DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Efficience Informationnelle Versus Finance Comportementale

Rapports de Stage : Efficience Informationnelle Versus Finance Comportementale. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 31

inance néoclassique se trouve aujourd’hui fortement contestée par un courant de recherches alternatif, solidement représenté au sein de la communauté universitaire internationale, ce qu’on appelle la « finance comportementale5 » ou « behavorial finance ». Il s’ensuit, dans la recherche en finance, une conjoncture intellectuelle tout à fait inédite, qu’on ne retrouve pas ailleurs en économie. Certes, sur de nombreux sujets économiques existent d’importantes controverses mais ce sont toujours des

On illustre souvent cette autonomie de la théorie financière par le fait que les notions d’offre et de demande n’y occupent pas la place centrale qui est la leur généralement en économie. La théorie financière leur préfère les notions d’arbitrage et d’absence d’arbitrage (Ross, 2005, 1-2). Par ailleurs, cette autonomie de la finance apparaît directement dans les différents travaux qui en retracent l’histoire intellectuelle, par exemple Bernstein (1992) ou Dunbar (2000). 2 On peut, sur ce point, se reporter aux passionnantes réflexions de Benoît Mandelbrot, par exemple Mandelbrot (1973). 3 Pour une présentation synthétique, se reporter par exemple à Ross (2005). 4 Voir Walter (2006). 5 Pour une présentation de la finance comportementale, on peut se reporter par exemple à Shleifer (2000). Pour une présentation du débat entre celle-ci et la finance néoclassique, on peut se reporter au Journal of Economic Perspectives de l’hiver 2003 opposant Burton Malkiel et Robert Shiller.

1

2 controverses locales sur fond d’un accord général sur les méthodes et les conceptions théoriques alors qu’en finance s’opposent véritablement deux paradigmes également structurés et représentés dans les institutions de recherche6. C’est autour de cette concurrence que se structure aujourd’hui la recherche dans le domaine financier. Aussi, me propose-je de présenter ce débat en indiquant la manière dont les chercheurs du CEPREMAP y interviennent.

1. Arbitrage et efficience informationnelle Le concept central sur lequel s’est construite la théorie financière néoclassique est la notion d’arbitrage. Au sens strict, on dit qu’un marché présente une opportunité d’arbitrage si, aux prix donnés, il est possible d’exhiber une stratégie d’investissement qui, sur la base d’un capital initial nul, garantit un revenu positif ou nul pour tous les états du monde et strictement positif pour au moins un état. Aux yeux de la finance néoclassique, l’équilibre du marché est incompatible avec l’existence de telles opportunités d’arbitrage. En effet, si l’on fait l’hypothèse minimale que tout individu préfère être plus riche que moins, il s’ensuit que toute opportunité d’arbitrage est amenée à être exploité sur une échelle infinie puisqu’elle procure du profit sans risque. À partir de l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage et de complétude des marchés, la finance néoclassique obtient ses résultats centraux d’évaluation : « le prix de tout actif est l’espérance mathématique de ses paiements pour une distribution de probabilité unique » (Kast et Lapied, 137) dite « probabilité risque neutre ». Parmi les conséquences de ce cadre théorique, il en est une qui joue un rôle majeur du fait de ses nombreuses applications empiriques et pratiques, à savoir la bien connue hypothèse d’efficience des marchés (HEI). On peut la faire remonter à Fama (1965). L’efficience en question est de nature informationnelle et doit être distinguée de l’efficience allocative. On dira qu’il y a efficience lorsque les prix reflètent toute l’information disponible7 (Fama, 1970). Comme l’on souligné de nombreux théoriciens, cette formulation « n’est pas entièrement claire » (Ross, 42) de sorte qu’elle est sujette à diverses interprétations. Il me semble nécessaire d’en distinguer trois8. La première (HEI1) définit un marché efficient comme étant un marché sur lequel les actifs financiers sont évalués correctement, compte tenu de l’information disponible à l’instant considéré9. « Correctement » renvoie ici à une certaine théorie de la valeur des actifs. Pour cette raison, de manière équivalente, on dira qu’un marché est efficient au sens de (HEI1) si les prix sont conformes à la valeur intrinsèque ou fondamentale des actifs. On trouve cette définition chez Fama (1965) lorsqu’il écrit : « sur un marché efficient, le prix d’un titre constituera, à tout moment, un bon estimateur de sa valeur intrinsèque10 ». Une deuxième définition (HEI2) met l’accent sur la non prévisibilité des rendements. Il s’agit de vérifier que : « the returns on financial assets are very close to being serially uncorrelated and are almost statistically unpredictable » (Ross, 44). Dans un tel cadre,

