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Littéraire

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gne, Schleiermacher a fondé alors l’herméneutique philologique sur le présupposé que le sens original d’une œuvre est reconstructible et qu’il est son sens vrai.

Enfin, la critique journalistique porte plutôt sur la littérature contemporaine et la critique didactique sur la littérature du passé, mais sans exclusive. Cette distinction découle des deux précédentes. On juge les œuvres nouvelles, on explique les œuvres anciennes. Le discours historique et philologique sur la littérature s’est formalisé dans la seconde moitié du XIXe siècle en Europe et en Amérique du Nord, étendant aux littératures médiévales, classiques et même modernes le modèle d’étude des littératures anciennes. D’où l’idée de deux compétences distinctes – évaluative et descriptive –, renforcée par l’observation que les critiques universitaires se sont presque toujours trompés quand ils ont jugé la production contemporaine.

On distingue encore une troisième critique, celle des écrivains. Sans doute est-elle la plus importante. Elle s’écrit parallèlement aux œuvres littéraires, comme chez Henry James ou E. M. Forster, qui n’ont rien à envier aux critiques didactiques pour la sophistication formelle, mais elle est aussi inséparable de la création les modernes. Il est devenu banal de rappeler que, depuis Baudelaire, avec Mallarmé, Valéry, Proust , Borges , tout écrivain est aussi ou d’abord un critique.

S’il faut une théorie de la critique – une critique de la critique ou une métacritique – fondant l’objet et le cadre de la critique, sur quels critères s’engager ? L’absence de critères explicites et généralement acceptables est l’une des raisons de l’aspect polémique du champ littéraire, comme si la théorie consistait toujours à trancher entre deux options exagérément opposées : évaluation ou description, contexte ou texte, rhétorique ou histoire, positivisme ou impressionnisme, objectivité ou subjectivisme, généralisme ou particularisme, art ou science, mimésis ou sémiosis, forme ou contenu. La prolifération de ces alternatives, qui se présentent toujours, comme les dichotomies de Platon, avec un mauvais côté à fuir et un bon côté à suivre, est le symptôme de problèmes mal posés.

La recherche d’une définition de la littérature et, simultanément, de la critique postule en général qu’il existe des propriétés des textes littéraires qui les distinguent des autres textes. Par exemple, la « littérarité » d’un texte tient à des éléments linguistiques particuliers, ou à une organisation particulière de matériaux linguistiques ordinaires, ou à l’origine particulière du texte : son auteur est un écrivain. Toutes ces conditions sont réfutables : certains textes littéraires ne s’écartent pas du langage ordinaire, et les traits littéraires se rencontrent aussi dans le langage ordinaire : on a défini la licence poétique, pas la littérature. De même pour l’organisation particulière. Le troisième critère n’est pas plus satisfaisant : logiquement, c’est quand on a décidé qu’un texte est littéraire qu’on en conclut que son auteur est un écrivain. Ces trois critères incluent une évaluation implicite. On ne peut éviter la question de la valeur lorsqu’on veut définir la littérature et la critique.

Cherchant un critère de littérarité, on tombe sur une aporie à laquelle la philosophie du langage nous a habitués. La définition d’un terme – comme « littérature » – ne donnera jamais autre chose que l’ensemble des occurrences dans lesquelles les usagers d’une langue acceptent d’employer ce terme : la littérature, c’est ce qu’on appelle la littérature. Peut-on aller plus loin que cette formulation d’apparence circulaire ? Un peu, car les textes littéraires sont ceux qu’une société utilise sans les rapporter nécessairement à leur contexte d’origine. C’est une société qui décide que certains textes sont littéraires par l’usage qu’elle en fait.

Si l’on veut définir ainsi la littérature, la critique ne saurait constituer tout discours sur ces textes, mais bien celui dont la finalité est d’attester, ou de contester, leur inclusion dans la littérature. Et si la littérature et la critique se définissent solidairement par la décision que, pour certains textes, le contexte d’origine n’a pas la même pertinence que pour les autres, il en résulte que toute analyse qui a pour objet de reconstruire les circonstances originales de la composition d’un texte littéraire, la situation historique dans laquelle l’auteur a écrit ce texte et la réception du premier public peut être intéressante mais n’appartient pas à la critique littéraire. Le contexte d’origine restitue le texte à la non-littérature en renversant le procès qui en fait un texte littéraire.

