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Les Genres Littéraires

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i de cours de méthodologie, les libraires classent en général les textes littéraires contemporains en différents rayons, tels que roman, poésie, théâtre. Il s'agit là d'un système des genres rudimentaire et dont on devine qu'il est assez approximatif. En fouillant dans le rayon roman on risque fort d'y trouver des récits non fictifs comme le témoignage de Robert Antelme sur les camps de la mort, L'Espèce humaine.

On a d'ailleurs souvent l'impression que ce classement est inopérant pour les textes modernes: où ranger, par exemple, Plume d'Henri Michaux, qui a été publié dans la collectionPoésie/Gallimard mais qui comporte des narrations fictives comme celle qui donne son nom au recueil (Plume est en effet un personnage de fiction type)? Où ranger les textes de Samuel Beckett comme Malone meurt où l'action se réduit à rien et où une voix parle tout du long au présent dans ce qui pourrait aussi bien constituer un monologue théâtral? Est-ce qu'il faut en conclure que la littérature moderne est rebelle aux genres? Que c'est une question dépassée qui ne concerne que la littérature classique? Nous essaierons de répondre à ces questions.

I.1. Un genre est une convention discursive

Commençons par remarquer que si la notion de genre est floue, c'est qu'elle s'applique à des réalités littéraires très différentes, dont nous sentons qu'elles ne sont pas de même échelle.

Ainsi, on peut dire qu'un sonnet, qu'un roman d'apprentissage, ou que la poésie lyrique sont des genres. Mais évidemment on fait allusion dans ces différents cas à des propriétés textuelles très différentes.

Le sonnet est une forme fixe dont les caractéristiques métriques sont strictement codifiées. En revanche son contenu est assez indifférent à son genre. C'est exactement le contraire pour le roman d'apprentissage, qui ne constitue un genre que par son contenu vague (impliquant un héros ou une héroïne jeune et inexpérimentée qui fait l'expérience de l'existence sociale, affective ou esthétique, à travers un certain nombre d'épreuves (comme dans Les Illusions perdues de Balzac, ou L'Education sentimentale de Flaubert). Mais ces romans d'apprentissage peuvent être très différents par la longueur, par la forme, par le type de narration. Enfin, lorsqu'on parle de la poésie lyrique, on réfère en général à la fois à une forme d'énonciation à la première personne (critère qui n'apparaît pas du tout dans le sonnet ou le roman d'apprentissage) et à certains types de contenus (l'épanchement de la sensibilité).

Il y a cependant un point commun à tous ces usages du mot genre: dans tous les cas nous avons affaire à une convention discursive. Dans son livre, Qu'est-ce qu'un genre littéraire?, Jean-Marie Schaeffer a proposé de distinguer divers types de conventions discursives; il y aurait selon lui des conventions constituantes, des conventions régulatrices et des conventions traditionnelles.

I.1.1. Les conventions constituantes

Les conventions constituantes, selon Schaeffer, ont pour caractéristique d'instituer l'activité qu'elles règlent. C'est-à-dire que tout à la fois elles instaurent la communication et elles lui donnent une forme spécifique.

Tel est le cas, selon Schaeffer, des conventions discursives qui portent sur un ou plusieurs aspects de l'acte communicationnel impliqué par le texte.

Toutes sortes d'aspects de l'acte communicationnel peuvent entrer dans la définition d'un genre.

Il peut s'agir du statut énonciatif du texte. L'énonciateur par exemple peut être fictif ou non. Et cela suffira à opposer un roman à la 1ère personne comme L'Etranger de Camus d'un témoignage. C'est aussi ce critère qui nous permet de classer La Recherche du temps perdu dans les romans et non dans les autobiographies.

De même les modalités d'énonciation peuvent entrer dans la définition du genre. On le verra, l'une des premières classifications génériques de l'Antiquité oppose des textes où l'on raconte des paroles ou des actions (diégèsis) et des textes où l'on fait parler au style direct des personnages (mimèsis). Et cette opposition permet globalement d'opposer le genre théâtral au genre narratif.

