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Tout Comprendre, Est-Ce Tout Excuser ?

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iberté d’agir, c’est cela qu’il s’agit de comprendre pour pouvoir excuser.

Et, en effet, il n’est pas rare qu’après avoir compris les causes ou les raisons d’une action qui s’est révélée dommageable, nous soyons conduit à ne pas tenir l’auteur de l’action pour coupable ou responsable de son geste malheureux. A moins qu’après avoir céder à la colère ou au désir de se venger, nous prenions conscience du caractère injuste parce qu’injustifié de notre réaction.

Un tel a mal agi, mais sous la contrainte d’un chantage, un autre parce qu’il n’avait pas prévu toutes les conséquences de son action, un autre encore parce qu’il avait en vue quelque chose de plus grand qui l’a rendu aveugle, un dernier parce qu’il avait l’excuse d’avoir lui-même souffert.

Reprenons l’analyse. On peut distinguer à l’origine d’une action des causes ou des raisons. Examinons d’abord les raisons. Il apparaît dès l’abord que si ces raisons expriment l’intention de faire du mal, de nuire délibérément, quoiqu’on puisse les comprendre, c’est-à-dire en saisir le sens, aucune excuse n’est possible puisque dans ce cas on ne peut pas mettre celui qui a agi hors de cause, le tenir pour étranger aux dommages qu’il a causé. Mais pour ceux qui n’avaient pas une telle intention, qu’en est-il? Leurs raisons d’agir dépourvues de toute volonté de nuire les excusent-elles? A première vue oui, mais ne devons-nous pas distinguer de bonnes et de mauvaises raisons, indépendamment des conséquences éventuellement fâcheuses de leurs actions? Agir pour soi au mépris des autres et de la loi, en vue de son plaisir au mépris de son bien, en vue de son intérêt au mépris de ses devoirs, tout cela ne constitue-t-il pas autant de mauvaises raisons, incapables par conséquent de justifier celui qui agit si, par accident, ses actions provoquaient un dommage? A-t-il des excuses, celui qui sans ce soucier des lois et des risques qu’il fait courir aux autres comme à lui-même prend le volant en état d’ivresse pour rentrer chez lui et provoque, malgré sa volonté, un accident?

On trouve chez Platon, dans le Protagoras notamment, l’idée qu’une action accomplie en vue du plaisir et de l’avantageux seulement est accomplie au mépris du bien, y compris et surtout le sien propre, et, par conséquent que cette fin ne peut justifier l’action, ni celui qui agit. Et on trouve chez Kant, dans Les fondements de la métaphysique des moeurs, que seule l’action accomplie par devoir moral a de la valeur tandis que celle qui est motivée par l’intérêt n’est pas bonne par elle-même et par conséquent incapable de fournir une excuse si l’action provoque un dommage.

De deux choses l’une. Ou bien l’ensemble des causes qui ont déterminées l’action qui s’est révélée mauvaise est venu contrarier, contrecarrer l’intention, la volonté, le projet de bien faire au point de les mettre en échec et d’avoir provoqué la mauvaise action. Dans ce cas, la nécessité extérieure au sujet s’est imposée contre sa liberté. Dès lors, s’il est possible de reconnaître, de comprendre, d’identifier clairement chez le sujet agissant une authentique volonté de bien faire, un but nettement distinct de l’effet de son action contrainte, alors il peut soutenir qu’il est hors de cause, que ce n’était pas de sa faute s’il a mal agi. On peut l’excuser, on le doit même. Un tel est arrivé en retard à un rendez-vous important, mais parce qu’il a eu un empêchement imprévisible et extérieur à sa volonté, il est excusé.

Ou bien, la nécessité est tout, tout s’explique et se comprend par un enchaînement des causes et des effets qui réduit à néant toute espèce de liberté dans l’action, toute action libre, et alors ceux qui ont commis des dommages peuvent invoquer la nécessaire soumission à un déterminisme aveugle qui les a broyé, parler de fatalité. Ils semblent alors hors de cause, puisqu’ils n’y sont pour rien. Mais, si véritablement la fatalité explique qu’ils aient mal agi, penser qu’ils puissent être excusés, que cette fatalité justifie leur violence est impossible, absurde même. Cela reviendrait à dire qu’ils ont été mis en mouvement comme des pierres qui tombent sous l’effet de la gravité tout en exigeant néanmoins de bénéficier de ce qui ne peut revenir à un être libre : être excusé, justifié. Excuse-t-on les pierres qui nous tombent sur les pieds? Pas plus que nous ne les condamnons. Dans un cas comme dans l’autre, ce serait absurde! La fatalité n’excuse rien, ne justifie rien : elle retire à ceux qui l’invoquent jusqu’à la possibilité même d’être excusé.

Mais, peut-on vraiment invoquer une telle fatalité? N’a-t-on pas lieu de soupçonner ceux qui s’en déclarent les victimes d’être de mauvaise foi, comme l’explique Sartre dans L’Etre et le Néant? Etre de mauvaise foi, c’est précisément déclarer simultanément avoir été implacablement forcé d’agir comme on l’a fait et néanmoins exiger d’être traité comme si on n’avait pas cessé d’être libre. Ne peut-on pas penser donc qu’ils se sont volontairement, librement abandonnés à des contraintes auxquelles ils pouvaient résister pour s’épargner d’avoir à choisir une autre voie ou bien qu’il ne s’agit que d’une affabulation inventée après que l’action ait mal tournée, affabulation par laquelle ils tâchent de se soustraire à leur responsabilité? Dans ce cas, aucune excuse n’est possible. Non pas parce qu’il serait cette fois absurde d’excuser, mais parce qu’il est inexcusable de renoncer à être libre quand il a fallu choisir et de feindre ne pas l’avoir été quand on l’était. Peut-on excuser celui qui invoque sa situation économique ou sociale comme les causes qui l’on forcé malgré lui à s’emparer des biens d’un autre? Car, même s’il est possible que cette situation explique le vol, elle n’a pas privé celui qui l’a commis de la liberté de choisir. Il a peut-être droit à des circonstances atténuantes, mais pas à l’excuse.

En définitive, la connaissance des causes qui ont provoqué la mauvaise action ne disculpe, n’excuse celui qui a mal agit qu’autant qu’il n’a pas renoncé à sa liberté exprimée dans un projet identifiable, différent ou contraire de l’action commise sous l’effet d’une nécessité impérieuse. Sans cette volonté alternative,

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