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Médecins Sous Influence. Enquête Sur Les Relations Entre Les Médecins Hospitaliers

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tre obligé de prouver qu’il en a utilisé au minimum quelques-uns chaque mois !

Partant de ce cas, vécu par l’un d’entre nous, nous avons enquêté sur les relations entre les firmes pharmaceutiques et les médecins hospitaliers afin de répondre à quelques grandes questions :

• Quels rapports entretiennent les firmes pharmaceutiques avec les médecins hospitaliers

a) au niveau de la recherche

b) au niveau de la pratique clinique ?

• Existe-t-il une législation ou des règles concernant le « sponsoring médical » ?

• Comment ces règles sont-elles appliquées et respectées en pratique ?

• A quoi doit-on faire attention, en tant que médecin, dans nos relations avec les firmes et leurs délégués ?

• Comment faire rejoindre les objectifs d’une firme pharmaceutique, ceux du patient et du médecin ?

Une enquête qui nous mènera des bureaux de professeurs d’université à ceux des firmes pharmaceutiques en passant par le ministère de la Santé et l’Agence du médicament, le cabinet d’un juriste et les nouveaux chemins d’indépendance dessinés par le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP), Farmaka et MDEON, sans oublier les symposiums et colloques parrainés par le « mécénat du comprimé » et, bien sûr, les salles d’opération et services de médecine de plusieurs grands hôpitaux.

La méthode employée dans notre travail s’est inspirée de quelques valeurs fondatrices : clarté, concision, focus sur l’essentiel. Afin de mener à bien notre travail d’enquête et espérer répondre à toutes nos questions, nous avons interviewé des personnes spécialisées dans le domaine qui nous intéressait : de nombreux professeurs de médecine, le directeur médical d’un grand hôpital, deux membres de la commission médico-pharmaceutique d’un grand hôpital, un avocat spécialisé en droit médical, un haut fonctionnaire de l’Agence fédérale du médicament, trois délégués de firmes pharmaceutiques et un délégué de l’asbl Farmaka. Nous avons garanti à nos sources un strict anonymat, certains sujets abordés étant assez sensible. Que toutes les personnes qui nous ont apporté éclairages, informations et soutien soient vivement remerciées !

Le point de vue déontologique

Dans un premier temps, nous avons exploré les relations de terrain entre médecins hospitaliers et firmes pharmaceutiques tant au niveau de la pratique clinique que de la recherche, en laissant nos interlocuteurs s’exprimer sur leur vision de la déontologie médicale.

. Quand l’argent compte presque autant que la science : recherche clinique et firmes pharmaceutiques, un système gagnant-gagnant pas toujours très déontologique

Les firmes pharmaceutiques sont très impliquées dans les activités de recherche dans les hôpitaux belges, du moins en ce qui concerne la recherche clinique. A l’exception de quelques études de recherche fondamentale financées par le Fonds national pour la recherche scientifique, les firmes pharmaceutiques financent presque toutes les études. Leur objectif est de faire valider l’hypothèse qu’une molécule développée dans leur laboratoire et démontrée non toxique est efficace dans une application thérapeutique donnée. A la clé, elles espèrent obtenir une autorisation de mise sur le marché et/ou le remboursement de leur médicament pour en élargir les indications. De grosses sommes d’argent, voire l’équilibre financier de la multinationale sont en jeu. En effet, les firmes investissent plusieurs dizaines de millions d’euros pour développer une molécule et obtenir un retour de l’investissement. Un échec pourrait amener leurs finances dans le rouge…

A titre d’exemple, citons Sanofi-Aventis qui réalise la majorité de son chiffre d’affaires avec le Plavix® (clopidogrel) dont le brevet va expirer, ce qui signifiera une grosse baisse de rentrées car d’autres firmes pourront produire à bas prix le générique du Plavix®. En conséquence, Sanofi doit impérativement trouver un autre « blockbuster » à propulser sur les marchés pour compenser la perte de l’exclusivité sur le Plavix®. C’est pourquoi la firme française met le paquet pour développer une molécule présentée comme révolutionnaire dans le traitement de l’obésité liée au syndrome métabolique et au diabète de type 2 : l’Acomplia® (rimonabant). Si le succès n’est pas au rendez-vous (actuellement les experts jugent la molécule décevante et plusieurs pays ont signalé qu’ils ne la rembourseraient pas), Sanofi pourrait mettre un genou à terre…

