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Albert Camus - L'Etranger (La Plaidoirie De L'Avocat)

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rocès et enfin l'émotion implicite qui rejaillit de ce passage.

« L'après-midi, les grands ventilateurs brassaient toujours l'air épais de la salle, et les petits éventails multicolores des jurés s'agitaient tous dans le même sens. », cette phrase dévalorise la scène : les jurés sont rapprochés ironiquement avec les ventilateurs, avec l'opposition « grands » et « petits ». L'adjectif « multicolores » fait penser à un caractère enfantin. Les éventails nous donnent une impression d'automatisme des jurés : « s'agitaient tous dans le même sens », et aussi l'idée que les jurés forment un groupe homogène ayant le même point de vue. De plus, on a l'impression que leur bien-être l'emporte sur la gravité de la situation. Ils ont une attitude critique sur l'accusé : ils représentent la société. « brassaient ... l'air » : on a l'impression que tout ça est superficiel et que c'est un peu du vent, que c'est une comédie, ceci est également apparent dans le sens où ceci intéresse assez peu Meursault et ceci apparaît aussi dans l'attitude des collègues de son avocat à la fin de sa plaidoirie : on a la même impression d'automatisme de la réaction : c'est dans leur habitude de venir féliciter l'avocat de l'accusé à la fin d'une longue plaidoirie, ils répondent à un rituel et disent des paroles convenues qui virent dans la caricature. Et cela a quelque chose de cruel pour Meursault que de lui demander son impression sur le discours de son avocat : on s'adresse à lui sans retenue comme si il n'était pas concerné par le jugement.

Il est intéressant de s'attarder maintenant au discours de l'avocat. La remarque de Meursault (« beaucoup moins de talent ») souligne le caractère artificiel des félicitations. Meursault prend soin de citer de manière directe son discours, sinon il utilise le mode indirect. Son discours a quelque chose de pénible, en dehors du réel : « heures interminables ». L'avocat prétend dire la vérité : « Moi aussi ... ouvert » et son discours a des marques de prétention : « je me suis penché » et il a une position de supériorité comme si Meursault était un simple objet à analyser. On a une espèce de suffisance qui était déjà perceptible auparavant, l'avocat est quelqu'un de fier de son âme. En fait, l'avocat est dans le faux : l'expression « pour lui » signifie selon l'avocat et il modalise son discours : « finalement », le terme « vieille femme » au lieu de « maman », on est loin de l'idée du « fils modèle ». Ce qui est dit est vrai mais Meursault a ce comportement par habitude, ce qui fait que la plaidoirie ne correspond pas vraiment à la réalité : ce qui pourrait être défavorable à Meursault lui devient favorable, ceci vient infirmer que l'avocat n'a pas compris qui était Meursault. L'avocat rentre dans l'éloge de l'institution : il adopte le style du discours politique et le vocabulaire de l'institution. Pour Camus, c'est un système qui tourne à vide. Le procès est un procès envers quelqu'un qui ne veut pas rentrer dans la norme. L'avocat fait une grande éloquence de l'asile grâce à une phrase ampoulé : il emploie le système conditionnel, on a une emphase (une insistance par l'usage excessif de mots de vocabulaire pour appuyer une idée). A la fin du discours, l'avocat fait une péroraison, la péroraison est souvent un moment de bravoure des avocats : « s'écrier », il essaye de faire plaindre Meursault en attirant la pitié des jurés, au fond, il leur souffle l'attitude qu'il faut adopter. L'avocat utilise un vocabulaire d'expressions stéréotypes : « honnête homme », « travailleur régulier, infatigable, fidèle à la maison qui l'employait... » et il utilise une expression hyperbolique, cliché, qui est retrouvée souvent dans ce genre de discours : « remords éternel », ce vocabulaire caricature la péroraison. Cette satire est d'autant plus sensible parce qu'on a des expressions fleuries.

Meursault s'est rendu coupable d'un crime sans en connaître véritablement le motif. Il semble assister en spectateurs à son propre procès, retranché en lui-même devant la réquisitoire du procureur qui lui reproche son insensibilité au moment de la mort de sa mère, mais aussi devant le plaidoyer de son avocat face auquel il semble aussi dubitatif.

Meursault donne une image de passivité : la narrateur exprime son étonnement devant ce qui lui arrive. Les moments d'absence et de retour au tribunal sont nombreux : « à moment, cependant je l'ai écouté », « je crois que j'étais déjà très loin de cette salle d'audience »,« tout devenait comme une eau incolore », « une vie qui ne m'appartenait plus » . L'expression « eau incolore » marque que tout ce qui constituait son caractère est effacé, on peut faire un rapprochement avec « zéro » qui signifie l'absence et l'adjectif « incolore » qui signifie une absence de couleurs. Ce n'est plus le Meursault, meurtrier de l'Arabe, mais un Meursault présenté comme quelqu'un d'honnête. Il n'est jamais compris comme il l'était autrefois. Le vrai Meursault se sent estomper.

D'autre part, Meursault semble ne pas comprendre ce qui se déroule sous ses yeux. Au-delà de son « étrangeté », ce qui caractérise son rapport au monde c'est son incompréhension « je lui ai demandé pourquoi »,« j'ai acquiescé mais mon compliment n'était pas sincère ». Cette étrangeté de Meursault apparaît au jury comme celle d'un homme indifférent, celle d'un « monstre » méprisant à l'égard de ceux qui l'entoure.

On insiste sur l'ennui de Meursault envers son procès, ce qui signifie que le fait qu'on parle de lui ne l'intéresse plus. Il ne s'y retrouve même plus puisque son avocat dit « je » pour Meursault à la place de« il ». Beaucoup d'expressions marquent le fait que le procès est étranger à lui : « j'étais très loin de cette salle d'audience » ; « j'ai été assailli des souvenirs d'une vie qui ne m'appartenait plus », il ne s'occupe plus de son ancienne vie ; « m'écarter encore de l'affaire », « me réduire à zéro » ; « se substituer à moi », en fait, la société lui substitue un autre moi qui est plus en harmonie avec la société, plus social, elle en fait quelqu'un qui rentre dans les normes, qui rentre dans leur schéma habituel, tout ce qui est dérangeant chez Meursault est gommé, ce qui le fait rentrer dans la norme est d'imaginer qu'il est pris de remords, le moi social est le moi accepté par tout le monde ; « c'est à peine si j'ai entendu mon avocat s'écrier », Meursault est écarté de son procès comme si on jugeait un autre Meursault, il est comme expulsé de lui-même.

« je me souviens seulement que [...] la trompette d'un marchand de glaces a résonné jusqu'à moi », « où j'avais trouvé les plus pauvres et les plus tenaces de mes joies ... sommeil » : dans ces phrases, on ressent de l'émotion : Meursault exprime des sentiments personnels par rapport à une vie qui ne lui appartient plus. Ce souvenir de la plage est perçu comme lointain par Meursault (dans une vie antérieure, avant le meurtre) : le son vient de dehors : « jusqu'à », « à travers tout l'espace », espace relativement

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