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Pourquoi Se Cultiver Dissertation Philo

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Ceci ne se comprend pas si nous le rapportons aux plans habituels : le plan juridique et sa minorité au sens légal du terme (l’enfant et l’adolescent ne sont pas encore citoyens à part entière), le plan de la nature ou plan biologique qui assimile la minorité à l’absence de maturité, sexuelle en particulier, à l’inachèvement, le mineur n’ayant pas encore terminé sa croissance, n’étant pas adulte, n’étant pas encore en pleine possession de tous ses moyens, étant encore faible. Etonnement également sur un plan numérique : si le plus grand nombre, la majorité numérique est sous la dépendance du plus petit nombre, cela contredit l’exigence logique de la raison et son exigence morale. Nous aurions plutôt tendance à penser spontanément que le plus grand nombre devrait dominer le premier. Or, c’est l’inverse que l’on peut constater. L’on en vient donc à se demander " quelle est la cause de ce prodige ? (Hume)" D’autre part, la raison n’exige-t-elle pas de l’homme qu’il devienne progressivement autonome, qu’il cesse, la maturité venant, de vivre sous la dépendance sinon aux crochets d’un tiers ?

L’incise " après que la nature les a affranchis de toute direction étrangère " permet d’exclure une explication du fait : celle de la nature. Ce qui invite à rechercher les causes de ce " prodige " du côté de l’histoire et renforce le scandale moral. La nature en effet nous affranchit, nous libère. Au lieu de se réjouir de cette libération, la plupart des hommes semble se précipiter vers une nouvelle aliénation ou plutôt prolonger un état de dépendance et de soumission. Pourquoi ne pas plutôt saisir cette liberté offerte par la nature quand l’opinion commune célèbre la liberté, la revendique même ? Mais de quelle liberté s’agit-il ici ? Il faut être attentif au plan sur laquelle elle advient et la définir comme une libération. La nature nous affranchit, elle nous libère. Mais de quoi ? Qui est ainsi libéré ? Notons que la nature a son efficace sur son propre plan : ici, le plan biologique, vital. Si la nature libère, c’est donc des contraintes qu’elle faisait peser sur nous du fait de notre immaturité et faiblesse. Il faut ici penser à l’enfant dépendant de ses tuteurs naturels que sont les parents : l’enfant n’est pas autonome quant à sa subsistance, son habillement, son logement… Sa vie biologique, sa survie même, dépendent des tuteurs qui prennent soin de lui et l’aident à grandir comme le morceau de bois, le tuteur, aide à la pousse droite d’une plante, être vivant elle aussi. Reste à comprendre ce que doit être la nature elle-même ou la conception qu’en a ici Kant pour rendre compte de son effet, la libération et pour en tirer les conséquences sur le plan non-naturel de la minorité dont il est question par ailleurs dans le texte.

Qu’est donc la nature ici ? Elle est une puissance : elle produit des effets. Il faut donc la définir comme une force agissante qui fait naître, se développer, croître et parvenir à maturité les êtres naturels que nous sommes. Elle accomplit par exemple le passage de la graine à la plante, de la plante à la fleur puis au fruit. Elle est une force agissante, interne aux êtres vivants, principe d’éclosion et d’achèvement de ce qui naît. De ce point de vue on peut l’opposer à la culture comme l’ensemble des moyens d’action et de transformation extérieur à un être et qui fait des hommes ce qu’ils sont et la rapprocher de la spontanéité, qui appartient en propre à un être indépendamment de toute action extérieure sur lui. On opposera ainsi le naturel et l’artificiel, fruit de l’action d’un agent distinct : la table est par exemple distincte de l’artisan qui la fabrique et le suppose ; elle n’est pas un être naturel, elle a sa cause efficiente hors d’elle-même. En ce qui concerne les hommes dont ce texte traite, on peut maintenant dire que cette nature les conduit à maturité même si cela n’exclut pas les échanges avec le milieu (assimilation de nourriture) et l’aide des tuteurs naturels afin de rendre possible ces échanges dans le cas du petit d’homme, incapable de subvenir par lui-même à ses besoins naturels. La nature nous fait grandir, devenir adulte ( son indice : la maturité sexuelle, la capacité à procréer, à avoir nous-mêmes des enfants et à en prendre soin) et nous rend capables de subvenir par nous-mêmes à nos besoins naturels. Les choses sont cependant brouillées si l’on se place dans le contexte de la société et non plus sur le seul plan de la nature : on a tendance à assimiler autonomie financière accessible par le travail et autonomie naturelle. L’adulte se libère de la tutelle des parents en gagnant son autonomie financière mais cela est relatif à l’organisation de nos sociétés, pas à la nature. Cette autonomie non naturelle advient d’ailleurs bien après l’autonomie naturelle : on entre dans la vie active de plus en plus tard, bien après la puberté et la fin de la croissance physique. Sur le plan de la nature, il y a bien affranchissement : l’homme n’est plus dirigé nécessairement, du fait de sa constitution, par " l’étranger ", un autre que lui. En ce qui concerne la conduite globale même de son existence, pas seulement la satisfaction des besoins animaux, il a atteint l’âge de raison et est de fait capable de prendre des décisions par lui-même et pour lui-même, capable de ne plus obéir. Mais être capable de ne plus obéir ne signifie pas ne plus le faire : cette distinction permet de comprendre cette minorité prolongée du plus grand nombre, au-delà de l’âge naturel de la minorité naturelle. L’homme a la possibilité, offerte par la nature, de ne plus obéir à un tiers mais il ne se saisit pas de cette possibilité.