Pour les firmes pharmaceutiques, financer des études est donc capital et s’inscrit dans une logique quasi exclusivement commerciale. Qu’en est-il alors des médecins et des services hospitaliers qui organisent ces études ? Là aussi l’argent est le nerf de la guerre ! En effet, les fonds apportés par les firmes pour ces études permettent d’engager du personnel dans un service et d’apporter de l’argent frais aux hôpitaux qui ont souvent du mal à rester économiquement à l’équilibre. Il s’agit donc d’un partenariat « gagnant-gagnant » comme nous l’ont fait comprendre les professeurs interrogés. On perçoit les questions déontologiques et éthiques que de telles alliances posent au quotidien et les abus qui peuvent en découler…

En effet, les objectifs des médecins, s’ils se superposent à ceux des firmes au plan thérapeutique, divergent quant à la question des profits : théoriquement un médecin est là pour soigner, quand une firme vise d’abord à faire des bénéfices pour contenter les actionnaires qui ont investi les capitaux nécessaires aux recherches. Le risque est grand, comme l’expliquent les professeurs interrogés, que les médecins se laissent à leur tour guider par des intérêts économiques, au mépris de l’honnêteté intellectuelle, voire de la qualité des soins.

Si un contrat clair est censé unir les chercheurs avec les firmes et si l’obligation de publication de tous les résultats, qu’ils soient favorables ou défavorables au médicament testé, est une exigence éthique et scientifique élémentaire, il n’est pas rare que les firmes exigent unilatéralement un droit quant à la décision de publication ou de non-publication des résultats obtenus par les chercheurs. Ceux-ci sont alors purement et simplement achetés par les firmes ! Dans un monde scientifique organisé autour du principe de « publish or perish », beaucoup de chercheurs, parfois les plus brillants, se laissent compromettre pour publier.

Les dérives se situent à plusieurs niveaux :

• La non-publication de mauvais résultats ou la publication des études concluantes sur une molécule alors que les études ne démontrant aucun effet passent à la trappe ;

• L’influence passive qu’exerce une firme sur les chercheurs. Ceux-ci savent qu’ils seront mal perçus et que leur hôpital touchera moins d’argent s’ils ne réussissent pas l’étude dans le sens espéré par la firme pharmaceutique. D’où, des phénomènes d’autocensure rapportés par plusieurs professeurs : on jette à la poubelle un résultat qui pourra déplaire à la firme avant même que celle-ci en ait eu connaissance, ou bien on décide de creuser les recherches sur un aspect positif de la molécule, sans s’attarder sur un autre effet potentiellement négatif ;

• L’influence active exercée par certaines firmes : cadeaux, matériel, financement du congrès organisé par le chef de service, voire dessous de table pour faciliter l’aboutissement positif d’une étude ;

• L’acceptation par des médecins-chercheurs de mener des études qui n’ont aucun intérêt scientifique, mais uniquement une vocation commerciale. D’après les professeurs interrogés, ce type d’études est monnaie courante dans la majorité des services hospitaliers car elles permettent aux hôpitaux de gagner beaucoup d’argent. On monnaie de la sorte la caution scientifique donnée à une marque plutôt qu’à un concurrent…

Afin de contrer ces collusions entre chercheurs et firmes, quelques garde-fous ont été mis en place. D’abord, les règles concernant les études sont très strictes en ce qui concerne les droits du patient et le consentement éclairé. D’après nos sources, chaque patient n’est inclus dans une étude qu’avec son accord et pour une prise en charge thérapeutique et un suivi optimaux. D’autre part, les grandes revues scientifiques, soucieuses de préserver leur image de marque et de qualité, exigent que les études qu’elles publient ne soient en aucune manière influencées par les firmes et que les conflits d’intérêts éventuels soient mentionnés en annexe de chaque publication.

En résumé, les études cliniques constituent un véritable partenariat entre firmes pharmaceutiques et médecins. Les premières vont gagner énormément d’argent si les résultats sont concluants. Les seconds vont publier un bel article, ce qui va accroître leur renommée et la réputation de leur institution. De plus, les firmes apportent de l’argent dans un service hospitalier, ce qui permet de le faire tourner. En cas de succès de l’étude, de fortes plus-values viennent s’ajouter aux sommes de

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