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La convergence des systèmes nationaux de gouvernance : une perspective contingente Gérard CHARREAUX

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admis en relation avec la mondialisation figure la convergence des systèmes nationaux de gouvernance (désormais SNG) vers le modèle associé aux pays anglo-saxons. Cette hypothèse de convergence repose habituellement sur l’argumentation suivante. Sous l’accroissement de la pression concurrentielle associé au processus de mondialisation, les SNG seraient condamnés à évoluer de façon à permettre aux entreprises qu’ils encadrent de rester compétitives vis-à-vis de leurs concurrentes anglo-saxonnes, cette compétitivité des entreprises nationales entraînant, par agrégation, celle des économies nationales. Une lecture sommaire, tant de la presse financière que des travaux de recherche dans le courant standard de la gouvernance financière, semble conférer une certaine plausibilité à cette hypothèse. La similitude des codes de gouvernance, les prises de position de l’OCDE, de la Banque mondiale, les évolutions des législations nationales voire internationales semblent assurer une convergence vers les préconisations de la gouvernance financière soucieuse de la préservation des intérêts des seuls investisseurs financiers. Globalement, cette convergence semble garantie par les doctrines dominantes en matière d’indépendance des administrateurs, de transparence de l’information, de rémunération des dirigeants, de séparation des pouvoirs de décision et de contrôle, de libéralisation du marché des prises de contrôle… le tout mis au service d’un mécanisme central, le marché financier, habituellement considéré comme le plus proche de la globalisation. Un questionnement critique de la présomption de convergence conduit, cependant, à montrer que la réponse est loin d’être aussi triviale que ne le laisse transparaître cette première impression, en particulier parce que tant la formulation de la question que l’argumentation la plus usuelle comportent de nombreuses hypothèses implicites souvent contestables. Premièrement, pour évaluer la convergence de SNG, il faut préalablement poser une hypothèse sur les fonctions et les formes de ces systèmes, or la littérature caractérisant le domaine montre qu’en la matière, les positions varient sensiblement et qu’elles conditionnent les réponses à la question de la convergence. Deuxièmement, la formulation même de la question laisse entendre qu’il est possible de définir un seul système de gouvernance pour l’ensemble des entreprises d’une nation, or, de fait, dans les études des systèmes de gouvernance, on se préoccupe presqu’exclusivement des grandes entreprises cotées qui, paradoxalement, sont souvent des multinationales. Troisièmement, l’argumentation utilisée pour expliquer une éventuelle convergence laisse supposer que la mondialisation provoquerait nécessairement une homogénéisation induisant l’établissement d’un modèle unique censé être

optimal et fréquemment assimilé au modèle anglo-saxon, même si, très récemment, le modèle de l’Europe continentale, à supposer qu’il existe, semble retrouver une certaine popularité. Ces critiques conduisent à supposer que la réponse à la question de la convergence des SNG est fortement contingente aux hypothèses posées et c’est ce caractère contingent que nous allons tenter de mettre en évidence en montrant la dépendance de la réponse relativement à la série d’hypothèses implicites évoquées.

1.

Convergences fonctionnelle et formelle des systèmes de gouvernance L’évaluation de la convergence des SNG suppose qu’on puisse les comparer et donc

les décrire. Cette description dépend de la définition qu’on donne de la gouvernance. Si on revient aux travaux fondateurs de Berle et Means (1932), l’idée initiale était d’appréhender les conséquences de la séparation propriété/décision qui s’était produite dans les grandes sociétés managériales par actions en termes d’efficacité économique, mais également en termes de répartition. Au-delà de la question d’une éventuelle spoliation des petits porteurs par les dirigeants, Berle et Means s’interrogeaient également sur la répartition de la rente et leur réponse, contrairement à celle privilégiée par la gouvernance financière, n’était pas en faveur des actionnaires mais constituait une première prise de position en faveur d’une approche partenariale, voire de responsabilité sociale, en raison des implications des activités des grandes entreprises pour l’ensemble de la Société. La première idée qui émerge des travaux de Berle et Means et qui allait être reprise par le courant de la théorie de l’agence est relative à la fonction disciplinaire des systèmes de gouvernance qui s’exerce à l’égard des dirigeants. La gouvernance des entreprises est en fait celle des dirigeants des entreprises, ce qui permet d’ailleurs de séparer nettement – tout au moins dans la littérature scientifique… – la gouvernance du management des entreprises. La seconde idée également incluse dans l’œuvre de Berle et Means est le questionnement des systèmes de gouvernance en termes d’efficience. L’entreprise est un lieu de création de richesse et il ne faut pas que la séparation propriété décision compromette cette création. La troisième idée est issue de l’analyse de la propriété à laquelle les auteurs procèdent en distinguant au sein de la fonction entrepreneuriale traditionnelle, la propriété « active », liée à la compétence, à la vision et aux fonctions de leadership, de la propriété « passive » qui consiste à apporter le capital financier et à assumer passivement le risque (Charreaux, 2002). Dans les grandes sociétés par actions, les petits porteurs se contentant d’exercer la propriété passive ne peuvent prétendre s’approprier l’intégralité de la rente. Ainsi, pour Berle et Means,

