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Science De l'Homme

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d’un être conscient et libre semble exclure la possibilité d’une connaissance scientifique qui repose sur l’idée de déterminisme ou tout au moins celle de lois de la nature. Le savant peut, dans les sciences de la nature, faire totalement abstraction de ce qu’il est. Dans les sciences de l’homme par contre, le savant est concerné car c’est de lui qu’il s’agit. Il lui faut admettre qu’il ne sait pas ce qu’est l’homme car comment une science de l’homme quelle qu’elle soit serait possible. Cependant, il lui faut aussi admettre que l’homme puisse être objet de science, et donc lui-même en tant qu’homme, ce qui présuppose déjà une certaine idée de l’homme. Son présupposé semble être de nier l’être sujet de l’homme et donc la liberté humaine. Et en même temps, il lui faut bien distinguer l’homme pour que celui-ci soit un objet de science différent de la matière et du vivant. Or par quoi pourrait-il l’être si ce n’est comme sujet ?

Le problème donc est celui de savoir si les sciences de l’homme peuvent se penser sur le modèle des sciences de la nature ou bien si elles doivent être autres. Dans le premier cas elles semblent impliquer une négation de la liberté du sujet et donc de ce qui semble faire la spécificité de l’homme. Autrement dit, peut-on dire que l’homme est seulement un objet de science ? Dans le second cas, qu’est-ce qui alors garantit leur scientificité ?

§ 1. Le déterminisme ou les lois de la nature.

La première difficulté concerne le déterminisme. En effet, celui-ci peut être considéré comme un principe sans lequel il n’y a pas de science possible. Telle était la thèse du médecin et biologiste Claude Bernard (1813-1878) dans son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale(1865). En effet, une expérience – qu’elle soit observation ou expérimentation – a pour but de vérifier une hypothèse. Par observation, il faut entendre l’enregistrement passif de données comme en astronomie alors que l’expérimentation est la modification volontaire d’un état de chose pour savoir ce qui en résulte comme en physique, chimie ou biologie. Or, admettons que l’on nie le déterminisme ou la loi de la causalité selon la terminologie de Kant dans la Critique de la raison pure (P.U.F., p.182-195). Alors, à une cause donnée pourrait correspondre une infinité d’effets possibles et inversement. Aucune hypothèse, quelle qu’elle soit ne pourrait être vérifiée. Ainsi, admettre le principe du déterminisme est la condition de possibilité de l’expérience. Sans le principe du déterminisme ou la loi de causalité il ne serait pas possible de distinguer le rêve de la réalité, l’objectivité de la subjectivité.

Ce qui ne signifie pas d’ailleurs que l’expérience puisse justifier le dit principe. En effet, quelques nombreuses que soient les expériences, comme le principe du déterminisme s’applique à tous les événements possibles, elles ne le vérifient que partiellement. Si on veut fonder la causalité sur l’expérience, on est conduit avec Hume (cf. Enquête sur l’entendement humain, Quatrième et Cinquième sections) à nier la valeur objective de la causalité. En effet, l’idée de causalité, c’est l’idée d’une connexion nécessaire entre la cause et l’effet. Cette connexion est universelle, c’est-à-dire que des causes identiques produisent des effets identiques et peut-on peut ajouter avec Alain dans ses Eléments de philosophie (livre IV, chapitre VI Du déterminisme) quantitativement identiques. C’est ce qui autorise à faire des prédictions à l’intérieur d’un système clos ou considéré comme tel.

Or, l’expérience ne donne que des successions particulières. Ainsi jusqu’à présent les corps sont tombés de telle façon que l’espace parcouru est le temps au carré que multiplie une constante (soit la loi galiléenne de la chute des corps telle que Newton l’a formulée). Rien ne prouve qu’il en ira toujours ainsi dans l’avenir ni qu’il en a toujours été ainsi.

Force donc est d’admettre que la causalité qui est à la racine du principe du déterminisme ne peut être prouvée par l’expérience. La première conséquence et la plus importante est qu’aucune science ne peut prouver sa valeur objective. Ce qu’est la science et en quoi elle est science, cette question appartient à la philosophie, plus précisément à cette branche de la philosophie que l’on nomme épistémologie, soit théorie de la science. Aussi les sciences de l’homme, si elles sont possibles, ne peuvent se fonder sur leurs résultats pour se prouver elles-mêmes. L’idée de l’homme ne peut donc être épuisée par les sciences de l’homme.