Tirons maintenant la conséquence : si les hommes sont majeurs, adultes selon la nature et sur son plan, ils ne le sont pas pour autant sur un autre ou d’autres plans sur les quels se déploient leur existence qui est aussi, on l’a vu, sociale, culturelle, juridique…Il existe une minorité et une majorité qui ne sont pas naturelles puisqu’on peut être majeur selon la nature mais mineur juridiquement. Cela n’est pourtant pas de ces minorité et majorité juridiques dont Kant traite ici. La paresse et la lâcheté n’en sont pas les causes. Que sait-on de ces majorité et minorité ? On sait qu’elles ne relèvent pas de la nature, qu’elles ne relèvent pas du cours spontané des choses ni des institutions juridiques. Y a-t-il lieu de le déplorer ? Peut-on faire reproche à la nature en particulier de ne pas conduire les hommes jusqu’à l’affranchissement total, un affranchissement qui ne serait pas seulement celui des tuteurs naturels ? S’agit-il d’un défaut naturel propre à la majorité des hommes mais dont ne souffrirait pas une minorité chanceuse voire élue ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire d’aller plus avant dans le texte.

Quelles sont les causes identifiées par Kant comme expliquant la minorité non naturelle prolongée de la majorité numérique des hommes ? " La paresse et la lâcheté ". Certains hommes seraient-ils constitutionnellement lâches et paresseux, ce qui les destinerait à obéir, à se soumettre comme les enfants tandis que d’autres, mieux nés, mieux doués, seraient courageux et auraient le sens de l’effort, ce qui les destinerait par nature à diriger, commander ? Pourquoi la nature ne nous aurait-elle pas fait tous courageux ? Si l’on considère que la marque de la nature est l’universel, on peut répondre. Il n’arrive pas sauf exception ( accidents, tares ; N.B. on n’est pas de toute façon ici dans l’exception mais dans le cas fréquent : cf. le plus grand nombre), qu’un enfant ne grandisse pas, ne parvienne pas à maturité : cela se fait en nous mais sans le concours de la volonté. Pour grandir physiquement, il n’y a rien à vouloir, cela se fait comme on dit " naturellement ", comme s’il suffisait de se laisser aller à sa spontanéité naturelle, à son être naturel, de suivre le cours des choses, d’y être tout simplement inscrit, inscrit dans la nature en tant qu’être naturel. Si la majorité dans sa totalité était naturelle, tous seraient ou deviendraient majeurs. Or, cela n’est pas le cas. Quant aux causes repérées, elles ne peuvent donc relever de la nature : nous serions tous paresseux et lâches, ce qui ne s’observe pas. D’autre par, ces causes désignent des défauts moraux, sont considérer comme des vices. Or, la nature n’est ni bonne ni mauvaise : elle est axiologiquement neutre. Ce qui nous oblige à affirmer encore que la nature n’y est pour rien et que la minorité prolongée comme ses causes sont des faits de l’homme, relèvent ( tout ou partie, ce sera à décider) de la volonté et non d’une force interne échappant au vouloir. Devenir majeur sur un autre plan que celui de la nature incombe donc à l’homme. A l’inverse rester mineur alors qu’on est adulte est de sa responsabilité qui peut être individuelle ou collective. Examinons de plus près cette paresse et cette lâcheté qui mettent hors de cause la nature. Comment les définir ? Si l’on ne naît pas paresseux ou lâche, comment le devient-on ? Si la minorité dont parle le texte n’est pas naturelle, de quelle minorité s’agit-il exactement ?

Elles sont causes de la minorité prolongée et du fait " qu’il soit si facile à d’autres de se poser en tuteur des premiers ". La minorité des uns appelle nécessairement le tutorat des autres : il faut donc parler de couple mineur/tuteur. La paresse et la lâcheté facilitent l’autoposition des tuteurs : ceux-ci n’ont pas à batailler

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