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Le Doute Est -Il Un Échec De La Raison?

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discontinuiste considère que le néoplatonisme introduit dans le platonisme des éléments nouveaux qui ne figurent ni explicitement ni implicitement dans le platonisme antérieur et qu’il se constitue donc, malgré une filiation annoncée et reconnue, comme une philosophie tout à fait originale. C’est pourquoi le débat s’est essentiellement concentré sur des aspects comparatifs : en confrontant les éléments présents dans les deux courants (platoniciens et néoplatoniciens), on recherche des ruptures ou des continuités. Pourtant, Plotin, dans le traité 10 (V 1), 8, affirme ne pas tenir des propos nouveaux mais seulement vouloir développer des thèses présentes 1

2 – document www.europhilosophie.eu dans ces propos anciens. Les chapitres 8 et 9 insistent particulièrement sur cette filiation depuis les présocratiques. Il y a donc une situation paradoxale : les néoplatoniciens n’ont pas cherché à faire apparaître leur doctrine comme nouvelle et ils apparaissent eux-mêmes comme les tenants d’une lecture continuiste. C’est l’interprétation moderne qui en vient à s’interroger sur le rapport de leur doctrine à leurs prédécesseurs et qui pose la question d’une discontinuité possible par rapport à eux. Les éléments mis en comparaison pour cela sont multiples, mais il semble que, parmi ceux-ci, les principaux soient celui de système, celui de la hiérarchie et des principes, celui de la procession [le néoplatonisme consisterait alors en un système de principes, hiérarchisés et coordonnés entre eux, et entre lesquels autant qu’à partir desquels existeraient des rapports de procession et de conversion]. Il faut remarquer que ceux-ci déterminent d’emblée l’idée que l’on se fait du néoplatonisme. Les commentateurs semblent souvent s’accorder sur leur présence dans le néoplatonisme et c’est à partir de cette reconnaissance qu’ils cherchent si l’on peut s’accorder sur une égale présence dans le platonisme antérieur. Il y a là un second paradoxe : ce n’est pas tant le néoplatonisme qui fait ainsi problème que le platonisme dont on se demande s’il présente les mêmes caractéristiques. Ainsi, on reconnaît dans le néoplatonisme une philosophie qui développe explicitement certains thèmes à partir desquels l’enquête est menée vers le platonisme c’est-à-dire reconduite à son origine. Or cette entreprise suscite en fait, dès lors que l’on s’intéresse à chacun de ces thèmes, des difficultés quasiment insurmontables qui rendent peut-être nécessaire de procéder dans la recherche de l’identité du néoplatonisme, de manière différente. Je commencerai donc par montrer les difficultés inhérentes à cette recherche et surtout à cette manière de poser le problème, en prenant le cas du non-être, puis j’essayerai de montrer, à propos de ce même thème que c’est en termes de fonction et non de distinction (présence ou absence de thèmes) qu’il faut peut-être envisager de procéder à cette recherche. Faut-il considérer le néoplatonisme comme une philosophie systématique ou du moins, faut-il reconnaître en son systématisme1 un élément absolument original par rapport au

La question du système pose bien sûr le problème d’une interprétation ésotériste de Platon. Si l’on adopte une interprétation continuiste, il faut préciser d’abord que la reconnaissance de la présence d’un système chez Platon repose en partie sur une tradition indirecte c’est-à-dire sur le maillon essentiel constitué par Speusippe et Xénocrate qui ont élaboré la doctrine de Platon et en ont préparé ainsi son développement néoplatonicien (cf. Krämer dans M. Zambon) ainsi que sur les témoignages d’Aristote. D’autre part, l’idée de système est héritée d’un philosophe allemand W.G. Tennemann (System der Platonischen Philosophie, 1792-1795) qui considérait déjà que ce système ne pouvait pas être reconstitué qu’à partir des écrits platoniciens mais qu’il fallait s’appuyer sur l’enseignement oral que rapporte justement cette tradition indirecte. Si l’on veut tenir compte de la notion de

