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L'Imaginaire De La Ville Dans Les Romans Du Xixème Et Du Xxème Siècle

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ntrecoup dans son milieu ». Pour lui, la description devient fondamentale pour que le lecteur apprenne à mieux connaître les personnages dont le narrateur lui parle. Dans la plupart des descriptions de La Curée Zola construit des champs lexicaux qui renvoient directement et implicitement aux traits de caractère des personnages, comme dans celle de l’hôtel Béraud du Châtel. Effectivement, quand l’auteur nous décrit le cadre de vie de l’ancien magistrat, on trouve nombre de mots qui insistent sur la présence abondante de la « fonte », du « fer », des « étoffes rigides », la « rudesse des planches ». Tous ces éléments contribuent à donner à l’hôtel de l’île Saint Louis une « nudité austère » et « l’apparence d’un cloître ». Il semble évident que tout ce vocabulaire renvoie au père de Renée qui nous est présenté avant tout comme « sévère et froid ». Se faisant, Zola développe la fonctionnalité de la description puisqu’elle devient un indice des personnages par contiguïté. L’esthétique gidienne est toute différente, voire antithétique, puisque l’auteur des Faux-Monnayeurs refuse une description trop concrète des choses. Quand il transporte le lecteur à Saas-Fée, il ne donne que très peu d’informations sur le milieu dans lequel évoluent les personnages. Bernard écrit simplement à Olivier que « ce qu’il y a de meilleur [à Saas-Fée] (...), c’est l’air qu’on y respire », qu’il y voit des montagnes et surtout qu’Edouard « trouve le paysage déclamatoire ». Gide ne considère pas que les lieux où il place ses personnages sont fondamentaux pour mieux comprendre leur personnalité. Au contraire, quand Gide parle d’un paysage, c’est uniquement en vue de montrer quel sentiment il provoque chez son personnage.

Outre les méthodes de descriptions utilisées par les deux auteurs, La Curée et Les Faux-Monnayeurs ne décrivent absolument pas le même Paris. En effet les lieux principaux de que Zola s’attache à décrire sont tous situés à droite de la scène. Quand Aristide Rougon arrive de Plassans, il décide de s’installer avec Angèle rue Saint-Jacques mais son but est de pouvoir, comme son frère qui réside rue Penthièvre et comme Madame Sidonie domiciliée rue du Faubourg-Poisonnière, s’établir dans le Paris qui offre « la plus intéressant des spectacles », celui de la rive droite. Dans la suite de l’oeuvre on le voit donc vivre dans une franche camaraderie avec Renée et Maxime dans l’hôtel du Parc Monceau. Dans l’oeuvre, les protagonistes ne se déplacent donc que sur cette rive et les lieux les plus importants de l’oeuvre n’obligent que rarement les personnages à traverser la scène. Pour Zola, toute l’activité de Paris semble être concentrée entre le parc Monceau, les Tuileries où se déroulent les bals et la rue Le Peletier dans laquelle se dresse le café Riche. Si l’on peut affirmer que Zola ne se préoccupe que de la rive droite, on peut également assurer que Gide, lui, décide de faire évoluer ses personnages sur l’autre rive de Paris. Presque tous les acteurs des Faux-Monnayeurs sont en effet rassemblés sur la rive gauche de Paris : Passavant occupe la rue de Babylone, la famille Profitendieu habite rue T., la pension Vedel-Azïs se situe rue Vavin et les Molinier demeurent rue Notre-Dame des Champs. Une grande partie de l’action se déroule donc à Paris, autour du Jardin du Luxembourg et du VIème arrondissement, dont Gide démontre la centralité en faisant voyager ses personnages dans d’autres pays mais en ramenant toujours le noeud d’intrigue dans la capitale française. Mais Gide et Zola, même s’ils ne décrivent pas les mêmes quartiers, ont en commun d’excentré un de leurs personnages en ne le plaçant pas dans le même quartier que les autres.

