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La Puce à l'Oreille

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c, à l’intérieur, tout ce qu’il faut pour écrire. Au lever du rideau, ce meuble est fermé. Au milieu de la scène, à gauche, non loin de la banquette et au-dessus d’elle, un petit canapé au dossier d’acajou ajouré, placé de biais et dos au public. Lui faisant vis-à-vis, au-dessus de la banquette, une petite table de fantaisie, avec, de chaque côté, une chaise. A droite de la scène, une grande table placée perpendiculairement à la scène. De chaque côté, une chaise. Glace au-dessus de la cheminée. Gravures anglaises encadrées dans les panneaux. Bibelots ad libitum. Dans le hall extérieur, face à la porte de la baie, une banquette d’antichambre. Au-dessus, au mur, un téléphone. Invisible au public, la porte d’entrée du grand escalier est censément à 2

gauche du hall à la hauteur du panneau qui sépare la porte de gauche du salon de la porte de la baie.

=Scène première =

Camille, puis Antoinette, puis Etienne et Finache Au lever du rideau, Camille est debout, appuyé contre le coin gauche du chiffonnier, le dos tourné à la baie ; il consulte un dossier qu’il a retiré d’un des tiroirs ouverts devant lui. Un léger temps. La porte fond gauche s’entrouvre lentement et l’on voit se glisser la tête d’Antoinette. Elle jette un coup d’oeil inquisiteur dans la pièce, aperçoit Camille à son occupation, gagne jusqu’à lui sur la pointe des pieds, lui saisit, par derrière, la tête à deux mains et lui donne un brusque baiser. Camille, surpris et reprenant tant bien que mal son équilibre, sur un ton bougon. - Allons, voyons ! On doit entendre : "A-on ! O-on !". Antoinette. - Mais n’aie donc pas peur, quoi ! Les patrons sont sortis. Camille. - Oui, oh ! Antoinette. - Allez ! vite, un bec ! (Camille a un geste d’épaules d’enfant maussade.) Allons ! Allons ! Camille la regarde un instant, comme un homme qui ne sait s’il doit rire ou se fâcher, puis, brusquement émoustillé, il lui donne un gros baiser goulu. A ce moment la porte du fond s’ouvre, livrant passage à Etienne et à Finache. Etienne, encore dans le vestibule. - Entrez toujours, monsieur le docteur. Antoinette et Camille ensemble. - Oh ! 3

Ils se séparent brusquement. Camille a détalé comme un lapin et s’éclipse par la porte de droite. Antoinette a gagné vivement à gauche et reste toute bête sur place. Etienne à Antoinette, tandis que Finache est descendu un peu à droite. - Eh ! bien, qu’est-ce que tu fais là, toi ? Antoinette, interloquée. - Hein ! Moi ?... c’est... c’est pour les ordres... les ordres pour le dîner. Etienne. - Quoi ! les ordres. Tu ne sais pas que Monsieur et Madame sont sortis ? Allez ! à tes fourneaux ! la place d’une cuisinière n’est pas dans l’appartement. Antoinette. - Mais... Etienne. - Allez, houste ! Antoinette sort de gauche en grommelant. Finache, assis sur la chaise à gauche de la table. - Oh ! mais, quel mari autoritaire vous faites ! Etienne. - Il faut ça avec les femmes ! Si vous ne les menez pas, c’est elles qui vous mènent. Je ne mange pas de ce pain-là. Finache. - Bravo ! Etienne - Voyez-vous, monsieur le docteur, cette petite femme-là, c’est un caniche pour la fidélité, mais c’est un tigre pour la jalousie. Elle est tout le temps à fouiner dans l’appartement, bien sûr pour m’épier. Elle a dû se monter le job... à cause de la femme de chambre. Finache, avec une pointe d’ironie qui échappe à Etienne. - Ah ? Elle s’est monté le job ? Etienne. - Je vous demande un peu ! Moi, une camériste.

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Finache. - Comment donc ! (Se levant.) Oui, mais ce n’est pas tout ça, puisque Monsieur n’est pas là... Etienne, avec bonhomie, les deux mains dans la bavette de son tablier. - Oh ! mais ça ne fait rien ! j’ai le temps. Je tiendrai compagnie à Monsieur. Finache, un peu interloqué. - Hein ? Ah ! certainement. C’est très aimable... et très tentant, mais je craindrais d’abuser. Etienne, id. - Du tout, du tout ! je n’ai rien de pressé. Finache, s’inclinant ironiquement. - Oh ! alors ! et vous ne savez pas à quelle heure il va rentrer, monsieur ? Etienne. - Oh ! pas avant un bon quart d’heure. Finache. - Ah ! diable ! (Prenant sur la table son chapeau et s’en couvrant. Tout en remontant.) Eh ! bien, écoutez... dans ce cas-là, et quelque agrément que j’aurais à rester avec vous... Etienne. - Oh ! monsieur me flatte ! Finache. - Du tout, du tout ; mais on n’est pas dans la vie uniquement pour s’amuser. J’ai un malade à voir près d’ici, eh ! bien, ma foi, je vais l’expédier. Etienne, se méprenant, scandalisé. - Oh ! Finache. - Hein ? (Comprenant sa pensée.) Oh ! pas comme vous l’entendez. Non, non, merci ! J’ai des malades, j’y tiens ! c’est mon fonds de commerce. Non, j’expédie ma visite et je reviens dans un quart d’heure. Etienne, s’inclinant. - J’aurais mauvaise grâce à insister. Finache, affectant l’air contrit. - Vous me désobligeriez (Finache fait mine de sortir. Etienne passe au 2, au-dessus de la table. Finache, redescendant.) Ah ! maintenant, si votre patron rentre avant mon retour (tirant un dossier de sa poche), vous lui remettrez ça. Vous lui direz que j’ai examiné le client qu’il m’a envoyé, qu’il est en parfait état et qu’il peut l’assurer en toute confiance. 5

