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La satire sociale de la bruyère

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II) du chapitre intitulé « Du mérite personnel »).

B. Une esthétique de l'ironie

Cet art de décrire est aussi un art d'écrire, qui a recours à plusieurs tours d'esprit. La Bruyère dresse le portrait de personnages abhorrés, en jouant sur la nuance des mots rapprochés ou opposés.......Il se livre à de piquantes symétries... à des rapprochements de mots. Entre Gnathon et glouton, par exemple (figure de la paronomase). Glouton est issu du latin gluttus (le gosier), sans doute formé à partir d'une onomatopée (glut, à rapprocher de glouglou ou engloutir). Glouton a le sens de goinfre bien sûr, mais aussi, dès le XII° siècle, de traître, de canaille.

Son désir est de faire voir, mêlant le pittoresque à la brièveté du récit. Le métaphorisme est souvent affecté ce qui est une trace de la préciosité pure (gloutonnerie, comparaisons animalisantes, animalisations – Gnathon nous est présenté comme un animal nuisible) Il sous-entend, par exemple, que la conscience de Gnathon est tout aussi sale que sa propre chemise. Mais l'auteur affiche aussi une prédilection pour les tours rapides et familiers de la conversation. Il interpelle un interlocuteur imaginaire, sur un ton ironique...

L'égoïsme de Gnathon (personnage narcissique et donc possessif) est souligné par la récurrence des pronomes personnels (« il ») et des possessifs (pronoms, adjectifs ou déterminants « son » , « ses »... voir « il se rend maître... », « fait son propre », « se conserver », « son usage », « à son égard »)

L'art du portraitiste consiste à feindre la fausse naïveté, le bon sens rempli de malignité.

Rôle du sous-entendu : la goinfrerie de Gnathon (manducation, déglutition, hystérie mandibulaire) symbolise hyperboliquement l'hypertrophie du moi (le gonflement de la personne, le culte du moi, l'orgueil démesuré comme une faim jamais rassasiée)

Enfin, par son goût des sentences sans appel, La Bruyère fait preuve d'une rosserie pénétrante. La parole est expressive, elle utilise tous les procédés ou modalités de l'expressivité. L'auteur éprouve un évident bonheur d'écriture (genre épidictique). Il démontre un don à rendre en quelques mots l'esprit de toute une époque. Ce portrait est une déclamation contre la sottise et surtout l'égoïsme humain. Même si l'auteur, reprenant Erasme, s'en défend : « admonere voluimus, non mordere » (j'ai voulu mettre en garde et non mordre).

Même la grammaire s'en mêle : « Gnathon ne vit que pour soi ». Le complément du verbe « vivre » introduit par la conjonction QUE implique une restriction (proposition subordonnée circonstancielle de restriction – les propositions restrictives sont généralement introduites par « excepté que », « sauf que », « hormis que », « si ce n'est que », « sinon que ». Cette restrictive du point de vue grammatical redouble l'idée exprimée : le monde, l'univers de Gnathon se restreint (se recroqueville sur) à sa propre personne (hypertrophie du moi vs atrophie de l'environnement social et de la géographie affective de l'égoïste)

Trait ironique final : la pointe (in cauda venenum, les propos les plus acides viennent à la fin du texte, comme un coup de fouet ou un coup de grâce)

en guise d'introduction :

le portrait fait partie d'un courant mondain, on prend plaisir à dénoncer les petitesses de l'existence , ici, l'egotisme, cette disposition maladive à ne parler que de soi, à se complaire dans des appréciations personnelles, subjectives, sur sa personne physique ...

dans un autre chapitre intitulé « De l'homme », La Bruyère affirme que l'homme est nécessairement et constamment mauvais : « Ne nous emportons point contre les hommes en voyant leur dureté, leur ingratitude, leur injustice... Ils sont ainsi faits, c'est leur nature, c'est ne pouvoir supporter que la pierre tombe ou que le feu s'élève ».

en guise de conclusion :

Jean de La Buyère exprime non seulement une morale mais aussi une philosophie plutôt pessimiste. Ou réaliste. Dès l'entame de son œuvre, il précise : « Je rends au public ce qu'il m'a prêté ; j'ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage (...) Il peut regarder avec loisir ce portrait que j'ai fait de lui d'après nature ». Les remarques de La Bruyère sont comme des fragments, qui rappellent les ibis empaillés des cabinets de curiosités.

Le classicisme est à la recherche, bien souvent, d'un difficile équilibre, il examine les moyens de la connaissance (apologie de la raison) et les exigences morales requises pour un art de vivre (fables de La Fontaine). La Bruyère force son style sublime pour mieux détailler le sordide, dénoncer le manque d'humanité, de savoir-vivre en société.

On peut définir l'écriture de notre portraitiste comme une littérature du regard, un regard qui ne parvient pas à se détacher du modèle observé et qui exhibe la tension entre le « je » (la fiction, le délire de Gnathon, une vie de mondanités, un monde

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