On remarque en effet que dans La Curée et dans Les Faux-Monnayeurs des personnages dont le rôle est capital pour le roman n’habitent pas sur la même rive que les autres protagonistes. Dans La Curée, l’hôtel Béraud du Châtel, qui se situe sur l’île Saint Louis, apparaît comme un lieu excentré puisqu’il ne se trouve pas à proximité des habitations des autres personnages principaux. Le lecteur se méprendrait en pensant qu’il s’agit d’un simple lieu de passage. Au contraire, Zola confère à l’hôtel Béraud une importance toute particulière puisque ce ne peut être qu’à cet endroit que Renée retrouve des repères. C’est en effet dans ce lieu où vit son père que Renée peut échapper à sa vie « adorable et tapageuse ». La prédominance de ce lieu est aussi mise en valeur par les nombreuses descriptions que Zola lui accordent, avant tout pour le mettre en opposition avec le Paris de la rive droite, qui, comme nous le verrons par la suite, ne représente pas du tout les mêmes valeurs, mais des valeurs antagonistes. Dans Les Faux-Monnayeurs, l’éloignement d’Edouard à Passy, c’est-à-dire à l’ouest du VIème arrondissement, procède de la même intention. En effet, si Gide décide de ne pas placer ce personnage important pour le roman à proximité des autres, c’est parce qu’il n’adopte pas le même style de vie. Bien que Gide ne nous fasse aucune description de l’endroit où vit Edouard, la simple évocation du nom de Passy est très significative d’une part parce qu’Edouard est le personnage des Faux-Monnayeurs qui permet de relier toutes les intrigues entre elles mais d’autre part parce que l’auteur peut ainsi mettre en valeur le fait qu’Edouard vive en dehors de tout système familial, à la différence des adolescents qui essayent de s’en libérer. Il apparaît donc clairement que les intentions de Gide et de Zola sont les mêmes. Il s’agit pour eux de faire apparaître une réelle opposition entre les personnages excentrés et les personnages qui vivent dans le Paris qui occupe le reste du roman. Ainsi, nous observerons comment monsieur Béraud du Châtel s’oppose à la décadence de la rive droite de Paris et comment Edouard échappe au système familial, élément fondateur de la bourgeoisie bien pensante de la rive gauche.

Ce dernier point commun entre les deux auteurs les rapproche donc, même s’ils n’utilisent pas les mêmes techniques de descriptions et si le Paris qu’ils décrivent n’est absolument pas le même. Mais ce Paris, qui semble tant choyé par Zola et par Gide, n’est non seulement pas le même au niveau des quartiers, mais il est également totalement différent dans ce qu’il représente.

Outre la description et les quartiers qui sont décrits, d’autres éléments sont totalement différents chez Gide et chez Zola, comme l’époque dans laquelle se situe l’action et la population qui habite les Paris décrits. Mais, une fois de plus, Gide et Zola se rejoignent sur un point, c’est que leur intention à tous deux est de caractériser la société en dévoilant et en analysant les relations familiales entre les personnages.

Zola décrit la rive droite et Gide la rive gauche. En plus de cette différence déjà fondamentale, on peut observer que les époques auxquelles se déroulent les deux romans ne sont pas les mêmes. Cet écart dans le temps que l’on peut observer chez les deux auteurs n’est pas un fait anodin parce qu’il détermine qu’elle est l’atmosphère dans laquelle se déroulent les actions de La Curée et des Faux-Monnayeurs. L’action de La Curée débute en octobre 1862, alors que la ville est occupée par les « grandes démolitions » que représentent les travaux Haussmanniens. Tout au long du roman, mais avec une plus significative insistance vers la fin de l’action, Zola nous dépeint un Paris encore en reconstruction. C’est ce que le lecteur peut constater lors de la visite de Saccard et des quatre hommes qui l’accompagnent sur le chantier de « la trouée de démolition que creusait le futur boulevard du Prince-Eugène ». Dans ce passage de La Curée, on peut même affirmer que c’est un Paris violé qui nous est présenté, un Paris dont les démolitions montrent au grand jour les « petites maisons », lieu de débauche sous Louis XV, et qui dévoilent même l’intérieur de l’ancienne maison du rémouleur. A ce Paris, tout agité par l’effervescence que provoquent les travaux d’Haussmann, s’oppose le Paris beaucoup plus came qu’est celui des Faux-Monnayeurs. Gide préfère en effet faire évoluer ses personnages dans le Paris d’après-guerre. Ainsi, même si les descriptions de l’espace sont pratiquement inexistantes, on peut tout de même observer un Paris à peine reconstruit, qui a pansé ses plaies et retrouve à nouveau la tranquillité.

Si Gide et Zola ne situent pas les actions durant la même époque, ils s’attachent cependant à décrire les mêmes classes sociales. A la tranquillité de la rive gauche, Gide associe une classe sociale aisée. Les métiers exercés par les pères de famille nous le montrent clairement : Monsieur Profitendieu est ironiquement désigné par Bernard comme n’étant que « Monsieur le juge » ; Monsieur Molinier, quant à lui, est président de chambre. Leur implication dans cette société bourgeoise est également dénoncée par leur seule préoccupation lors de « l’abominable scandale » des orgies qui occupe le début du deuxième chapitre de l’oeuvre : ne pas compromettre « de très honorable famille ». Le comte Robert de Passavant étale son faste dans son hôtel rue de Babylone. Vincent, pour s’y rendre au début du quatrième chapitre, emprunte la rue du Bac « où quelques bourgeois attardés circulent encore ». Edouard habite à Passy, la région Ouest de Paris où se déplacent les

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