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Le Rire : Un Phénomène Social

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: "On ne goûterait pas le comique, fait-il remarquer, si l'on se sentait isolé. Il semble que le rire ait besoin d'un écho".

Laurence Consalvi nous rappelle également dans un article universitaire, mais intitulé sous forme de boutade "Des écla... boussures de rire", (in Deux mille ans de rire, permanence et modernité, Paris, Les Belles Lettres, 2002), que le rire, en tant que communication non verbale, instaure une rencontre. Par son rire, l'individu communique volontairement ou non, des intentions, des sentiments, des jugements. On pourrait aussi faire remarquer combien à travers l'Affiche du Dictateur (1940), le burlesque de Charlie Chaplin invite à un échange : il y a donc une sorte de réciprocité et de complicité dans la rencontre des rieurs. Cette fonction sociale du rire est superbement mise en évidence par Rabelais : rédigé en 1534, le « Prologue » de Gargantua, a immortalisé une expression restée célèbre : "rire est le propre de l'homme". En ce sens, il permet de désamorcer les manifestations agressives en amenant un "recul" que les gens trop sérieux n'ont pas. Mais le rire ne saurait se borner à cette seule fonction sociale. Il est aussi un mode d'interpellation et d'interrogation essentiel.

N'oublions pas que le rire est moins un divertissement qu'un avertissement : il revêt en effet une fonction critique qui l'associe à la liberté d'expression. Dans le prologue de Gargantua, texte largement provocateur et sacrilège, si Rabelais fait du rire "le propre de l'homme", c'est qu'il lui assigne des exigences avant tout éthiques : il ne suffit point de préférer le rire aux larmes, le rire doit avoir une légitimité morale. S'il permet, comme nous l'avons vu précédemment chez Bergson, de prendre du recul, c'est peut-être pour mieux combattre les préjugés. Ainsi constitue-t-il une arme redoutable pour dénoncer les tyrannies de toute sorte : cet aspect critique du rire est particulièrement mis en valeur par l'affiche du Dictateur, qui semble faire voler en éclat... de rire tout le mythe nazi. Tourné en 1940 dans une période dramatique de notre histoire, ce film transforme en effet le comique clownesque en véhémente satire sociale et politique contre la dictature, mais aussi en vibrant plaidoyer humaniste.

De même que Rabelais nous prévient que Socrate, laid extérieurement, était plein de sagesse divine, et nous invite à voir dans le rire une profonde valeur humaine et philosophique, de même le "petit barbier" juif du Dictateur nous appelle à la conscience et aux enjeux de la responsabilité individuelle et collective : dans ce cas, le rire est humaniste. Derrière des titres aussi drôles que "Fesse pinte", "La Dignité des braguettes", "Des pois au lard avec commentaire", etc. chez Rabelais ou derrière le personnage bouffon de Charlot il faut donc chercher la "substantifique moelle", c'est-à-dire le sens caché sous la surface : derrière l'apparente frivolité, l'engagement. Comme nous le voyons, toute la difficulté du rire vient qu'il s'en prend à ce qui lui est le plus étranger : si l'ordre établi a peur du rire, c'est parce qu'il est avant tout transgressif. Cet aspect essentiel amène donc à réfléchir au rire sur un plan plus anthropologique et symbolique.

Le rire met en effet à jour, à un niveau sans doute plus inconscient, les peurs existentielles et les angoisses de l'homme. Laurence Consalvi par exemple, en fondant sa réflexion sur l'observation des réactions du public venu assister au Fantafestival, manifestation consacrée au cinéma fantastique, rappelle une vérité profonde : le rire soulage car il nous libère de la peur de l'incontrôlable. Il est un défoulement libérateur qui exorcise nos angoisses ; c'est pourquoi il obéit souvent à un cérémonial et à un rituel précis : le public n'est-il pas le support de nos projections ? De fait, on a besoin des autres pour se sentir protégé mais aussi reconnu et légitimé. Le rire marque par ailleurs l'ancrage socioculturel de l'individu dans la norme et les codes de socialisation. Bergson rappelle ainsi qu'au-delà des activités gestuelles ou émotionnelles, on rit avec d'autres selon une logique qui rattache le comique aux formes les plus anciennes de la vie sociale.

Enfin, ne pourrait-on pas affirmer du rire qu'il est profondément universel ? L'affiche du Dictateur peut être comprise de tous : quelle que soit notre culture, le "petit barbier" suscite le rire universel. Et par le comique du ridicule, il exorcise le mal le plus absolu, mais au lieu de trembler, nous rions même si nous avons peur : le propre du rire est précisément

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