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’établir une comparaison des phénomènes sociaux (en l’occurrence les organisations) qui permet d’élargir le champ de la comparaison et « d’affiner l’analyse des spécificités de chacun des termes considérés »[3]. En revanche, seule une analyse au niveau micro ne nous permettra pas d’établir une relation de comparabilité entre deux phénomènes. Il est donc nécessaire de se positionner sur l’articulation entre les niveaux macro\micro, qui constituent un concept relationnel.

1. La production des noms communs et des variables systémiques : la dimension macro-sociologique

La comparabilité des phénomènes dépend également de l’expression des noms communs et des variables. Nous allons essayer, ici, de sortir les problèmes de leurs contextes d’origine (que ce soit historique ou autres). En revanche, nous allons intégrer les éléments des particularité et du contexte dans des variables systémiques.

1.1 Les noms communs et les concepts clés

1.1.1- L’étaticité et l’hégémonie

Les deux systèmes politiques sont marqués par une forte présence de la tradition d’Etat et de la méfiance de l’Etat par rapport à la représentation des intérêts privés.

§ En ce qui concerne la France, il est important d’aborder les bases philosophiques de la construction du modèle républicain, centralisé, dans lequel l’Etat apparaît comme le défenseur et le producteur ultime de « l’intérêt général ». La conviction rousseauienne y est fortement présente : les intérêts particuliers que représentent les groupes mettraient en danger l’intérêt national. La relation entre les groupes d’intérêt et l’Etat devrait donc se structurer autour de cette primauté de l’Etat comme pourvoyeur de l’intérêt général[4].

§ En ce qui concerne la Turquie, l’analyse se focalise sur la « Tradition d’Etat » qui s’inscrit, selon Heper, dans la culture politique turque. D’autre part, l’« importation » du modèle français de l’Etat est un élément essentiel de similitudes. Mais, l’Etat n’apparaît pas comme une forme d’organisation sociale, mais comme un système normatif, comme une sorte de bien commun, qui prescrit les conduites de vie et de pensée occidentales. L’Etat apparaît donc le pourvoyeur de « right reason »[5] et de l’intérêt public.

Pour analyser ces deux cas nous pouvons d’abord mobiliser le concept d’« étaticité », (stateness). Les systèmes politiques imprégnés par un plus grand niveau d’étaticité sont défavorables au modèle pluraliste, dans lequel les acteurs privés . Le mode dominante de médiation entre les intérêts sociaux et les décisions publiques n’est ni le pluralisme, ni le néo-corporatisme. Les travaux sur les groupes d’intérêt turcs et français ont chacun démontré cette réalité. D’ailleurs, l’instrumentalisation du concept d’étaticité nous permet non seulement de comparer les relations entre les groupes d’intérêt et les décideurs mais aussi la structure organisationnelle et les modalités d’action des groupes d’intérêts. L’analyse se focalisera donc d’abord sur l’Etat comme variable conceptuel. Selon Nettl, le déterminant le plus important du degré d’étaticité est l’autonomie de l’Etat : cette autonomie fait de l’Etat, « un secteur et une arène de la société, au sens fonctionnel du terme. [… ] ». « Un Etat relativement autonome tend à proliférer des institutions spécifiques, tant pour l’accomplissement de ses taches fonctionnelles au sein de la société que pour la reproduction des impératifs fonctionnels au sein même de son secteur autonome- tel que les commissions spécifiques, les cours administratives, les offices de coordination… ».[6] Ainsi, le mécanisme de prise de décision peut se relever relativement plus complexe et centré vers le pouvoir exécutif, dans les pays où l’étaticité est plus marquante (contrairement aux pays anglo-saxons par exemple). Cela peut se relever tantôt comme un avantage, tantôt comme un inconvénient pour l’action des groupes d’intérêt, comme nous allons le voir plus loin.

L’étaticité, ainsi définie et distinguée de la notion de la « Tradition d’Etat » -qui risque d’avoir une connotation culturaliste-, apparaît comme un élément de similitude dans deux pays. En revanche, la nature de cette étaticité, c’est-à-dire le processus de structuration de « l’Etat fort » diffère entre la France et la Turquie. Ainsi, la question ici n’est pas de savoir quel Etat est plus fort, mais quelle relation entre la société civile et l’Etat, c’est-à-dire quelle forme d’étaticité a favorisé quelle forme organisationnelle au sein du patronat.

