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Avons-Nous Le Choix d'Être Libres?

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l'ouverture du Contrat social, si « l'homme est né libre », « partout il est dans les fers » : celui qui succombe sous le joug de la dictature n'est pas libre. Il n'a plus d'autre choix que de se soumettre parce qu'on lui a ôté la liberté de choisir. Il faut être libre pour choisir, et non l'inverse : la liberté suppose a minima une alternative et la capacité de se décider pour l'une autant que pour l'autre. Si je suis contraint d'aller dans une direction et une seulement, alors je ne choisis pas, et donc, je ne suis pas libre ; y aurait-il seulement un sens, par conséquent, à se demander si nous avons le choix d'être libres? I. Dire que nous pouvons choisir d'être libres, c'est également affirmer que nous pouvons choisir de ne pas l'être.

1. Renoncer à la liberté.

Si un réel choix doit lui-même être fait sans contrainte, affirmer que nous avons le choix d'être libres revient à dire que nous pouvons librement choisir de renoncer à la liberté, et donc choisir la servitude. Choisir, ce n'est pas s’en remettre au hasard pour qu’il décide à notre place ; c'est sélectionner une possibilité en toute connaissance de cause. La liberté ne se définit pas au sens moderne de libre arbitre, cette puissance positive de déterminer sa liberté, de choisir entre le bien et le mal ou entre deux termes d'une alternative quelconque. Non, être libre, c'est être maître de soi, «avoir toutes choses sous la main, à son gré». L'homme libre peut agir librement, disposer comme il l'entend des choses extérieures. La liberté reste comprise comme rapport extérieur. L'homme libre est celui du maître que nulle contrainte extérieure ne vient empêcher d'user selon son bon vouloir de sa propriété, biens matériels ou esclaves

Mais alors, peut-on dire, par exemple, que l'esclave est esclave parce qu'il l'a choisi et qu’il a jugé préférable de se soumettre?

2. L'esclavage comme contrainte.

L'esclavage consiste en la contrainte. L'esclave est ainsi non seulement celui que l'on peut «entraver», c'est-à-dire, littéralement, jeter dans les fers et y maintenir, mais aussi celui que l'on peut «contraindre», obliger à faire quelque chose contre son gré, ou celui à qui on peut «faire obstacle», à qui on peut interdire de faire quelque chose qu'il voudrait faire, et enfin celui que l'on peut «jeter dans quelque difficulté», en le soumettant et en lui faisant subir ce que l'homme libre pourrait refuser. Aussi l'esclave ne peut-il pour ainsi dire rien : ni agir, ni vouloir, ni ne pas vouloir, ni ne pas agir. Je ne suis pas le propriétaire de ce qui m'est étranger, j’en suis seulement possesseur ou usufruitier. Autrement dit, mon corps, mes membres, ma fortune ne m'appartiennent pas en propre. Ce qui est mon propre, c'est ce sans quoi je ne peux plus rien être de ce que je suis, ce sans quoi je cesse d'être. Nos qualités propres seront ainsi nos désirs ou nos volontés, puisqu'il est en notre pouvoir d'être libre, de ne rien désirer de ce qui nous est étranger. Ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes, ce sont en effet nos désirs, nos volontés.

3. La contrainte, c'est le désir de ce qui nous est étranger.

Pour Épictète, ce qui rend esclave, ce n'est jamais une entrave extérieure, mais le désir, dans son intériorité. Je suis esclave parce que je désire ce que je ne dois pas désirer, parce qu'en fin de compte je suis esclave de mon propre désir. L'esclave entravé qui ne désire pas autre chose que son propre sort – ce qui ne suppose pas qu'il désire positivement son propre sort, mais seulement qu'il n'a pas comme objet de son désir la condition juridique d'homme libre, de maître –, cet esclave ne sera pas à proprement parler esclave : il s'est libéré en son intériorité de toute entrave, puisque aucune «contrainte» ne vient s'opposer à ses désirs. Ainsi, l'esclave serait responsable de son esclavage, et il n'aurait de ce fait que ce qu'il mérite. L'homme enchaîné aux fers peut être tout aussi libre que son maître, et même plus libre que lui s'il comprend que la vraie liberté ne consiste pas en la liberté extérieure et apparente d'agir, mais en celle, tout intérieure, qui fait que nous ne désirons que ce qui nous appartient en propre et nous constitue dans notre humanité : la liberté de notre désir ou de notre vouloir par laquelle nous faisons de nous ce que nous méritons d'être, libres ou esclaves. Cette hypothèse conduit à des conséquences absurdes, voire intenables. Non seulement parler de la liberté en terme de choix, c'est affirmer que toute servitude est volontaire, mais c'est aussi présupposer une liberté de choisir la liberté, c'est-à-dire une liberté antérieure à la liberté elle-même : nous sombrons ici dans ce « mauvais infini » dont parlait Hegel, puisque cela revient à se

demander si nous pouvons librement choisir d'être libres, donc choisir librement de choisir d'être libres, et ainsi de suite à l'infini. II. Sommes-nous libres d’être libres ?

