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Guillaume Apollinaire - Marie (Commentaire composé)

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ux vous aimer", v. 9) ; il ne s'engage pas à fond ("mais vous aimer à peine", v. 9); il se savoure comme une friandise ("Et mon mal est délicieux", v. 10).

La troisième et la quatrième strophe marquent l'incertitude : celle du protagoniste (le jeune homme qui dit «je») sur ses propres sentiments (« (...) que n'ai-je / Un coeur à moi ce coeur changeant / Changeant », v. 13-15) ; incertitude aussi à l'égard de la jeune femme («Sais-je où s'en iront tes cheveux / Et tes mains», v. 18-19) ; incertitude enfin quant au devenir des «aveux» (v. 20) d'amour qui. telles les feuilles mortes, «jonchent» (v. 20) 'l'automne.

Enfin, la cinquième strophe exprime la peine du jeune homme: «Le fleuve est pareil à ma peine / Il s'écoule et ne tarit pas» (v. 23-24) et son impatience devant l'absence de la jeune femme : Quand donc finira la semaine» (v. 25).

· Une composition en boucle fermée

Ce poème commence donc par la fin de l'histoire qu'il évoque ; puis il en retrace chronologiquement les étapes, depuis la naissance de l'amour jusqu'à la divergence des sentiments dans le couple : la femme s'en va, l'homme la regrette. Ainsi, l'interrogation qui clôt la première strophe : "Quand donc reviendrez-vous Marie" v. 5), fait logiquement suite à celle sur laquelle s'achève le poème: " Quand donc finira la semaine" (v. 25).

On est alors en droit de parler de composition en boucle fermée ou circularité : c'est un schéma fréquent de l'écriture apollinienne, celui par lequel le début d'une oeuvre s'articule, logiquement et chronologiquement. à son dénouement.

2) La temporalité : passage et pérennité

· Passage du temps, passage des sentiments

Dès ses deux premiers vers :

Vous y dansiez petite fille

Y danserez-vous mère grand

le poème s'inscrit dans le temps, c'est-à-dire dans un mouvement irréversible où tout passe. Apollinaire y évoque deux moments éloignés de la vie de Marie, son passé de " petite fille", son avenir lointain de «mère grand» (= grand mère). L'interrogation dans la reprise du verbe («Vous y dansiez, «Y danserez-vous»), marque dès le début l'incertitude, donc la fragilité caractérisant les entreprises et les projets humains.

La strophe 2, qui évoque un moment de parfait bonheur, est située, exceptionnellement, hors du temps, ce qui est

significatif. Le poète fait revivre sous nos yeux le bal masqué et l'aveu qui appartiennent en fait au passé. L'emploi du présent accentue l'aspect intemporel de la scène, en l'absence de toute image suggérant le passage.

Au contraire, dès la strophe 3, les deux cortèges - « Les brebis s'en vont dans la neige» (v. 11), «Des soldats passent» (v. 13) - évoquent, de manière figurative, le lent cheminement qui altère les sentiments et mène l'être humain vers sa vieillesse.

De même, la double interrogation de la strophe 4 exprime le passage de l'amour et la divergence du chemin des amants :

Sais-je où s'en iront tes cheveux

Et tes mains feuilles de l'automne

Que jonchent aussi nos aveux (V 18-20).

Ces vers s'inscrivent dans le cycle immuable des saisons, fondé sur le passage. L'automne y est associé implicitement.

· Pérennité de la peine

En revanche, la dernière strophe qui explicite le passage: « Je passais au bord de la Seine» (v. 21). exprime l'idée plus complexe.. C'est celle de la pérennité des sentiments, de la peine en particulier qui, paradoxalement. passe et demeure entière: "Le fleuve est pareil à ma peine / Il s'écoule et ne tarit pas" (v. 23-24).

Ce concept apparaît comme une hyperbole (= une exagération expressive) de celui de la permanence que l'on

trouve dans « Le Pont Mirabeau» et dans « Mai. Dans un autre poème, Apollinaire. pour exprimer la pérennité de la peine, a recours à l'image des Danades : selon la mythologie gréco-latine, ces jeunes femmes, condamnées à verser de l'eau dans un tonneau sans fond, expient pour l'éternité le meurtre de leurs époux

Ici, comme à la strophe 4 à propos de l'automne. Apollinaire inscrit le destin de l'amant (sa peine sans fin) (dans un

ordre universel et naturel (le cours du fleuve intarissable).

3) L'art d'Apollinaire

· L'interpénétration de l'histoire individuelle et de l'histoire du monde

Nous avons vu comment Apollinaire inscrit son histoire d'amour dans le cycle des saisons et rattache son destin

d'amant à l'ordre universel de la nature. Inversement, nous allons étudier comment il enrichit l'univers relativement limité de la poésie élégiaque. en y faisant entier le monde entier.

Il introduit d'abord la nature dans ce poème. Elle est représentée par les saisons (l'hiver : "la neige", v. 17 ; "l'automne», v. 19) et par les forces naturelles (la " mer", v. 17 ; "Le fleuve", v. 23).

Il y introduit ensuite la culture. C'est d'abord la culture populaire avec "la maclotte" (v. 3) qui est une danse populaire belge, puis avec "Les masques" et "la musique" du bal masqué (v. 6-7), issus de la tradition du carnaval. C'est ensuite une culture plus savante avec le "livre ancien" du vers 22. Simultanément. "la maclotte" puis "la Seine" (v. 21) connotent des lieux de culture: la Belgique, Paris.

· Les images

Les images sont une autre façon d'enrichir l'élégie. Considérons d'abord la double métaphore des vers 11-12 :

Les brebis s'en vont dans la neige

Flocons de laine et ceux d'argent

Apollinaire y part d'une impression visuelle : celle du blanc ("Les brebis") sur du blanc ("la neige"). Dès lors, il englobe dans un même syntagme ("Flocons de [...] et ceux d[e] [...]") la laine et la neige. L'expression '"Flocons de laine" est une métaphore, puisque Flocons y fait image, suggérant la ressemblance de la laine à la neige (les brebis sont implicitement comparées à des flocons). En revanche. quand il évoque la neige, Apollinaire emploie le terme approprié "Flocons", relayé par "et ceux" ; c'est la substitution d'"argent" à "neige" qui crée la métaphore, selon une association que l'on retrouve aussi dans "La Chanson du Mal-Aime".

Aux vers 16-17. la comparaison :

[...] tes cheveux

Crépus comme mer qui moutonne

dérive d'une analogie: les très petites ondulations des cheveux («crépus») font penser aux ondulations de la mer se couvrant de vagues écumeuses ou "moutons". Par ailleurs, le cliché "mer qui moutonne", se trouve renouvelé par la proximité des «brebis» du vers 11. Celles-ci étaient associées à un thème du passage des sentiments, comme le sont ici les cheveux comparés à la "mer qui moutonne".

· La musicalité

La musicalité apparaît dans le rythme, les allitérations et le débordement de la phrase sur

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