L'acte illocutoire impliqué par un texte (celui qu'on accomplit en parlant) peut aussi être constitutif d'un genre. On distingue des genres par les types d'actes illocutoires qu'ils impliquent. On peut ainsi opposer des actes expressifs (centrés sur l'expression des émotions du sujet comme dans la poésie lyrique – ainsi les Méditations de Lamartine), des actes persuasifs (comme dans le sermon et le discours apologétique en général comme les Pensées de Pascal) et des actes assertifs (affirmant fictivement ou non l'existence d'états de faits, comme dans le roman réaliste à la Zola, le témoignage ou le compte-rendu).

Enfin des genres peuvent être distingués par leurs visées perlocutoires (les effets attendus de la parole). Une comédie se donne pour visée explicite de produire chez le destinataire un effet d'amusement. Chez Aristote, la tragédie a pour finalité la catharsis, c'est-à-dire la purgation des passions.

I.1.2. Les conventions régulatrices

Les conventions régulatrices sont différentes en ce qu'elles ajoutent des règles à une forme de communication préexistante. Elles ne découlent pas de l'acte communicationnel institué par le discours mais de certaines particularités de la forme du discours qui viennent se surimposer à cet acte communicationnel.

Ainsi un sonnet peut être, sur le plan de l'acte communicationnel, une énonciation lyrique en première personne. Mais à cette forme de communication s'ajoutent des contraintes spécifiques qui viennent en régler la forme.

Il s'agit en l'occurrence de contraintes métriques, qui organisent le poème selon un nombre de vers déterminé (14), organisés en deux quatrains à rimes embrassées et deux tercets dont les schémas de rimes sont d'un caractère plus variable.

Il peut s'agir aussi de contraintes phonologiques comme dans les jeux de l'Oulipo. Ainsi le roman de Georges Perec, La Disparition, est tout entier écrit sur le principe d'un lipogramme (c'est-à-dire d'un texte qui évite systématiquement une lettre – ici le e).

Il peut s'agir de contraintes stylistiques. Ainsi l'opposition entre style élevé et style bas entre dans la distinction générique entre tragédie et comédie.

Il peut s'agir de contraintes de contenu. Ainsi la tragédie selon Aristote doit se conformer à une certaine structure actionnelle: elle doit comporter par exemple un moment de péripétie qui retourne une situation et inverse les effets de l'action [II, 52a22]. De même à l'âge classique, la règle dite des trois unités (de temps, de lieu et d'action), définit de façon contraignante la forme de la tragédie.

I.1.3. Les conventions traditionnelles

Les conventions traditionnelles sont des contraintes discursives beaucoup plus lâches. Elles portent sur le contenu sémantique du discours.

Aristote oppose ainsi comédie et tragédie par des critères thématiques: la comédie est la représentation d'hommes bas et le comique est défini par lui comme un défaut ou une laideur qui ne causent ni douleur ni destruction [49a32].

D'autres genres se définissent essentiellement par le contenu: par exemple l'épigramme (courte pièce de vers à contenu satirique), l'idylle (étymologiquement eidullion, petit tableau représentant une scène pastorale), la fable, le récit de voyage, le roman de science-fiction, le journal intime, etc.

Les conventions traditionnelles réfèrent aussi un texte actuel à des textes antérieurs, proposés comme des modèles reproductibles dont elles s'inspirent librement. Ainsi les Bucoliques de Virgile sont à l'origine d'un genre qui chante les charmes de la vie champêtre.

Ces conventions n'ont pas cependant une valeur de prescription aussi forte que les précédentes. Ainsi, le roman de chevalerie ou le roman d'apprentissage relèvent des conventions traditionnelles. Mais l'inscription dans ce genre ne nécessite pas que tous les traits des modèles antérieurs soient reconduits. Il suffit qu'il y ait du texte au modèle un air de famille.

I.2. Multiplicité des conventions discursives dans une œuvre donnée

Une œuvre particulière participe donc la plupart du temps de plusieurs types de conventions discursives simultanées, et entre donc dans plusieurs classes génériques de différents niveaux.

Par exemple, Les Regrets de Du Bellay, relèvent à la fois du genre lyrique du point de vue des conventions constituantes (énonciation en 1ère personne et contenu affectif), du sonnet du point de vue des conventions régulatrices (formes réglées des poèmes en deux quatrains et deux tercets), et du genre élégiaque du point de vue des conventions traditionnelles (leur contenu relève de la plainte et de la déploration selon une tradition qui remonte au moins au poète latin Ovide).

Autre exemple: la tragédie repose à la fois, comme on l'a vu, sur des conventions constituantes

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