Tout ce qu’on peut dire d’un texte littéraire n’appartient donc pas à la critique littéraire. Le contexte pertinent pour la critique littéraire d’un texte littéraire, ce n’est pas le contexte d’origine de ce texte, mais la société qui en fait un usage littéraire en le séparant de son contexte d’origine. Selon cette position radicale, la critique biographique ou sociologique, ou la critique qui explique l’œuvre par la tradition littéraire (Sainte-Beuve, Taine, Brunetière), toutes variantes de la critique historique, peuvent être tenues pour extérieures à la littérature.

Mais si la contextualisation historique n’est pas pertinente, la stylistique l’est-elle plus ? La notion de style appartient au langage ordinaire et il faut d’abord l’affiner. Or la recherche d’une définition du style, comme celle de la littérature, est inévitablement polémique. Elle repose toujours sur une variante de l’opposition populaire de la norme et de l’écart, ou de la forme et du contenu, c’est-à-dire encore des dichotomies qui visent à détruire l’adversaire, plutôt que des concepts. Les variations stylistiques ne sont pas descriptibles autrement que comme des différences de signification : leur pertinence est linguistique, et non proprement littéraire.

Les deux grandes classes de définition de la critique – « extrinsèque » et « intrinsèque », comme les appelaient René Wellek et Austin Warren – ne sont pas satisfaisantes : la solution textuelle repose sur l’opposition de la forme et du contenu, et la solution contextuelle sur l’opposition de l’origine historique et de l’impression présente. Historicisme et formalisme réduisent la littérature à la non-littérature : à l’histoire ou au langage. De proche en proche, il est facile de montrer que la critique littéraire n’existe pas dès lors qu’on a retiré les discours historique, sociologique, idéologique, psychanalytique, linguistique, etc., ou que sa nature et ses buts sont impossibles à définir analytiquement.

La critique, comme la littérature, suppose toujours un choix normatif : on porte un jugement sur l’état présent de la critique, on réagit à une situation qui demande à être corrigée et on appelle cela définir la critique. La critique est par nature oppositionnelle, jusqu’au moment – cela semble son destin – où elle s’institue en une pédagogie : c’est pourquoi elle prend si souvent l’allure d’un manifeste. Mais si les définitions de la critique sont des normes pour l’action, aucune ne s’impose logiquement ; elles rivalisent en cherchant à s’exclure l’une l’autre.

Tout est-il permis ?

Les études littéraires ont cet avantage sur la recherche philosophique, historique ou linguistique, qu’on y est d’autant plus libre que l’on ne sait définir ni la littérature ni la critique. Tout est-il donc permis sous la condition de l’originalité et de la virtuosité ? Ou bien des critères permettent-ils de comparer et d’évaluer des approches différentes ? Une appréciation raisonnable est-elle possible ? Y a-t-il une histoire, un progrès de la critique littéraire ?

Quand l’analyse ne parvient pas à ordonner, on en appelle à l’histoire : de nombreux ouvrages racontent les aventures de la critique des origines à nos jours, faute de pouvoir en faire la théorie. Ils sont en général illisibles, ne font qu’accentuer le désordre et donnent le sentiment d’un ressassement sans fin. Une histoire de la critique devrait montrer comment on passe d’un modèle à un autre au cours du temps. Dans les sciences, le modèle ou paradigme est une théorie apparue pour résoudre un problème et appliquée ensuite à d’autres problèmes. Il régit l’activité scientifique puis cède la place au paradigme suivant, lequel constitue un progrès. C’est un cadre théorique, une hypothèse analogue à la précompréhension qui, dans le cercle herméneutique, précède l’explicitation. L’épistémologie moderne reconnaît qu’il n’y a pas de faits observés sans hypothèse préalable, et l’explication scientifique elle-même se pense sur le modèle de la compréhension herméneutique. La critique, comme toute activité explicative ou interprétative, construit son objet, qui ne lui préexiste pas. Le choix de ce qui est littéraire, c’est-à-dire des faits pertinents à étudier, dépend d’une hypothèse théorique. Et la circularité des faits et de l’hypothèse implique qu’un changement de paradigme modifie les faits pertinents : d’où l’absence de communication entre paradigmes différents, qui n’appellent pas « littérature » la même chose.

Dans la critique littéraire, un paradigme ne cède pas la place à un autre parce que son programme s’est ou ne s’est pas réalisé. Les nouveaux paradigmes paraissent dépendre de remaniements des

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