Hegel
Note de Recherches : Hegel. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresnt de vue
du Verstand, de l’entendement. Du point de vue de la Vernunft, de la raison dialectique, c’est la
négativité, c’est-à-dire son travail et son opération, qui met en branle le monde ; en ce sens la
négativité est le moteur positif de l’histoire.
3 « Le glissement d’une grande masse (d’hommes) au-dessous d’un certain niveau de subsistance, (…), et avec
cela, la perte du sentiment du droit, de l’honnêteté et de l’honneur de subsister par sa propre activité et son
propre travail, mènent à la production de la populace (die Erzeugung des Pöbels), production qui, d’autre part,
comporte une facilité plus grande de concentrer en peu de mains des richesses disproportionnées » (Hegel 1821,
§244). « Il apparaît donc ici que, malgré son excès de richesse (Übermasse des Reichtums), la société civile n’est
pas assez riche, c’est-à-dire n’a pas, dans ce qu’elle possède en propre, assez de ressources pour empêcher
l’excès de pauvreté et la production de la populace (Erzeugung des Pöbels) » (ibid., §245)
Le rôle que joue la dimension économique dans le devenir de la conscience de soi s’avère
déterminant dans la société moderne. Essayons de préciser cette affirmation
C’est à cette époque que survient la lecture de Steuart et chez ce dernier Hegel
découvre l’importance du thème de développement économique. Les grecs ont certes été les
bâtisseurs de la Polis, de cette belle totalité vivante où l’individu, dans son identité de citoyen,
trouve accès à l’universalité concrète incarnée par l’Etat. Mais ce bonheur dont est supposé comblé
le citoyen grec dans l’unité vivante de l’Etat peut difficilement dissimuler l’indigence et la misère de
l’existence matérielle du même citoyen. Steuart remarque en effet qu’« avec leur belle liberté les
citoyens d’Athènes sont vêtus « wie ein Haufen Kapuziner » (comme un monceau de capucins ) »
(Chamley 1963, p.135). C’est que le citoyen grec considère comme dégradant et avilissant toute
forme d’effort et de travail qui lui permettrait d’améliorer ses conditions matérielles d’existence, de
développer ses instruments de production, d’intensifier l’échange et le commerce des biens,
d’organiser avec plus d’efficacité les activités économiques pour en accroître la productivité et la
rentabilité. De façon significative Nietzsche remarque à ce propos qu’aux yeux des anciens grecs le
travail et l’esclavage étaient « un avilissement nécessaire –à la fois nécessité et avilissement- face
auquel on éprouve de la honte (« L’Etat Grec », in OEuvres posthumes 1870-1873, Gallimard 1975,
p.178, cité par Finley 1959, p.113 et note 41). Tous les soucis d’ordre économique sont repoussés du
côté des catégories non libres de la cité (esclaves et métèques)\
Lorsqu’on examine de près la forme de la Sittlichkeit antique on
remarque qu’un moment essentiel de la Sittlichkeit moderne y fait défaut. La trilogie n’est pas
complète. A un bout il y a l’oikos, l’espace familial, privé de l’individu et à l’autre bout il y a l’Etat,
l’espace politique où l’ensemble des individus sont porteurs d’une identité unique, la citoyenneté. Or
la Sittlichkeit moderne intègre un troisième moment, celui précisément de la différence, qui
s’intercale entre les deux premiers :
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« La société civile est la différence qui vient se placer entre la famille et l’Etat,
même si sa formation (Ausbildung) est postérieure à celle de l’Etat, qui doit la
précéder comme une réalité indépendante pour qu’elle puisse subsister (als die
Differenz setz sie den Staat voraus, den sie als Selbständiges vor sich haben muss,
um zu bestehen – comme différence elle présuppose l’Etat pour subsister, lequel
Etat elle doit l’avoir devant soi en tant que réalité indépendante). Du reste, la
création de la société civile appartient au monde moderne, qui seul a reconnu leur
droit à toutes les déterminations de l’Idée (ihr Recht widerfahren lässt : laisse
advenir leur droit)» (Hegel 1821, §182, add.).
La société civile à laquelle le monde moderne a su donner naissance est cet espace proprement social
où se déploie « la personne concrète, qui, en tant que particulière, est à elle-même son propre but
(besondere Zweck) » (ibid., §182). Une telle figure d’homme, le monde antique la craint et la rejette.
Plus exactement c’est la « sphère libre » de ce monde qui craint et rejette cette figure. Car la
personne qui est à elle-même son propre but est « un ensemble de besoins (ein Ganzes von
Bedürfnisses) » (ibid.). Or, dans le monde grec « la particularité qui appartient au besoin (die dem
Bedürfnisse angehörige Besonderheit) n’est pas encore admise dans la sphère de la liberté (in die
Freiheit), mais rejetée au-dehors dans une classe d’esclaves » (ibid., §356). C’est la partie de la
société ravalée au rang d’objet, au rang d’« outil animé » qui se charge, essentiellement, des tâches
relatives aux besoins, c’est-à-dire de ce qui se rapporte aux activités économiques. Car le « système
des besoins (das System der Bedürfnisse) » véhicule un danger mortel pour l’intégrité et la cohésion
de la communauté. A Glaucon qui se désole de l’indigence matérielle de la cité idéale brossée par le
Socrate de la République celui-ci répond : « Quoi qu’il en soit, la véritable cité me paraît être celle que j'ai
décrite comme saine; maintenant, si vous le voulez, nous porterons nos regards sur une cité atteinte
d'inflammation; rien ne nous en empêche » (Platon La République, 372e). La logique qui gouverne le système
des besoins est la logique da la particularité et la particularité introduit l’inflammation, la maladie, la
corruption dans la cité. Donner libre cours au développement des besoins c’est donner libre cours aux forces
de l’imagination, aux forces du désir, de la représentation, de la fantaisie, aux caprices de l’arbitraire subjectif.
Chacun devenant à lui-même son propre but, chacun est propulsé dans une direction différente sous la
pression irrésistible de la recherche de jouissance ; chacun suit son chemin en quête du plus grand bonheur, de
la plus grande satisfaction du plus grand nombre de ses besoins, en fonction de ses objectifs exclusifs, de ses
préférences, de ses valeurs, de ses opinions, en bref de sa propre conception du bien. Ces mouvements
centrifuges menacent nécessairement l’unité de la communauté ; ils font éclater, tôt ou tard, la cohésion
sociale. Le développement des besoins fait courir au corps social le risque d’émiettement car l’espace des
besoins c’est l’espace, proprement, de l’insatiabilité, par conséquent, de l’absence de limite, de l’excès. La
crainte de Platon dans la République recoupe celle de son disciple face à la mauvaise forme de la
chrématistique, dans la Politique (Aristote, 1257b). Pour éviter à la cité le risque de sa propre destruction,
pour préserver l’Etat du danger d’indifférence à l’égard de l’universel, la particularité se trouve exclue de la
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sphère
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