Le processus d’autonomisation de l’Etat français va de pair avec ce qu’on appelle la construction de l’Etat moderne, telle qu’elle est développée par Norbert Elias[7]. Le poids de la bureaucratie dans le modèle français d’étaticité a fait l’objet d’autres recherches intéressantes[8]. En revanche, même si la notion d’intérêt général est très dominant dans le système français, l’organisation des intérêts des différents catégories sociales n’est pas remise en cause aujourd’hui par la loi et peut introduire différents types de mécanisme de décision[9]. D’autre part, les luttes des classes qui ont marqué l’histoire sociale de la France après la construction de l’Etat moderne ont façonné les répertoires d’action et influencé les motivations derrière l’action collective. Ainsi, selon certains auteurs, l’action de la CNPF (Conseil National du Patronat Français) et puis la réforme institutionnelle qui l’a transformé en MEDEF sont moins des résultats d’un travail de défense des intérêts communs du patronat, que des réactions contre le mouvement ouvrier et à l’interventionnisme[10]. (N’est-ce pas là, une vraie « cause » pour le mouvement patronal, donc un intérêt commun en jeu, si l’on considère que, de toute manière, il n’existe pas un intérêt économique commun « comme construit »). En revanche, la pénétration des groupes d’intérêt dans les milieux décisionnels nationaux ont créé une tension entre les élites politiques et les groupes d’intérêt, ce qui fait que les premiers veulent toujours garder leur emprise sur le mécanisme de prise de décision face aux derniers, tandis que ces derniers ont parfois rejeté les normes imposées par le centre au profit de leurs indépendances[11]. Si, en France, la liberté d’association est assise, depuis longtemps, sur une législation beaucoup plus subtile qu’en Turquie, « l’Etat moderne a tenté de domestiquer le potentiel perturbateur de [cette] liberté […] par l’institutionnalisation de ses relations avec les organisations sociales »[12], comme nous allons le voir plus loin.

En Turquie, au contraire, un différent type d’étaticité est dominant. Ici, ce n’est pas la spécialisation des fonctions étatiques, la dépersonnalisation du pouvoir bureaucratique qui ont déterminé les comportements des acteurs. A l’inverse, la prédominance –non pas dans la société mais dans l’appareil étatique- des valeurs et des normes des élites militaro-civiles modernisatrices, dont le pouvoir est fondé sur l’idéologie fondatrice et les intérêts politiques des élus ont créé des tensions qui s’accroient d’autant plus que ces derniers font recours aux stratégies populistes. Du point de vue de notre analyse, il faut retenir que c’est en grande partie à cause de cette tension que la plupart des partis arrivant au pouvoir ont tenté de monopoliser le pouvoir et se sont imposés comme des « héros » des nouvelles politiques. Ainsi, les politiques gouvernementales –souvent populistes et conjoncturelles- prévalent sur les politiques structurelles, les planifications sectorielles, ce qui n’a pas été le cas dans l’histoire politique de la France. Plutôt qu’une spécialisation ou une dépersonnalisation, ce sont les liens personnels et la soumission aux normes idéologiques qui ont été déterminants pour accéder aux postes d’Etat[13]. D’autre part, la vocation de l’Etat était tournée moins vers l’accomplissement de ses tâches fonctionnelles que vers la direction intellectuelle et morale de la société autour des valeurs importées par les élites modernisatrices comme le nationalisme et le laïcisme. Ainsi, l’Etat turque apparaît, tout d’abord, selon Metin Heper, comme « une idée d’intégration, unifiant les éléments rebelles […]»[14], puisque l’histoire contemporaine des turcs a été marquée par les scissions et les désintégrations sociales et ethniques. Par exemple, un des objectifs principaux de la création des Chambres de commerce, organisation patronale fondée sur l’idée d’une « société sans classes » et associant les petits employeurs à la grande bourgeoisie était d’imputer l’éthique professionnelle et d’assurer la loyauté des patrons à l’Etat. Mais ce système s’est progressivement déformé et est devenu un réseau des relations clientélistes. Enfin, l’Etat, au sens du monopole de la violence légitime et de force d’intégration autour d’un projet d’occidentalisation, ne s’est pas distancié de la société par ses fonctions, mais par ses normes et ses objectifs. Comme nous allons clairement argumenter plus loin, la bourgeoisie constitue ainsi une classe hégémonique au sens gramscien et n’a pas une indépendance décisive par rapport à l’Etat,

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