les actionnaires ne sont pas les seuls créanciers résiduels pour deux raisons. Premièrement, la création de valeur dépend pour une part importante des compétences entrepreneuriales, c’està-dire de la propriété active. Deuxièmement, il existe des externalités produites par les grandes entreprises qui concernent l’ensemble de la Société et conduisent à une vision partenariale de la gouvernance. Cette dimension était d’ailleurs explicite dans le cadre législatif voté après la crise de 1929 aux États-Unis et qui ne visait pas qu’à protéger les seuls actionnaires. La crise actuelle montre d’ailleurs la modernité de l’analyse de Berle et Means.

1.1.

La convergence fonctionnelle Cette interprétation de l’œuvre de Berle et Means conduit implicitement à une lecture

fonctionnelle de la gouvernance des grandes sociétés par actions. La gouvernance a pour fonction d’encadrer les décisions des dirigeants de façon à améliorer l’efficience économique de l’entreprise vue sous une perspective partenariale. Son action passe par l’influence qu’elle peut avoir sur les deux voies permettant d’accroître la rente organisationnelle, le levier disciplinaire – éviter les gaspillages et les spoliations nés des conflits d’intérêts – et le levier cognitif (associé aux compétences) qui permet à l’entreprise de disposer d’un avantage comparatif. Autrement dit, le système de gouvernance est une matrice institutionnelle accomplissant deux fonctions, une fonction disciplinaire et une fonction cognitive qui conditionnent, toutes deux, la création de valeur par l’entreprise (Charreaux et Wirtz, 2006). La vision actionnariale traditionnelle ne considère que la fonction disciplinaire et l’analyse de cette dernière ne se fait que du seul point de vue des actionnaires. Précisons également que la distinction entre fonctions cognitive et disciplinaire n’implique pas que l’exercice de ces fonctions se fasse en parfaite indépendance. En prenant l’exemple du conseil d’administration, on peut supposer que la compétence des administrateurs facilite non seulement l’accomplissement de la fonction cognitive, mais également celle de la fonction disciplinaire. Quelle serait l’utilité d’avoir des administrateurs indépendants s’ils étaient totalement incompétents et donc dans l’incapacité d’exercer leur mission de surveillance ? Cette analyse fonctionnelle de la gouvernance permet d’introduire une première vision de la convergence, la « convergence fonctionnelle », que Gilson (2001) oppose à la « convergence formelle ». La vision bi-fonctionnelle de la gouvernance conduit à étudier, dans un premier temps, les modalités de convergence fonctionnelle en fonction de trois dimensions, la fonction disciplinaire, la fonction cognitive et les interactions entre ces fonctions. L’analyse se complexifie, dans un second temps, avec l’introduction des différentes parties prenantes considérées. Une analyse fonctionnelle limitée aux seuls actionnaires induira

une analyse de la convergence réduite à l’accomplissement des fonctions pour ces derniers (encore faut-il souligner que la catégorie des actionnaires n’est pas homogène…). Inversement, une analyse partenariale étudiera la convergence en se préoccupant de l’accomplissement des fonctions dans un cadre élargi aux relations avec les différentes parties prenantes et en considérant tant leur rôle dans la chaîne de création de valeur, que la part de la rente organisationnelle qui leur revient de façon à assurer la viabilité et la pérennité de l’organisation. L’étude des processus fonctionnels peut également être affinée en tenant compte de la position de l’entreprise dans son cycle de vie (Filatotchev

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