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Reflexions Sur La Sanction De La Vente De La Chose D'Autrui Noureddine Ghazouani Professeur Agrégé Avocat Près La Cour De Cassation Président De l'Association Tunisienne

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la vente porte sur un corps certain. Le contrat de vente portant sur une chose de genre n’opère pas automatiquement transfert de propriété. Celle-ci n’est transmise que par l’individualisation de la chose vendue 4 . L’article 581 du C.O.C. exige par ailleurs que la vente portant sur « des immeubles, des droits immobiliers ou autres choses susceptibles d’hypothèques » soit « faite par écriture ayant date certaine ». A plus forte raison, la théorie des vices du consentement retrouve, en matière de vente, notamment, toute la vigueur qu’on lui connaît 5 . De même en principe, une personne ne peut valablement vendre une chose sans en être propriétaire 6 . Il est en effet de règle générale que « nul ne peut conférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même » 7 ; alors qu’en droit romain et dans l’ancien droit, la vente faite par un non-propriétaire n’était pas nulle. Elle n’avait pas, à cette époque, un caractère translatif de propriété et ne mettait à la charge du vendeur que l’obligation d’assurer à l’acheteur la possession paisible de la chose, l’acquéreur ne pouvait dès lors agir contre le vendeur que s’il était troublé ou évincé par le véritable propriétaire 8 . En revanche, le droit français autrefois marqué par le droit romain, reconnaît aujourd’hui au contrat de vente cet effet translatif dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée, ni le prix payé 9 . La même solution est également adoptée en droit tunisien depuis la promulgation du C.O.C., sous réserve évidemment de la formalité de l’écrit exigée par la vente de certains biens 10 .

Mazeaud, Leçons de droit civil, Tome troisième, deuxième volume, 1981, cinquième édition, par Michel de Juglart, n° 819. 5 Knani Youssef, La lésion est-elle une entité juridique autonome, R.T.D. 1978 , p.41 et ss. 6 A l’exception, bien entendu, de la vente faite par un mandataire ou par une personne autorisée par le juge tels que le père ou le tuteur qui vend le bien de son enfant mineur ou de son pupille (art. 15 C.O.C.). 7 Le législateur a inséré l’art. 551 du C.O.C. qui énonce ce principe général dans le chapitre II. Intitulé « de l’interprétation des conventions et de quelques règles générales de droit ». 8 Ripert et Baulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, tome 3, librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris , 1958, n° 1296. 9 Voir l’article 1583 du code civil français ; sur le transfert du droit de propriété par le contrat de vente, voir notamment Mazeaud, Leçons de droit civil, tome 3, op cit., n° 899. 10 Art. 580 du C.O.C. : « La vente est parfaite entre les parties, dès qu’il y a consentement des contractants, l’un pour vendre, l’autre pour acheter, et qu’ils sont d’accord sur la chose, sur le prix et sur les autres clauses du contrat ».

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Néanmoins, si le transfert de propriété s’opère « solo consensus » même si la chose vendue n’est pas encore livrée, il comporte inévitablement un risque pour les tiers. L’échange de consentement qui s’effectue entre le vendeur et l’acquéreur n’est pas, à la différence de la livraison de la chose vendue, un acte apparent dont ils peuvent facilement s’en rendre compte. La propriété d’un bien donné pouvait être transmise à leur insu. Ils risquent ainsi de traiter avec un non domino et acheter une chose déjà vendue. L’hypothèse la plus fréquente est celle de l’héritier qui vend non seulement sa quote-part indivise, mais la totalité du bien indivis. C’est également le cas de la vente par un mari peu scrupuleux d’un bien propre à sa femme sans le concours de celle-ci. Ou bien encore celui de la vente par le tuteur des biens appartenant à son pupille sans en être autorisé 11 . Mais le danger auquel s’exposant les tiers de bonne foi est cependant atténué. En matière d’immeubles immatriculés, l’article 305 du code des droits réels décide que « tout droit n’est opposable aux tiers que par le fait et du jour de son inscription à la conservation de fla propriété foncière. L’annulation d’une inscription ne peut, en aucun cas être opposable au tiers de bonne foi » 12 ; tandis que pour les meubles est présumé avoir acquis cette chose régulièrement, sauf à celui qui allègue le contraire à le prouver ». D’une manière générale et toujours dans un souci de protection, le législateur tunisien a pris le soin de réglementer explicitement la vente de la chose d’autrui. En vertu de l’article 576 du C.O.C., elle est valable : « 1 – si le maître la ratifie ; 2 – si le vendeur acquiert ensuite la propriété de la chose. Dans le cas où le maître refuse de ratifier, l’acquéreur peut demander la résolution de la vente ; le vendeur est tenu, en outre, des dommages-intérêts, lorsque l’acquéreur ignorait, au moment de la vente, que la chose était à autrui. La nullité du contrat ne peut jamais être opposée par le vendeur, à raison de ce que la chose était à autrui ».