Etienne, indifférent et distrait. - Ah ! Finache, affirmatif. - Oui, Ça vous est égal. Etienne, avec un geste d’insouciance. - Oh ! Finache. - Evidemment ! A moi aussi ! Seulement, qu’est-ce que vous voulez, ça intéresse Monsieur le directeur, pour Paris et la province, de la "Boston Life Company". Etienne, familier, - Oui ! le patron, quoi ! (Finache s’incline en manière d’acquiescement.) Oh... ! entre nous !... Finache. - Soit ! "le patron", puisque vous le permettez. Vous lui direz que son hidalgo est de première classe...., comment donc déjà ?... Don Carlos Homénidès de Histangua. Etienne. - Ah ! chose ! Histangua ! Oui, oui, je connais. Justement sa femme est là... qui attend madame dans le salon. Finache. - Ah ?... Comme le monde est petit ! J’ai examiné son mari ce matin et sa femme est dans la pièce à côté. Etienne. - Ils ont même dîné ici tous les deux avant-hier. Finache. - Ainsi, voyez !... Etienne, s’asseyant comme chez lui, sur la chaise à droite de la table, tandis que Finache est debout de l’autre côté. - Mais dites-moi donc, docteur, puisque je vous tiens... Finache. - Ce qui me plaît chez vous, c’est que vous n’êtes pas fier. Etienne, bien naturellement et avec bonhomie. - Pourquoi le serais-je ? Non, je voulais vous demander, parce qu’on en causait ce matin avec ma dame. Finache, précisant. - Madame Chandebise.

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Etienne. - Non, pas la patronne, ma dame à moi. Finache. - Ah ! votre femme ! Etienne. - Oui, enfin, madame ! "Votre femme", ça n’est pas respectueux. Finache, s’inclinant, ironiquement. - Je vous demande pardon... Etienne, suivant son idée. - Quand on a comme ça..., mais asseyez-vous donc. Finache, obéissant, ironiquement. - Pardon. Il s’assied. Etienne, bien face à Finache et le corps rejeté en arrière dans son fauteuil en équilibre sur les pieds de derrière. - Quand on a comme ça, de chaque côté du ventre, comme un point continuel ? Pour bien préciser les points, des deux mains retournées, il se donne des petits coups de chaque côté de l’abdomen. Finache, assis en face d’Etienne. - Ah ! bien, ça vient souvent des ovaires. Etienne. - Oui ? Eh bien ! j’ai ça, moi ! Finache, ayant peine à garder son sérieux. - Ah ? Eh bien ! mon ami, faut vous les faire enlever. Etienne, se levant et remontant. - Hein ? Ah ! non, alors ! Je les ai, je les garde. Finache, qui s’est levé également. - Oh ! mais remarquez, mon garçon, que je ne vous les demande pas. Etienne, passant au 1 par le fond. - Oh ! vous pourriez !

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=Scène II =

Les Mêmes, Lucienne Lucienne, paraissant à la porte de gauche, à Etienne. - Dites-moi donc, mon ami... (Apercevant Finache.) Oh ! pardon, monsieur. (A Etienne.) Vous êtes sûr que Madame Chandebise va rentrer ? Etienne. - Ah ! sûr, Madame !... Madame m’a même bien recommandé : "Si Madame..." euh !... enfin, le nom de Madame. Lucienne, venant à son aide. - Homenidès de Histangua. Etienne, approuvant. - C’est ça, "Vient à venir...". Finache. - Ouïe ! "Vient à venir...". Etienne, à Finache, avec une certaine dignité froissée. - Parfaitement !... (A Lucienne.) "Ne la laissez pas s’en aller, j’ai absolument besoin de la voir". Lucienne. - Eh ! bien, oui, c’est ce qu’elle m’a écrit ; c’est même pour cela que je suis étonnée... Enfin, je vais attendre encore un peu. Etienne. - C’est ça, madame. (Lucienne remonte comme pour regagner la pièce dont elle vient, mais s’arrête à la voix d’Etienne.) Justement, je conversais avec Monsieur... Finache, ironique. - Oui ! nous conversions. Etienne, présentant. - Docteur Finache. (Echange de saluts.) Le médecin en chef de la "Boston Company" qui me disait qu’il avait vu le mari de Madame ce matin. Lucienne. - Allons donc !

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Finache, gagnant un peu vers elle, tandis qu’Etienne passe au 3. - C’est exact, madame... J’ai l’honneur d’examiner monsieur de Histangua. Lucienne. - Tiens ! mon mari s’est fait examiner ? Quelle drôle d’idée ! Finache. - Ce sont les petites indiscrétions de toutes les compagnies d’assurances.

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