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La Conservation Des Ruines En Milieu Urbain

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te intervention (effets spatiaux et

symboliques), même si bien entendu ces deux distinctions sont plus subtiles et complexes.

Pour étudier ces dynamiques, nous avons choisi un exemple italien. En effet, l’Italie est

un terrain d’études intéressant dans cette perspective. Le pays dépense, depuis trente ans,

entre 1 et 2,5 milliards d’euros par an pour réparer les dommages causés par les tremblements

de terre3... Nous étudierons plus précisément l’exemple de Gémone4, petite ville de 11 000

habitants située au nord-est de l’Italie, où ont eu lieu en 1976 des tremblements de terre

catastrophiques.

I – Les transformations de l’espace urbain gémonais après la catastrophe de 1976

Le contexte sismique de Gémone

L’histoire sismique du Frioul est consistante. L’historien Francesco Durante5 parle de

plus de 2000 secousses enregistrées et documentées. Des séismes extrêmement violents eurent

lieu en 1116, 1348 et 1511. Au vingtième siècle, on dénombre une quinzaine de secousses

d’intensité supérieure à IV. Cette histoire mouvementée est due à la situation tectonique

particulière de la région.

Rappelons que toute la péninsule italienne est à cheval sur deux plaques tectoniques. La

plaque africaine avance vers le nord au rythme de 0,7 cm par an en moyenne, tandis que la

plaque eurasiatique a un mouvement orienté vers l’est. La collision des deux plaques a donné

naissance aux deux principales chaînes de montagne qui caractérisent les paysages italiens :

les Apennins et les Alpes. Les séismes naissent le long de nombreuses failles liées à ces

mouvements. L’adriatique correspond à une proéminence, en forme de doigt, de la plaque

africaine dans la plaque eurasiatique ; le Frioul se trouve à l’extrémité nord de cette « saillie ».

La région du Frioul est donc soumise à d’intenses mouvements tectoniques, et elle est

cisaillée par un grand nombre de failles, de direction générale est-ouest. Parmi celles-ci, l’une

des plus significatives est la faille dite périadriatique, qui sépare la zone montagneuse alpine

et le Frioul collinaire, et qui passe légèrement au sud de Gémone.

Gémone est une ville de piémont accrochée à des pentes meubles, sur le substratum

essentiellement calcaire (dolomies) des Préalpes Juliennes. Le centre urbain est situé sur un

cône de déjection au pied du Mont Chiampon (1710 mètres), à la limite des Préalpes Juliennes

et au bord de l’ample amphithéâtre morainique formé par l’ancien glacier du Tagliamento.

Dans toute la plaine du Tagliamento, les roches sont donc d’origine glaciaire et fluviale, le sol

est moins homogène et moins cohérent (marnes, sables, graviers). Les dégâts causés par la

catastrophe de 1976 ont été majeurs dans ces régions où le sol est moins stable. C’est ce

Frioul central qui a été le plus durement touché par les séismes de 1976.

Le séisme du 6 mai 1976, de magnitude 6,4 sur l’échelle de Richter et d’intensité X6,

causa des dégâts considérables et fit près de mille victimes dans une région couvrant

3500 km². D’autres secousses, en septembre de la même année, amplifièrent les dommages.

Dans la seule ville de Gémone, la catastrophe fit 396 victimes. La ville, détruite à 70 %, est

couramment appelée, depuis la catastrophe, la « capitale » du séisme de 1976.

Les choix de la reconstruction : la volonté de retrouver le visage antérieur de la ville

Lorsqu’une ville est dévastée par un tremblement de terre de très forte intensité, la

population et les autorités se trouvent confrontées à divers choix plus ou moins dramatiques.

Notamment, il faut reloger au plus vite la population, tout en assurant sa sécurité, à court

terme (éviter les dégâts supplémentaires causés par d’éventuelles répliques sismiques) et à

long terme (reconstruire en suivant des procédures et en fonction de normes parasismiques en

prévision de futurs séismes). Il faut aussi éviter que la catastrophe ne soit aussi une ruptureidentitaire trop violente ; souvent les habitants souhaitent retrouver leur maison et leur vie

d’avant, comme pour minimiser la catastrophe. La préservation de l’identité est, avec la

sécurité, l’une des premières préoccupations des populations locales et des autorités après une

catastrophe sismique.

Les choix des modalités de la reconstruction sont donc fondamentaux. Historiquement,

certaines villes détruites ont été reconstruites ailleurs, à quelques kilomètres du site originel,

ou ont été simplement abandonnées ; mais souvent, la reconstruction a lieu sur le même site,

ou juste à côté, et parfois même on opte pour une reconstruction à l’exact identique tant sur le

plan de l’urbanisme que sur celui de l’architecture.

Nous verrons ici que parfois on peut conserver les ruines ; c’est-à-dire ne pas

reconstruire, mais aussi ne pas évacuer, ne pas démolir les ruines, les conserver comme traces,

comme message : ce qui leur confère un sens particulier, mémoriel, et un sens urbain

également.

Dans le Frioul, après 1976, la reconstruction a été considérée par beaucoup comme un

modèle, grâce à l’utilisation rapide et efficace des aides et des financements7. Les choix des

modalités ont varié d’une commune à l’autre, mais la quasi-totalité des villes détruites ont été

reconstruites sur leur site originel.

Cela a été le cas de Gémone, reconstruite sur le même site. Le centre historique a même

été reconstruit en reprenant tel quel le tracé des rues et des places8 ; l’ensemble de ce centre a

été reconstruit dans un esprit d’homogénéité, avec un style architectural particulier qui

rappelle l’ancien paysage urbain détruit en 1976. Un certain nombre de bâtiments

patrimoniaux ont été reconstruits à l’identique, avec les mêmes matériaux (par anastylose),

comme la cathédrale, l’église Saint Rocco, les hôtels particuliers de la rue Bini. Un autre

bâtiment monumental, une église, a été conservé… mais en ruines, nous le verrons.

Toutefois, des transformations spatiales et fonctionnelles significatives

En réalité, la reconstruction de Gémone a été effectuée en fonction de deux zonages

extrêmes : dans le programme, mis en oeuvre par la suite, de l’architecte Giovanni Pietro

Nimis9, une zone à conservation maximale (quelques hectares du centre historique) s’opposait

à une zone à transformation maximale. Cette transformation a eu lieu à la fois à l’échelle des

édifices et à celle de la ville entière. A l’échelle des édifices, Gémone a été reconstruite en

fonction de normes parasismiques mais aussi en tenant compte de nouveaux standards

d’hygiène et de confort. En ce sens, le séisme a constitué une occasion, dont ont profité

architectes, urbanistes, institutions, et citadins, pour moderniser la vie quotidienne des

habitants. A l’échelle de la ville entière, la forme urbaine a changé suite à l’extension de

l’habitat vers la plaine. L’organisation spatiale a été bouleversée suite au séisme, parce que la

ville

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