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Cette vente n’est valable qu’avec l’autrorisation du juge en vertu de l’article 15 C.O.C. La protection des tiers est davantage enforcée par les nouvelles dispositions de l’art. 305 CDR qui entreront en vigueur dans les 3 années à venir à partir de la date de la notification de cet article par la loi n° 46 du 4 mai 1992. Désormait tout droit réel n’est constitué que par son inscription au registre foncier. Voir code des droits réel annoté par M. Arfa Khaled. Edition CLE 1993, p. 157 ou JORT n° 29 du 12 mai 1992, p. 548.

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La même solution est étendue à certaines hypothèses voisines 13 . On notera particulièrement dans l’article 576 l’ambiguïté qui entoure la détermination de la sanction concevable, puisque le législateur évoque tantôt la résolution tantôt la nullité. On relèvera aussi que dans le projet initial du C.O.C. dit « projet SANTILLANA », le texte régissant la vente de la chose d’autrui était autrement conçu. On prévoyait nettement à l’instar du droit français, qu’une telle vente est nulle. Ce revirement est de nature à compliquer davantage la recherche du régime juridique applicable. C’est probablement à la faveur d’une solution de compromis qui concilierait, tant soi peu, la position du droit musulman classique 14 , les dispositions de la Majallah Ottomane autrefois en vigueur en Tunisie, les droits allemand et suisse par l’entremise de celle-ci et enfin le droit français 15 , que les rédacteurs du C.O.C. ont modifié cette disposition 16 . Le souci de conciliation des diverses thèses en présence explique vraisemblablement le caractère ambigu de l’actuel article 576 du C.O.C. et sa rédaction défectueuse. Aussi l’interprétation de ce texte soulève-t-elle d’assez nombreuses difficultés tenant à la détermination du sort réservé à l’acte de vente et par voie de conséquence à ses effets éventuels à l’égard des parties ainsi que du véritable propriétaire. Du moment que de la sanction encourue vont dépendre étroitement les implications possibles, il serait indiqué de focaliser le débat sur le régime réservé à la vente de la chose d’autrui. Quoique nécessaire et enrichissant, le recours à la doctrine et à la jurisprudence ne semble pas d’un grand secours. En raison de la délicatesse de la question, la doctrine est divisée et la jurisprudence tunisienne est peu constante. Néanmoins, en dépit des nuances qui les séparent, il est possible de ramener les divergences doctrinales et jurisprudentielles à deux tendances opposées.

Le bail portant sur la chose d’autrui prévu par l’article 733 du C.O.C. ; l’échange concernant la chose d’autrui selon l’article 724 du C.O.C. ; l’hypothèque gravant la chose d’autrui est règlementé par l’article 203 du CDR . 14 En ce qui concerne la position du droit musulman à ce propos, V. SANHOURI, EL WACIT, Vente , n° 157 en langue arabe. 15 L’article 1599 du code civil français prévoit que la vente de la chose d’autrui est nulle. 16 A propos des législations qui ont plus ou moins influencé les rédacteurs du C.O.C. en général, voir la note de présentation de SANTILLANA , traduite en arabe et inséré au C.O.C, version arabe, publication de Mahmoud B. CHEIKH , 1984, p. 11 et s., Voir également KNANI, r ;t ;d ; 1978 , op. cit., p. 47, S2 .

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La première, soutenue par la majorité des auteurs et fermement appuyée par la jurisprudence tunisienne, estime que la vente de la chose d’autrui est susceptible de nullité absolue ou de nullité relative. Ralliant moins de soutien, une autre tendance préconise qu’une telle vente n’est pas

forcément nulle mais encourt simplement la résolution soit pour inexécution d’une obligation contractuelle, soit parce qu’elle est réputée valable mais inefficace et peut être de ce fait frappée de résolution en cas où le propriétaire refuse de la ratifier. Mais bien que de prime abord, la première thèse paraisse soutenable, il n’en est pas moins vrai aussi qu’elle ne résiste pas à la critique ; car la théorie de la nullité s’avère incompatible avec les spécificités de la vente de la chose d’autrui. C’est ce qu’on se propose de démontrer tout d’abord. En revanche, la résolution pour défaut de ratification du vrai propriétaire semble, en dépit du peu d’adhésion qu’elle a entraîné , la plus fondée. En

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