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Dans Quelle Mesure Peut On Considérer L'Ingénu De Voltaire, Comme Une Satire Politico-Sociale, Philosophique Et Religieuse ?

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français qu'il n'appartient à un Huron »).

Les demoiselles de province, faute d'éducation, font preuve d'une certaine naïveté due à l'ignorance ou à un orgueil ethnocentriste : (« j'avais toujours cru que le français était la plus belle de toutes les langues après le bas-breton »). Le Huron est un héros plutôt turbulent, très actif, ce qui permet à Voltaire de dénoncer l'oisiveté des aristocrates provinciaux (« il n'était pas comme la bonne compagnie, qui languit dans son lit oiseux [...] qui perd tant d'heures précieuses »).

Les discussions de « salon » en province sont souvent étayées par de fausses certitudes héritées d'une éducation trop strictement religieuse (« on convint que, sans l'aventure de la Tour de Babel, toute la terre aurait parlé français »). Les jeunes filles de « bonne famille », en raison d' une éducation puritaine, apparaissent bien curieuses des choses de l'amour. D'ailleurs les couvents de l'époque, malgré leur vocation, étaient souvent des lieux de libertinage. L'organisation de la société dans le milieu provincial est souvent régie par la religion, un citoyen convenable est un citoyen baptisé (« nous le baptiserons ! Nous le baptiserons ! »). Le philosophe tourne en dérision les usages, les coutumes locales, les rituels sociaux et religieux. Voltaire se moque aussi des déductions simplistes et hâtives que font les personnes ayant accueillit l'Ingénu en inventant une parenté avec le Huron, ceci ne reposant que sur des présomptions. Le jugement de cette société relève plus d'une émotion instinctive que d'une connaissance réelle (« après que l'on eut épuisé tout ce que l'étonnement, la joie, la tendresse peuvent faire dire... »).

L'éducation des notables ou de leur descendance est raillée par Voltaire. Il présente le fils du bailli comme « un grand nigaud de fils qui sortait du collège ». La situation sociale des personnes ne résulte pas de valeurs personnelles : tout le système social repose sur une transmission d'un privilège, d'une charge. Le régime féodal est avant tout assis sur des solidarités lignagères. Voltaire raille la manière d'être de toute une société, les préjugés et la sottise qui faussent tout jugement objectif... A propos de l'Ingénu, il précise que « sa conception était d'autant plus vive et plus nette que, son enfance n'ayant point été chargée des inutilités et des sottises qui accablent la nôtre, les choses entraient dans sa cervelle sans nuage »).

Cette société se devait également d'être très respectueuse de l'Eglise, on se doit de saluer les membres du Clergé avec respect. Ce qu'oublie de faire l'Ingénu...(« il n'avait pas même salué monsieur l'évêque »). Les rapports amoureux dans un certain milieu ne dépendent pas du libre arbitre des partis concernés, mais doivent faire l'objet du consentement de tiers (clergé, ou personne ayant une certaine autorité) ; le Huron faisant preuve de bon sens ne comprend pas cet usage qu'il trouve ridicule (le bailli par exemple décide seul du mariage de son fils : « il prétendait que son fil épousa la Saint-Yves »). L'auteur souligne le fait que ces procédés sont contraires à la loi de nature et se révèlent de nature à brimer les êtres. Le couvent représente une solution de facilité, en cas d'entrave aux principes. C'est précisément ce qui arrive à Mademoiselle de Saint-Yves...

L'auteur se moque aussi des médecins, en insinuant que la plupart de ceux-ci étaient des charlatans : « On appela un autre médecin [qui] ne fut occupé que de contrecarrer son confrère »). Après avoir dépeint le microcosme provincial, Voltaire va s'intéresser à la vie de la Cour qu'il juge aussi sans complaisance.

