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La Princesse De Clèves

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s à comprendre le pouvoir étrange qu’à l’utiliser comme garantie prestigieuse et tutélaire, quand on est écrivain, comme repère commode et indiscutable, quand on est critique ou professeur »)

n’a pas d’abord été désignée du nom de « roman ».

Il nous faut, pour tenter de cerner la situation de l’ouvrage de Mme de Lafayette (laissant de côté pour le moment ce que Bernard Pingaud par exemple appelle « le mythe de La Princesse de Clèves »), nous reporter au moment où il a été publié et préciser sa place au sein de la production narrative du temps et de la manière dont il a été reçu.

Les années 60 marquent, dans le siècle, un tournant déterminant (rappelons simplement : 1661, arrestation de Fouquet et « prise du pouvoir » par Louis XIV ; 1662, L’Ecole des femmes ; 1665, première édition des Maximes ; 1666, Andromaque …).

La date est en particulier importante dans l’histoire du « roman » : le public se détourne brusquement du genre qui l’enchantait depuis des années et que nous pouvons appeler, selon l’expression de Charles Sorel, « le roman héroïque » (romans héroïques de La Calprenède, notamment Cléopâtre, 1647-1658, et Faramond, 1661-1670 ; romans héroïques et galants de Mlle de Scudéry, en particulier Le Grand Cyrus, 1649-1653, et Clélie, 1654-1661) :

« Après une période de triomphe dont le temps fort coïncide avec la publication des œuvres majeures de Mlle de Scudéry (…) et avec la vogue corrélative de la préciosité, il est un genre qui connaît un brusque déclin, celui que Charles Sorel appelle le roman héroïque. L’expression est d’autant plus juste qu’elle se calque sur celle de poème héroïque. Selon cette conception, le roman est une « épopée » en prose, exigeant la même ampleur, offrant les mêmes ressources, d’essence largement poétique, soumise aux mêmes lois, avec cette seule différence que si l’une met l’accent sur la valeur guerrière, l’autre trouve son vrai sujet dans la peinture de l’amour » (Jean Mesnard, Introduction de La Princesse de Clèves, Imprimerie Nationale, 1980, p.11)

Enumérons, après J. Mesnard, les traits qui caractérisent ce roman héroïque :

des personnages illustres, une histoire prestigieuse se déroulant à une époque lointaine et souvent dans des pays éloignés, une action principale simple, mais chargée d’« épisodes » (le début in medias res exigeant des récits rétrospectifs), un dénouement heureux, le respect de l’unité de temps (non pas une journée, mais une année, ce qui renvoie encore au mouvement de la terre), enfin un style élevé comme le veut la dignité du personnage et de l’action.

Au roman ainsi défini va s’opposer la nouvelle, caractérisée par un double rejet :

* celui des invraisemblances ;

* celui de l’interminable récit à tiroirs.

I. Le souci de la vraisemblance

II. La substitution du récit bref et linéaire au récit à tiroirs

I. Le souci de la vraisemblance

On reproche désormais

« aux romans ‘l’extravagance’ de leurs héros, en réalité dans le passé grands conquérants, rois barbares, farouches guerriers, patriotes énergiques, exemples tragiques de vertu et d’honneur, qu’ils montrent tous, en dépit de la vraisemblance historique, uniquement occupés de fade galanterie ; leur style emphatique et de mauvais goût, la rhétorique de leurs monologues ; leur composition artificielle, leur action sans cesse interrompue, leurs longs récits faits par des confidents, leurs épisodes incroyables où le hasard joue un rôle excessif ; leurs portraits conventionnels, qui peignent en beau tous les personnages ; la sensualité et l’indécence de certaines de leurs pages »

(H. Coulet, Le Roman jusqu’à la Révolution, p.209)

Segrais fait dire au personnage central de ses Nouvelles françaises (1657), la princesse Aurélie :

« il me semble que c’est la différence entre le Roman et le Nouvelle, que le Roman écrit ces choses comme la bienséance le veut et à la manière du poète ; mais que la Nouvelle doit un peu davantage tenir compte de l’Histoire et s’attacher plutôt à donner une image des choses comme d’ordinaire nous le voyons arriver, que comme notre imagination se les figure ».