1. La liberté est naturelle.

Si nous affirmons, désormais, que la liberté n'est pas affaire de choix : nous naissons libres, et cette liberté native ne peut nous être ôtée que par la force et contre notre gré. Cette hypothèse paraît évidente : elle est marquée du sceau de l'évidence d'une chose déjà jugée : tous les hommes désirent la liberté, et s'ils ne sont pas libres, c'est parce qu'on leur a ôté la possibilité de la choisir. Cependant, des difficultés surgissent : si nous disons que la liberté ne se choisit pas, alors nous ne sommes pas libres d'être libres, c'est-à-dire pas libres du tout : on ne choisirait pas plus la liberté qu'on ne choisit de naître brun ou blond. Y aurait-il seulement un sens à dire que nous sommes condamnés à être libres, que cela nous plaise ou non?

La servitude volontaire

Si la liberté est un choix, cela signifie que nous pouvons également décider d'opter pour la servitude. Mais peut-on dire qu'on devient esclave par choix? Cette hypothèse serait absurde, si l'alternative posée était celle de la liberté ou de l'esclavage : qui consentirait à l'un, s'il avait la possibilité de l'autre? Mais précisément, comme le montre Hegel dans La Phénoménologie de l'esprit, un esclave est d'abord un combattant qui a déposé les armes. Tel est le statut de l'esclave grec : lors du combat, j'ai le choix entre me battre jusqu'au bout, au risque de ma vie, et me rendre à mon adversaire. Si je choisis de me rendre, ce dernier fera de moi son esclave, c'est-à-dire un être totalement privé de liberté, puisque l'esclave ne possède plus son propre corps, réduit au rang d'instrument au service des désirs du maître. L'esclave est donc celui qui a préféré la domination relative du maître à la domination de ce maître absolu qu'est la mort : il avait à choisir entre la vie et la liberté, et il a choisi la vie, fût-ce au prix de la servitude. Or ce modèle n'est pas simplement pour Hegel un exemple historiquement daté : il expose le secret de la condition humaine. En effet, notre humanité ne nous est pas donnée à la naissance : elle est posée, si autrui nous la reconnaît. Reconnaître l'humanité en autrui, c'est reconnaître celui-ci comme un individu libre ; et dans cette lutte pour la reconnaissance, le premier qui fléchit, c'est-à-dire qui donne à l'autre la reconnaissance qu'il attend, se condamne de lui-même à ne pas être reconnu par lui et donc à être asservi. J'ai obtenu de toi ce que je voulais : tu m'as reconnu comme un individu libre. Pourquoi à mon tour te reconnaîtrais-je, puisque tu m'as déjà donné tout ce que tu avais à offrir? Tu n'es plus pour moi qu'un moyen, que j'asservis à ma guise ; et cette servitude, c'est toi-même qui l'as acceptée. Toute servitude, pour reprendre le titre d'un ouvrage de La Boétie, est une servitude volontaire : ne se soumet que celui qui a un jour accepté de se soumettre, c'est-à-dire qui a librement renoncé à la liberté par peur de la mort.

3. La véritable liberté.

C'est parce que la servitude demeure un choix libre qu'elle permet, nous dit Hegel, d'accéder à la liberté véritable : alors que le maître s'habitue à être servi, c'est-à-dire à voir ses désirs exaucés sans avoir à produire d'efforts pour les satisfaire, l'esclave quant à lui apprend dans la douleur à maîtriser ses désirs (il ne fait pas ce qu'il veut) et à aménager la nature par son travail. Dominant la nature en lui et hors de lui, l'esclave parvient à la liberté comprise comme autonomie et appropriation de soi par soi ; tandis que le maître, habitué à ne faire que ce que bon lui semble, s'avère finalement l'esclave de son propre caprice. Ainsi une servitude librement consentie n'est pas seulement la négation de la liberté : elle peut aussi en être le révélateur et la désignation. Qui, d'Épictète ou de son maître, est véritablement libre ? Epictète est un esclave

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