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Bel ami

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ence, période de la vie où le jeune doit justement «prendre son indépendance». Si, en plus, ce moment de l’adolescence est rendu particulièrement difficile par des perturbations psychologiques, familiales ou sociales, alors, dans ce cas-là, la rencontre avec un produit psychotrope puissant, qui change la tête, offre de grands risques de générer une trajectoire vers les phénomènes de dépendance pathologique qu’on nomme addiction.

Nous savons qu’il est nécessaire de distinguer l’usage récréatif de produits psychotropes d’un usage problématique ou d’un usage abusif qui peut devenir compulsif et entraîner un dysfonctionnement de l’économie psychologique et du fonctionnement social de celui qui en sera victime.

Il est vraiment nécessaire de faire cette distinction sinon, comme pendant longtemps, les toxicomanies resteront décrites et caractérisées par le produit utilisé, ce qui a largement empêché la progression de la compréhension des phénomènes d’addiction. C’est également ce qui nous explique qu’un produit psychotrope peut être ou ne pas être dangereux en fonction de celui qui l’utilise et selon la manière dont il le fait. Cette compréhension rend caduque la distinction entre «drogues dures» et «drogues douces». On a souvent défini les «drogues dures» comme celles qui entraînent une dépendance physique (on doit augmenter les doses pour avoir le même effet et le fait de les cesser entraîne un état de manque physique et pas seulement psychologique). L’expérience nous a montré que la dépendance physique n’a que peu d’importance. Toute personne peut être sevrée de n’importe quel produit en quelques jours: aucun progrès ne sera réalisé, la personne présente toujours les mêmes difficultés et la même pathologie et la rechute est quasi immédiate.

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Il y a eu souvent également confusion entre la «dureté», donc la dangerosité, et le mode d’utilisation. Par exemple, les opiacés sont utilisés avec des indications médicales précises sans que cela pose problème. Pharmacologiquement l’héroïne et la morphine sont des produits, lorsqu’ils sont utilisés «lege artis», qui peuvent être pris souvent pendant des années, par des douloureux chroniques par exemple, sans que leur utilisation régulière n’entraîne des perturbations mais au contraire améliore considérablement la qualité de vie du patient. Ce qui est dangereux avec ces produits décrits comme «durs», c’est la qualité du produit qui n’est en rien contrôlée: illégal, son dosage n’est pas connu, ni sa concentration, ni sa composition, et de plus ils se l’injectent dans des conditions le plus souvent extrêmement dommageables. Les «drogues douces», principalement représentées par les dérivés du cannabis, ne présentent certes pas de dépendance physique, ni d’overdose, on ne se les injecte pas: c’est en cela qu’elles sont décrites comme «douces». Il faut aussi cependant que notre cerveau possède non seulement des récepteurs aux opiacés mais aussi au tétra-hydro-cannabinol, substance active du cannabis. Ces récepteurs sont en étroite interaction avec le système dopaminergique, système de la récompense et du plaisir mais également système qui «se dérègle» lors des psychoses! La stimulation de ces récepteurs peut, en fonction des doses, soit calmer, soit exciter ce système et ainsi favoriser l’émergence des psychoses, dont la schizophrénie, chez les personnes particulièrement vulnérables et prédestinées à cette pathologie. Parler de «drogues dures» et «drogues douces» est donc un faux débat.

La toxicomanie, l’usage abusif et compulsif de produits psychotropes est en fait, souvent inconsciemment, la découverte d’une «auto-médication» contre une souffrance engendrée par une pathologie complexe …

… faite souvent de troubles du développement psychologique et affectif exacerbés par les difficultés du moment. L’expérience du soulagement par cette «auto-médication», sa répétition possible renforcée par l’impression d’avoir découvert une solution et de maîtriser le produit, conduisent à la toxicomanie et à ses dérives. Il s’agit là aussi d’une notion fondamentale, d’une des clefs principales de la compréhension des phénomènes d’addiction. D’une manière certainement trop synthétique, nous répondons à une personne présentant des problèmes d’addiction qui nous interroge sur ses chances de «guérison»: «Vous pourrez sortir de la toxicomanie quand vous aurez compris comment et pourquoi vous y êtes entrée, quand nous aurons, ensemble, compris ce que vous tentez de soulager avec l’usage de drogues et que nous aurons trouvé, ensemble, comment vous soigner autrement». Cette phrase est rarement totalement comprise au début de la prise en charge (quoique nous soyons parfois étonnés de voir à quel point elle met en écho [et organise] des pensées et des réflexions que le patient avait déjà partiellement élaborées) mais elle s’éclaire généralement progressivement tout au long de la prise en charge.