En effet la noblesse de l'Ancien Régime, dont la position résulte de la naissance et de l'argent (transmission de charges et de privilèges dûs à l'hérédité) ne tient souvent pas compte de la valeur morale ou intellectuelle des personnes. Les individus qui détiennent le pouvoir sont souvent « des coquins raffinés » faisant preuve de cupidité et d'immoralité, leurs subordonnés étant également prêts à tout par intérêt. Dans cette critique de la Cour, les remarques que produit Voltaire concernent d'une façon égale tous les nobles ayant quelque pouvoir, qu'il s'agisse de ministres, de membres du Clergé ou de courtisans. Ces derniers monnayent leurs services contre de l'argent ou certaines faveurs. Le libertinage fait partie intégrante de ce lieu de coteries. Le comportement ignoble de certains nobles sème la destruction et provoque des séquelles parfois mortelles chez les victimes de ces derniers (on pense évidemment aux répercussions désastreuses qu'a engendrées la visite de Mademoiselle de Saint-Yves chez Monsieur de Saint Pouange). Dans cet ouvrage, Voltaire ne manque pas d'arguments et fait preuve d'une ironie mordante pour dépeindre la politique pratiquée sous l'Ancien-Régime. Cette société encore féodale est caractérisée par un système politique conservateur faisant souvent fi de la liberté individuelle. Au niveau local, le bailli qui incarne l'autorité est dépeint comme un homme ignorant, sans manière, rempli de préjugés, lâche, hypocrite et incapable de faire preuve du moindre courage (« Le bailli, qui s'était caché dans sa cave pendant le combat, vint lui faire compliment comme les autres »). Ce dernier profite de sa charge pour réserver les plus beaux partis pour son « grand benêt de fils » en ne se souciant pas de l'avis des personnes concernées et en faisant preuve d'un grand mépris à leur égard. On peut aussi s'apercevoir que le pouvoir en province comme à Paris est partagé entre les laïques et le clergé. Les décisions sont souvent prises de concert («Il alla consulter le bailli, qui, destinant toujours son fils à la sœur de l'abbé, lui conseilla de mettre la pauvre fille dans une communauté »). Tous ses personnages se bornent à faire état d'un droit qui ne résulte pas souvent du bon sens ni de l'intérêt général mais de dogmes établis en laissant la plus belle part aux plus forts.

Après avoir examiné la politique à l'échelle locale, Voltaire s'attaque aux grands du royaume.

Malgré son importance, le roi de droit divin est trompé par ses conseillers et les personnes qui lui sont le plus proches. On lui ment, par intérêt (« C'est qu'on l'a trompé comme les autres grands rois [...] On lui a fait croire que, dès qu'il aurait dit un mot, tous les hommes penseraient comme lui »). Pour atteindre le pouvoir central, il convient de passer toute une série de barrières et de conseillers, ce qui retarde la procédure et rend l'administration lente et inefficace. « Il est bien plus aisé de se battre en Basse-Bretagne contre des Anglais, que de rencontrer à Versailles les gens à qui on a affaire », fait remarquer avec pertinence notre héros. Par ailleurs les grands du royaume, au lieu de se consacrer à leurs tâches sont plus souvent occupés à régler leurs affaires de cœur et à marivauder, plutôt que d'être au service du roi et de la France. Chacun confond responsabilité politique avec intérêt personnel. Les ministres abusent de la détresse des personnes leur demandant un soutien, en monnayant leurs services contre certaines faveurs (Saint Pouange cherche à corrompre la jeune fille pure et vertueuse que représente mademoiselle de Saint Yves). Les intermédiaires et serviteurs des grands sont également souvent corrompus. Cet abus de pouvoir est à l'origine de bien des injustices. Le roi fait preuve d'un absolutisme flagrant en signant d'une façon légère des lettres de cachet, ordonnant l'emprisonnement de gens n'ayant commis souvent aucune infraction, par exemple sur une simple rumeur colportée par des espions. A ce niveau l'Eglise ne se gêne pas pour prendre part à ces abus (« le révérend père La Chaise, confesseur de Louis XIV, avait reçu la lettre de son espion qui accusait le Breton Kerkabon, de favoriser dans son cœur les huguenots et de condamner la conduite des jésuites »). Voltaire dénonce publiquement la révocation de l'Edit de Nantes, décidée par Louis XIV sous l'influence de son épouse morganatique, Mme de Maintenon. De manière générale, chacun semble s'accommoder des lois. Les différents pouvoirs (politiques, sociaux, religieux) s'unissent pour anéantir ce qui peut représenter la moindre menace pour leur domination. Une grande injustice vaut mieux qu'un petit désordre... Ces nobles, hypocrites et imposteurs, s'épaulent pour opprimer les faibles ...

Voltaire profite du dialogue entre le Huron et le vieux Gordon, tous deux détenus à la Bastille, pour se livrer à une réflexion philosophique et pour faire passer les messages qu'il estime utiles à faire entendre. L'Ingénu et le janséniste Gordon découvrent les vraies valeurs humaines (qui sont notamment l'amour, l'amitié, le respect de l'autre et la tolérance.) Grâce à sa sagesse, le vieux Gordon sait tirer profit de la situation à laquelle il est confronté : Voltaire prône ici l'importance de la culture, consolatrice de l'âme, car elle grandit l'homme (« Il y a deux ans que je suis ici, dit le vieillard, sans autre consolation que moi-même (sagesse) et des livres, je n'ai pas eu un moment de mauvaise humeur » [...]

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