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L'Art Détourne t Il De La Réalité ?

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urelle pour désigner l’ordre des faits et l’ordre des choses en tant qu’il est séparé de moi, qu'il existe en soi, qu’il est indépendant de moi et surtout qu’il s’impose massivement à moi. L’attitude naturelle est spontanément chosique, et comme elle pense la réalité à partir du concept de chose, elle la voit d’abord comme matérielle. Je dis que la table est réelle, parce que je me cogne dedans. Je me rends au bureau et je dois retourner dans ce lieu plutôt gris, affronter ce chef de service râleur, l’ambiance exécrable du travail. C’est ma "réalité" de tous les jours. Il y a moi et les autres, moi et ma femme, ma belle-mère, mon patron, mon chef d’équipe, ma belle sœur et ce cousin casse-pieds toujours là pour emprunter quelque chose sans jamais le rendre ! Ma réalité quotidienne, c’est ce monde de conflits permanent, cet ennui, cette grisaille, avec parfois quelques bons moments, une sorte de répit dans la lutte quotidienne. Ma réalité, c’est l’angoisse de parvenir à boucler mes fins de mois, de recevoir encore des factures imprévues, c’est d’appréhender la situation de mon fils, de ma fille en étudiants, c’est de m’inquiéter pour leur avenir. C’est l’agression que je subis tous les jours à travers les événements de l’actualité qui ne fait que confirmer le sentiment que je suis bien dans un monde de lutte, de séparation, de rivalité, de violence, dans un monde qui est réel par la difficulté d’y vivre, par l’effroi permanent que l’on y éprouve. Cette réalité est très humaine, et cette représentation de la réalité est tellement conflictuelle, violente, cruelle, que le sens commun adjoint souvent au mot réalité un qualificatif : la dure réalité du monde!

------------------------------Nous allons donner un nom à cette réalité, nous l’appellerons réalité empirique, ce qui souligne qu’elle est posée au niveau de la sensation, mais surtout à travers une d’opposition brutale entre le sujet et l’objet, entre moi est le choses contre lesquelles je bute, entre moi et les personnes contre lesquelles je bute aussi, contre tout ce qui est dans l’ordre de ces événements qu’il faut affronter, et devant lesquels je dois finalement m’incliner. Il y a un implicite dans la représentation de la réalité dans l’attitude naturelle. « Que voulez-vous mon bon monsieur, c’est comme çà ! C’est la réalité et on n’y peut rien ». On ne fait que subir cette réalité. La réalité, c’est oppressant par nature. Elle est terne, monotone, abrutissante, souvent absurde, mais c’est comme çà, il faut s’incliner. Ce défaitisme, on le sent déjà très présent chez l’élève qui appréhende d’entrer sur le monde du travail : au lycée, on est un peu protégé, mais une fois qu’on en sort, c’est la dure loi de la réalité ! La loi de la jungle, la lutte pour la vie. Alors, il faut s’armer et être prêt à combattre ! Il est sous-entendu que la réalité, telle que nous la pensons dans l'attitude naturelle, tient dans une formule, la vie est une lutte. Comme si seuls les plus fort pouvaient s’en tirer, tandis que les plus faibles devaient être broyés. Le mot même de réalité, prononcé dans l’opinion n’a pas du tout de connotation positive, c’est plutôt un constat accablant. Il implique aussi une conception du sens de la vie qui est d’un impayable conformisme : à en croire tous ces gens qui se disent « réalistes », tout ce qui compte, c’est de « s’intégrer » à la société, de mettre en place chacun comme une brique dans un mur (like a brick in the wall, Pink Floyd ! ).

Les implications de cette représentation de la réalité sur la valeur attribuée à l’art sont très claires. A partir du moment où on pense la réalité de cette façon, on est obligé de trouver une porte de sortie pour évacuer le malaise et la difficulté à exister dans cette réalité. Il faudra donc justifier la fuite et l’art nous donnera une jolie porte de sortie, qui plus est, une porte de sortie socialement admissible. De là à voir dans l’art seulement une sorte de vengeance et de compensation contre la réalité, il n’y a qu’un pas qui sera vite franchi.