La toxicomanie n’est donc pas une maladie ordinaire ou du moins que ce n’est pas une maladie qui porte ce nom.

C’est le symptôme d’un mal-être et d’un mal-vivre avec le plus souvent une pathologie sous-jacente spécifique, psychiatrique, psychologique et/ou psychosociale. Il s’agit d’en faire le diagnostic afin d’élaborer des stratégies thérapeutiques adéquates.

Automédication d’une souffrance générée par une pathologie sous-jacente

La dangerosité ne dépend pas du produit mais de sa qualité (qui varie s’il est légal et contrôlé ou illégal et non-contrôlé), du mode d’administration (l’injection est infiniment plus dangereuse que l’inhalation, le sniff, la fumée ou l’absorption par la bouche ...) et surtout, comme nous venons de le dire, elle est définie par les caractéristiques de la personne qui le consomme. Selon les anciens critères, s’injecter des dérivés du cannabis transformerait ce produit toujours décrit comme «drogue douce» en «drogue dure»!

La base du traitement de l’addiction est fondamentalement celle de la pathologie sous-jacente automédiquée par une drogue

La médecine parle des «co-morbidités» de la toxicomanie, c’est-à-dire des pathologies psychiatriques ou psychologiques qui accompagnent la toxicomanie. Nous pensons maintenant qu’en fait c’est la toxico-

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manie qui est la «co-morbidité» d’une pathologie psychologique, psychiatrique ou psychosociale inconsciemment «soignée» par des produits psychotropes puissants: alcool, cannabis, héroïne, cocaïne ou autres drogues synthétiques. Ceci nous démontre la nécessité de faire un diagnostic ou, pour le moins, une approche diagnostique. Il s’agit là d’une démarche dans la durée: il n’est pas question de mettre une fois pour toutes une «étiquette» qui pourrait générer pour le patient un «enfermement» supplémentaire. Il s’agit bien plus d’une «interrogation ouverte» sur la pathologie que le patient «auto-médique», interrogation à long terme qui concerne non seulement le médecin de l’institution mais aussi le référent du patient et qui est permanente dans les divers colloques et présentations de cas ... et avec le patient lui-même! Dans certains cas un diagnostic assez clair peut être posé (par exemple au début d’une trajectoire de schizophrène dont «les angoisses de morcellement» ont été inconsciemment mais efficacement calmées à l’héroïne), dans d’autres, l’entité nosologique apparaît moins claire ou beaucoup plus complexe. Il est fondamental que le patient comprenne la démarche et y participe pour progressivement découvrir que son bien-être ou mal-être ne se mesure pas à «j’ai assez de produit je vais bien, je manque de produit je vais mal». Cette «auto-médication» par «la drogue» étant bien comprise par le patient, il s’agit alors, en fonction des éclaircissements diagnostics, d’entrer dans une démarche pédagogique où sont expliquées dans un langage qu’il peut comprendre les principales entités pathologiques qui sont «auto-médiquées»: la dépression, l’angoisse, les psychoses, les troubles de l’humeur, les troubles bipolaires etc. ... La description «vulgarisée» de ces pathologies permet souvent au patient lui-même de faire des liens avec la manière dont il se sent et d’accepter des diagnostics, ce qui a principalement deux implications: – l’amorce d’un changement identitaire – l’ouverture à un traitement plus spécifique.

L’amorce d’un changement identitaire De «toxico «avec une imagerie personnelle souvent plus sévère que celle du public, le patient commence à comprendre qu’il n’est peut-être pas que «coupable et mauvais» mais que, comme beaucoup d’autres, il présente une pathologie. Si cette compréhension peut être soulageante, elle peut également être difficile à assumer, surtout lorsqu’il

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