qui semble pourtant totalement assumée par Montaigne, voire revendiquée. Car celui-ci ne prend au sérieux ni le lecteur, ni son œuvre, la qualifiant de « rhapsodie » ou en évoquant « toute cette fricassée que je barbouille ici ».

Avec ses Essais, Montaigne va donc créér une nouvelle forme d’écriture mais qui se rattache à des modèles antiques et à toute une tradition de la prose (lettres…) qui a les faveurs du public depuis le XVe siècle. Mais l’auteur va prendre le parti de la nature contre l’Art, en déconstruisant volontairement la forme de son œuvre. Pour la rendre la moins artificielle possible, la plus sensible et la plus vraie.

C) Le désordre de la forme au service d’une pensée fertile

Cependant, ce désordre de la forme qu’affectionne Montaigne se met tout entier au service d’une pensée fertile et inextinguible que l’auteur n’aurait sûrement

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