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3 – document www.europhilosophie.eu platonisme antérieur ? La difficulté est que la notion de système ne reçoit pas de définition univoque et selon le sens qu’on lui accorde, elle peut permettre de maintenir une interprétation continuiste ou de s’y opposer. C’est ce que constate E.N. Tigerstedt, dans le cadre d’un problème différent du nôtre (celui des doctrines non-écrites). Il remarque en effet que K. Gaiser dans Platons ungeschriebene Lehre, soutient que Platon a adopté un système « hypothétique et ouvert » (p. 336 n. 1) et que pour H.J. Krämer, « ce système a eu un simple caractère d’ébauche » et qu’il y avait chez Platon un « concept dynamique de la philosophie »2. Si le système est présenté comme un ensemble de propositions coordonnées entre elles qui ne sont pas susceptibles d’une évolution sans affecter l’ensemble dans lequel elles se trouvent, alors il paraît difficile d’attribuer à Platon un tel ensemble et le néoplatonisme se détache au contraire comme une philosophie qui a explicitement développé un système de principes. Et c’est alors à une interprétation discontinuiste que l’on a affaire. Mais si on donne du système une définition plus souple, susceptible d’évolutions et de changements, alors on peut attribuer à Platon un système et la différence par rapport au néoplatonisme n’est plus que de degrés puisque ce dernier n’aurait fait que passer d’une conception ouverte du système à une conception plus fermée. Bien entendu, on peut contester cette polysémie attribuée à la notion de système et, comme E.N. Tigerstedt lui-même, montrer que cette définition du système défendue par les ésotéristes eux-mêmes, rend caduque l’idée même de système (p. 218-219), opposant en cela la nécessaire clôture sur soi du système à la recherche nécessairement inachevée qui caractérise l’idée d’ouverture ainsi que celle d’hypothèse3. Sur le problème de la procession, là encore, la question qui se pose est de savoir si la philosophie platonicienne présente l’idée d’une procession depuis un premier principe ou si elle se contente d’affirmer des rapports d’une autre nature entre des réalités certes ontologiquement hiérarchisées mais co-éternelles pour certaines d’entre elles (rapport entre formes, rapport entre les formes et l’âme). L. Robin avait soutenu qu’une telle procession se trouvait déjà dans la dernière pensée platonicienne et des auteurs tels que N.I. Boussoulas4 parlent d’un « déploiement intégral du Bien » qu’ils tentent de reconstituer à partir des genres du Philèbe. Dans un article de 1993, « Présupposés et conséquences d’une interprétation

système pour tenter de saisir ce qu’est le néoplatonisme, il faut d’abord prendre position sur la valeur de cette tradition indirecte. 2 « Die Grundsätzlichen Fragen der indirekten Platonüberlieferung », Idee und Zahl, p. 106-150, ici p. 140. 3 E.N. Tigerstedt, Interpreting Plato, ch. VI, Stockholm, 1977 (trad. fr. dans H. Cherniss, L’énigme de l’Ancienne Académie, Paris, Vrin, 1993, appendice). L’auteur fait les mêmes remarques à propos de la position de Robin (Platon, Paris, PUF, p. 239 et 241 de l’édition de 1988 ; 1ère éd. 1935) qui en arrive, selon lui, à rendre problématique l’idée d’un système platonicien (p. 165 de l’édition française) 4 « La causalité du Bien et la métaphysique du Mélange platonicien », RMM, I, 1962, p. 65-109.

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4 – document www.europhilosophie.eu ésotériste de Platon »5, L. Brisson (p. 491-492) signale au contraire que rien n’indique que la participation des formes entre elles s’accompagne d’une supériorité ontologique des unes (celles qui sont participées) sur les autres (celles qui en participent) comme c’est le cas dans la participation des choses sensibles aux formes intelligibles. Même si certaines ont une « extension » plus grande que d’autres (le Même, l’Autre, etc.), cela ne signifie pas qu’elles surpassent ces autres comme l’intelligible par rapport au sensible. Au contraire, si l’on conçoit cette participation sur le mode de celle du sensible à l’intelligible, alors il existe une hiérarchie complète depuis un principe premier (l’unité) jusqu’aux degrés les plus bas du réel, le plus universel étant en même temps le plus substantiel ou, si l’on préfère, le degré de substantialité s’abaissant avec l’individualité. Il n’y a pas dès lors, hors de la distinction intelligible/sensible (être/devenir), de hiérarchie ontologique, puisqu’il n’y a pas entre les formes, de dérivation et d’ordonnancement, y compris par rapport au Bien. Le cas du non-être n’échappe pas à ces difficultés. On sait que Platon soutient, dans la République, que le bien « n’est pas une essence mais [que], par delà l’essence, il la surpasse encore en ancienneté et en puissance » (509 b 8-10 ; trad. M. Dixsaut, Métamorphoses de la dialectique dans les dialogues de Platon, Paris, Vrin, 2001, p. 96). La manière dont on interprète cette formule ainsi que la manière dont on comprend la lecture néoplatonicienne qui en a été proposée, rend possible les deux types de lecture dont j’ai parlés précédemment. Fautil comprendre que le bien serait au-delà de l’être et qu’il y a là l’affirmation d’une forme de non-être ? Contre une telle lecture, on peut faire remarquer plusieurs choses. D’abord que le texte dit seulement que le bien est ouk’ousias

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