Je ne néglige pas l’existence de paradigmes hétérodoxes en économie mais, pour l’instant, ils ne bénéficient pas d’une inscription académique internationale comparable à celle de la finance comportementale, ce qui ne préjuge en rien de leur pertinence théorique intrinsèque. 7 On sait qu’en fonction de l’information considérée, on distingue trois formes d’efficience : faible, semi-forte et forte. 8 Sur cette question, on peut également se reporter à Hyme (2004) qui distingue deux acceptions. 9 « The efficient markets theory asserts that all financial prices accurately reflect all public information at all times. In other words, financial assets are always priced correctly, given what is publicly known, at all times » (Shiller, 2000, 171). 10 « … in an efficient market at any point in time the actual price of a security will be a good estimate of its intrinsic value » (Fama, 1965). De même Fama (1976) définit l’efficience par le fait que la distribution de probabilité du prix anticipée par le marché est identique à la vraie loi de distribution du prix.

6

3 c’est la question des « anomalies », ce que Malkiel définit comme des « statistically significant predictable patterns in returns » (Malkiel, 71), qui est au centre des préoccupations comme, par exemple, ce qu’on appelle « l’effet Janvier » ou « l’effet taille ». Enfin, selon une troisième et dernière définition, il s’agit de savoir s’il est possible ou non de battre le marché. Comme l’écrit Malkiel : « financial markets are efficient because they do not allow investors to earn above-average risk adjusted returns » (60). Bien évidemment, ces trois interprétations sont étroitement liées. On peut montrer, sans trop de difficultés, que la première est la plus restrictive ; la seconde s’en déduit et la troisième se déduit de la seconde. Mais les relations inverses ne sont pas vérifiées. Ainsi peuton avoir (HEI3) sans avoir (HEI2). C’est d’ailleurs un point sur lequel la finance néoclassique contemporaine insiste avec force et qui va de pair avec le fait que c’est (HEI3) qui est aujourd’hui privilégié comme constituant la bonne approche de l’efficience. En effet, la finance néoclassique souligne qu’il ne suffit pas de repérer économétriquement des prédictibilités pour dire qu’il y a inefficience. Encore faut-il que ces prédictibilités soient d’une ampleur suffisante pour être exploitable compte tenu des coûts de transaction. Par exemple, Ross écrit : « [These anomalies] are generally small which is to say they do not involve many dollars in comparison with the size of the capital markets and are not scalable » (67). Ou Roll : « I have personally tried to invest money […] in every single anomaly […] And I have yet to make a nickel on any of these supposed market inefficiencies … a true market inefficiency ought to be an exploitable opportunity » (cité in Malkiel, 72). Bien qu’étant la plus faible des trois interprétations, tester (HEI3) reste cependant délicat puisque, pour être probants, ces tests supposent qu’on dispose d’un modèle robuste et convaincant du risque11. En l’absence d’un tel modèle, la tendance sera forte, pour les partisans de l’efficience, face à l’observation d’une situation de rendements anormaux, d’y voir simplement la conséquence d’une prise de risque excessive. C’est ce point que souligne Shleifer, lorsqu’il écrit que « [les partisans de l’efficience] sont rapides à suggérer un modèle de risque qui réduit les surprofits à n’être que la compensation équitable de la prise de risque12 » (6), ce qui veut dire qu’ils ne sont précisément plus des « surprofits » ! Notons également que (HEI2) n’entraîne nullement (HEI1). C’est là un point rarement reconnu par la finance néoclassique avec toute la force qu’il conviendrait13. Il est pourtant d’une importance capitale puisque, du point de vue de l’efficacité allocative, c’est bien la capacité du marché boursier à fournir au reste de l’économie les bons signaux (HEI1) qui constitue la propriété cardinale. Il revient à Burton Malkiel de reconnaître ce point14 en prenant l’exemple de la bulle Internet : « Markets can be efficient even if they sometimes make errors in valuation, as was certainly true during the 1999-early 2000 Internet bubble » (60). Il en comprend l’importance du point de vue de l’économie globale puisque cela signifie que du capital a été gaspillé. Il écrit : « The result was that too much new capital flowed to Internet and related telecommunications companies. Thus, the stock market may well have

C’est le fameux problème de l’hypothèse jointe mise en avant par Fama (1970). Ross écrit à propos de ce type de tests : « Any test would appear to depend sensitively on whether the

...

Télécharger au format  txt (50.2 Kb)   pdf (341.6 Kb)   docx (23.6 Kb)  
Voir 30 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com