Or, lorsqu’on fait une expérience, c’est en vue de s’assurer d’une régularité. Il est vrai que cette régularité peut être celle d’une probabilité comme dans les lois de l’hérédité découverte par Mendel (1822-1884). Par exemple si un caractère est dominant et un autre récessif, à la première génération tous les descendants présentent le caractère dominant, à la seconde les trois quarts le dominant et un quart le récessif. Une telle loi est valable pour une population et ne dit rien sur ce qui se passera pour l’individu. Ainsi ne serait-il pas nécessaire d’admettre le déterminisme strict en ce qui concerne toutes les actions humaines. Il serait suffisant d’admettre des régularités de type probabiliste et donc un déterminisme probabiliste.

La deuxième conséquence de l’analyse épistémologique du déterminisme est qu’on ne peut s’appuyer sur le principe du déterminisme pour nier que l’homme soit un sujet. En effet, comme le déterminisme strict ou probabiliste ne peut être prouvé par l’expérience, la question de savoir si les faits ne sont pas tous soumis au déterminisme ou bien si au contraire ne règne pas un indéterminisme fondamental est une question qu’aucune science expérimentale ne peut trancher.

On dire que l’homme doit être considéré comme soumis aux lois de la nature pour que des sciences de l’homme soient possibles au même titre que les autres sciences. C’est ainsi que Kant dans l’introduction de son article intitulé Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique (1784) fait remarquer que la régularité des statistiques relatives aux naissances, à la mortalité, etc. montre qu’on peut trouver une régularité causale en ce qui concerne l’homme quoi qu’il n’y en ait aucune dans ses projets conscients.

Le problème alors est que la connaissance de l’homme aussi devrait être soumise aux dites lois. Les sciences de l’homme devraient donc permettre non seulement de connaître l’homme mais en outre de connaître les principes des autres sciences. Et tel était le projet de la sociologie et/ou de la philosophie d’Auguste Comte comme va le montrer un rapide examen.

En effet, selon Comte dans la 1ère leçon de son Cours de philosophie positive, toute l’histoire de la pensée humaine peut se ramener à la loi des trois états. Selon celle-ci, l’esprit humain, tant dans l’individu que dans l’espèce commence par l’état théologique, passe par l’état métaphysique puis achève son histoire en accédant à l’état positif.

L’état théologique lui-même commence par des explications fétichistes (Discours sur l’esprit positif, § 3), c’est-à-dire qui admet que les choses sont douées d’une volonté analogue à la volonté humaine. C’est ce qu’on retrouve notamment dans les superstitions, toujours vivaces, qui présupposent que les choses puissent sanctionner ou favoriser nos désirs en fonction de nos actes. Le deuxième moment de l’état théologique est le polythéisme – croyances en l’existence de plusieurs êtres doués de volonté mais séparés des choses (ibid., §5). Le troisième est le monothéisme (ibid., §6). De la décomposition sous la pression des faits du monothéisme, dernier stade de l’état théologique, l’esprit atteint le second, celui de la métaphysique (ibid., §9) où l’esprit prétend tout expliquer avec des notions abstraites, par exemple celle de nature (Cours de philosophie positive, 1ère leçon). Cet état correspond en gros à une philosophie qui prétend être la science. Enfin vient le moment positif où l’esprit s’en tient aux faits et cherchent les lois qui les régissent.

« La philosophie positive se distingue surtout de l’ancienne philosophie, théologique ou métaphysique, par sa tendance constante à écarter comme nécessairement vaine toute recherche des causes proprement dite, soit premières, soit finales, pour se borner à étudier les relations invariables qui constituent les lois effectives de tous les événements observables, ainsi susceptibles d’être rationnellement prévus les uns d’après les autres. » Comte, Cours de philosophie positive, 58ème leçon.

Autrement dit, la question de savoir s’il y a ou non une première cause – Dieu ou le Monde – comme celle de savoir s’il y a une fin ultime – la gloire de Dieu ou la liberté de l’homme – sont purement et simplement rejetées comme étant des questions insolubles que ne se posent que ceux qui n’ont pas encore accédé à l’état positif.

L’état positif quant à lui gagne les sciences progressivement. D’abord l’astronomie, puis la physique, puis la chimie, puis la biologie et il atteint enfin la sociologie. Elle est la science de l’homme par excellence qui peut rendre compte de la totalité du devenir humain comme Comte l’indique dans la 2ème leçon de son Cours de philosophie positive.

Comment rendre compte

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