2) Cependant, avant d’examiner ces conséquences, il nous faut examiner le fondement de cette représentation. La réalité empirique n’existe pas toute seule. Ce n’est pas une « idée innée » que celle de la réalité empirique. Elle est constituée de l’intérieur par la conscience. Elle est pensée, choisie, voulue, elle est aussi l’effet d’un conditionnement social. Cela nous l’oublions trop souvent. Nous pensons que la réalité va de soi. Comme si l’ensemble des choses qui ont une existence objective, l’ensemble de tout ce qui peut faire l’objet d’une constatation ne faisait jamais intervenir notre propre subjectivité. Mais à y regarder de près, « chose », « existence objective », « constatation », tout cela n’existe que dans la conscience que j’en prends. (texte)

Et comment ? En entrant dans la vigilance. Je m’éveille le matin, je chasse les brumes du rêve, je me dis (quand c'était désagréable), « ouf, ce n’était qu’un rêve ! » Je reprends pieds dans ce que j’appelle la « réalité » en revenant à l’état de veille.Je dis que la chaise au pied du lit est "réelle", parce que je ne rêve pas. Mon chien peut la faire tomber, mon petit frère peut la déplacer. A l’état de veille, les choses n’apparaissent pas et ne disparaissent pas toutes seules. Elles sont plantées là, et je dois en tenir compte. Une chose, ce n’est pas une simple image. Cependant, ce que j’oublie, c’est que la subjectivité est encore là dans l’état de veille, justement dans la manière dont j’appréhende le réel. La chaise est réelle pour Jacques, comme moi, car il est lui aussi dans la veille, parce qu’il peut y avoir entre nous un consensus d’expérience pour la décrire. L’objectivité des choses, des faits, des événements est fondée sur l’intersubjectivité. Elle suppose des observateurs humains, une expérience humaine, un système nerveux humain. Un peuple d’abeille n’aurait pas du tout la même définition de la réalité que la nôtre. L’abeille n’est pas sensible aux mêmes couleurs que nous. Mais le peuple d'abeilles pourrait avoir, comme pour nous, une définition de la réalité à partir du consensus d’expérience des abeilles. Ce que nous appelons réel est le résultat d’un consensus présent dans la conscience collective. C'est ce consensus que l'on appelle notre réalité. Au Moyen-âge, en Occident, il paraissait réaliste de penser que la Terre était plate, que les moustiques pouvaient apparaître par génération spontanée dans l’eau croupie. Dans les temps modernes, il est réaliste d’admettre que la terre est ronde, de penser qu’il n’y a pas de génération spontanée d’organismes. Ce que nous appelons réel est déterminé par le savoir admis et les paradigmes reçus. Ce que nous appelons la science est fondée sur l’approche objective de la connaissance. De la science, nous attendons la confirmation de la réalité de tel ou tel phénomène ou de son irréalité. Quand je dis que ma chaise est réelle, j’attends une confirmation objective de la part de la théorie scientifique. Bon, cela marche, on me dit qu’elle est faite de molécules qui ont des propriétés objectives. Mais le savoir que la science nous donne est aussi relatif. Il dépend d’un consensus passé entre les membres de la communauté des savants et ce consensus est historique. De plus, il n’est même pas évident que ce que le sens commun tient comme réel, le scientifique le tienne aussi pour réel. Du point de vue qui est le mien à l’état de veille, la chaise est dure, solide, résistante. Mais au niveau le plus subtil de la matière, ce n’est que du vide en mouvement, un champ, qui ne fait qu’apparaître dur et solide du point de vue de l’état de veille de l’observateur. Or cette « réalité » dont parle la science est aussi incertaine. On ne saura jamais définitivement ce qu’elle est.

Bref, cette « réalité » des gens soi-disant « réalistes », elle est bien trop petite pour être la Réalité ! Pour rendre justice à la réalité, je ne peux pas seulement compter sur la représentation objective. Il est par contre indispensable de considérer toute la complexité de l’expérience subjective. Et si notre perception habituelle dans la vigilance était bornée ? Tronquée ? Appauvrie ? (texte) Et si notre vision étriquée de la réalité venait de là ? Et si la réalité était de part en part subjective ? Que se passerait-il si notre perception était complètement changée ? Que se passerait-il si la coupure drastique entre sujet/objet prenait fin ? Si notre perception était bien plus éveillée qu’elle n’est ? Notre conception de la réalité ne pourrait-elle pas alors être complètement modifiée ? Et puis, juste une idée : est-ce que, par hasard, changer notre perception du réel, est-ce que ce n’est pas ce qu’au fond l’art recherche ?

B. L’art et l’éloge de la fuite

Pour l’instant, laissons libre cours à l’opinion commune. L’art, dit-on, est à même de nous procurer des moyens d’évasion. Il l’est d’autant plus que nous avons fait de la réalité une prison, ce qui suppose nécessairement des moyens d'évasion. .

1) Pour échapper à une réalité bien trop décevante, on se tourne donc vers une représentation qui relève du fantasme. C’est un peu comme si, par le biais de l’art, nous cherchions à réintroduire

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