Quelques années plus tard, Sorel, auteur lui-même de Nouvelles françaises (1623) donc trente ans avant Segrais, reprend la même distinction, fondée sur les mêmes critères, dans sa Bibliothèque française (1664-1667) :

« On commençait aussi de connaître ce que c’était que des choses vraisemblables par de petites narrations dont la mode vint, qui s’appelaient des nouvelles. On les pouvait comparer aux histoires véritables de quelques accidents particuliers de la vie des hommes. Nous avions déjà vu les nouvelles de Boccace et celles de la reine de Navarre. Le livre du Printemps d’Yver avait été trouvé fort agréable pour les cinq nouvelles qu’on y racontait. Nous avions vu encore les Histoires tragiques de Bandel, qu’on avait traduites d’Italien, qui étaient autant de nouvelles, mais les Espagnols nous en donnèrent de plus naturelles et de plus circonstanciées, qui furent les Nouvelles de Miguel de Cervantès, remplies de naïvetés et d’agréments. »

On retrouve là l’une des grandes revendications de la génération de 1660 qui reproche ses extravagances à la génération précédente.

Celle-ci n’ignorait pas l’exigence de vraisemblance, elle s’en réclamait au contraire (ainsi Georges de Scudéry dans la Préface d’Ibrahim (1641) :

« Mais entre toutes les règles qu’il faut observer en la composition de ces ouvrages, celle de la vraisemblance est sans doute la plus nécessaire. Elle est comme la pierre fondamentale de ce bâtiment. Sans elle rien ne peut toucher ; sans elle rien ne saurait plaire ; et si cette charmante trompeuse ne déçoit (= ne trompe, n’abuse) l’esprit dans les Romans, cette espèce de lecture le dégoûte au lieu de le divertir. J’ai donc essayé de ne m’en éloigner jamais… »)

Mais ce qui paraissait vraisemblable en 1640 ne le paraît plus en 1660 : on exige désormais la représentation de « ce qui se dit et ce qui se fait tous les jours » (Donneau de Visé en 1663, à propos, il est vrai, de la Clélie ; cf. encore Furetière dans l’avertissement du Roman bourgeois (1665) : « Il faut que la nature des histoires et les caractères des personnes soient tellement appliqués à nos mœurs que nous croyions y reconnaître les gens que nous voyons tous les jours »).

Ces déclarations doivent être rapprochées des attaques lancées par Molière et Racine à la même époque contre la tragédie cornélienne :

« Car enfin, je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, accuser les Destins et dire des injures aux Dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. Lorsque vous peignez des héros, vous faites ce que vous voulez ; ce sont des portraits à plaisir où l’on ne cherche point de ressemblance; et vous n’avez qu’à suivre les traits d’une imagination qui se donne l’essor, et qui souvent laisse le vrai pour attraper le merveilleux. Mais lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d’après nature ; on veut que ces portraits ressemblent ; et vous n’avez rien fait, si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle ». (La Critique de l’Ecole des femmes, 1663)

« Que faudrait-il faire pour contenter des juges si difficiles ? La chose serait aisée, pour peu qu’on voulût trahir le bon sens. Il ne faudrait que s’écarter du naturel pour se jeter dans l’extraordinaire. (…) Il faudrait remplir (l’action) de quantité d’incidents, qui ne se pourraient passer qu’en un mois, d’un grand nombre de jeux de théâtre, d’autant plus surprenants qu’ils seraient moins vraisemblables, d’une infinité de déclamations où l’on ferait dire aux acteurs tout le contraire de ce qu’ils devraient dire. Il faudrait, par exemple, représenter quelque héros ivre qui se voudrait faire haïr de sa maîtresse de gaieté de cœur, un Lacédémonien grand parleur, un conquérant qui ne débiterait que des maximes d’amour, une femme qui donnerait des leçons de fierté à des conquérants. Voilà sans doute de quoi faire récrier tous ces messieurs » (première Préface de Britannicus, 1670)

II. La substitution du récit bref et linéaire au récit à tiroirs

(à suivre)

Littérature du XVIIème siècle : La Princesse de Clèves (1678)

La chronologie du roman

Le titre même du livre nous incite à le prendre pour une biographie ; d’autre part, du fait de la distance temporelle entre les lecteurs de 1670-1680, et l’époque d’Henri II (1518-1559), on est tenté de lire ce livre comme une chronique historique, propre à dépayser (cf. Lettre à Lescheraine du 13avril 1678, éd. Beaunier, II, p.63 : « ce que j’y

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