Qu'Attendons-Nous De La Technique?
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La technique, c’est d’autre part ce qui permet, selon la phrase célèbre de Descartes, de se rendre « comme maitre et professeur de la nature ». Même si cela ne peut se faire que dans une certaine mesure (comme l’indique l’utilisation du « comme »), la technique nous aide à faire en sorte que nous ne soyons plus dépendants des aléas de la nature, a laquelle il faudrait s’adapter, mais que nous l’adaptions a nous-mêmes. Nous pouvons, par la mesure, réduite la nature a des quantités de forces physiques, que nous pourrons connaitre et manipuler. La nature n’est plus cette inconnue hostile et imprévisible, mais celle qui se plie aux lois de notre esprit, et de nos mains qui le servent. De ce point de vue, la technique offre une promesse de libération pour l’homme, comme le montre bien notamment Hegel à travers son texte sur la dialectique du maitre et de l’esclave, dans La Phénoménologie de l’esprit. Si l’esclave parvient, au bout du compte, a se libérer, aussi bien de l’emprise du maitre que de celle de la nature matérielle, c’est que par son travail il acquiert, un savoir-faire qui lui offre une autonomie. Il ne dépend plus que de lui-même, la ou le maitre au contraire dépend toujours du travail de son esclave. Cette libération permet de disposer d’un recul par rapport a la nature extérieure, et par rapport a l’engluement de la matière ; mais elle permet aussi une libération, c'est-à-dire un déploiement des possibilités parmi les plus intéressantes de l’être humain à savoir sa conscience et sa réflexion. L’homme sort du règne de la nature, pour rentrer dans le cadre de la culture, ou il peut enrichir de sens et de perspectives tout ce qui l’entoure.
Derrière ces réussites, matérielles ou culturelles, c’est bien ses aspirations que l’homme veut combler. C’est son désir, quelle que soit la direction qu’il cherche à satisfaire. Avec la technique, l’homme supprime la souffrance qui l’étreint lorsqu’il manque de l’indispensable, donc quand il est a la proie des besoins. De même, il manifeste des possibilités, celles de son esprit, qui entrainent une fierté et une estime de soi-même qui, bien souvent, lui fait se reconnaitre comme supérieur aux autres êtres vivants.
Toutefois, si c’est bien à la force de nos désirs que répond l’usage de la technique, nous pouvons demander si elle peut y suffire. Certes, la technique est synonyme de progrès pour l’humanité, mais ce progrès intervient surtout dans le domaine matériel. Peut-on parler, avec la hausse du progrès technique, d’un progrès moral pour l’homme ? L’homme vit-il mieux –est-il meilleur– aujourd’hui qu’il y a quelques centaines d’années ? Nous pourrions en douter à l’examen du XXème siècle, ou la technique a contribué aux pouvoirs de destruction lors de deux Guerres mondiales qui ont fait des millions de morts. L’homme peut-il se considérer plus heureux avec la technique ? Pourtant, le bonheur n’est-il pas la fin à laquelle toutes les autres doivent se subordonner si nous en croyons Aristote ?
Ce que nous attendons de la technique, c’est donc qu’elle nous soit utile, et qu’elle fonctionne. Mais derrière ce but s’en cache un autre, plus profond et qui est peut-être la recherche du bonheur. Les réponses directement utilitaires de la technique nous sont fournies dans le domaine matériel (elle permet de réaliser des choses impossibles autrement, et de les réaliser plus vite). Mais nous voyons aussi qu’elle touche à nos désirs les plus spirituels. L’homme est ce Prométhée qui veut se libérer de l’emprise des dieux et du destin, pour avoir sa place a part entière dans le monde. Mais les désirs de l’homme ne s’arrête pas encore la, et le font se diriger de plus en plus vers des domaines ou la technique n’a plus d’accès, et ou vient la remplacer le désir religieux ou artistique. Il est donc possible de se demander si la technique peut, comme telle, répondre a nos véritables attentes. Nous pouvons même aller plus loin, et nous demander si elle ne peut pas constituer un obstacle pour celles-ci, qui ferait que nous n’avons rien a en entendre.
Il semble, a en croire Heidegger dans La Question de la technique, que les inconvénients de la technique, ne sont pas liés, seulement, a une mauvaise utilisation de celle-ci, mais qu’ils sont constitutifs de son essence, et de ce fait inévitables. Dans son texte, Heidegger prend l’exemple d’une centrale électrique située sur le Rhin. L’action de cette centrale est celle d’une violence exercée contre ce fleuve : « La centrale n’est pas construite dans le courant du Rhin comme le vieux pont de bois qui depuis des siècles unit une rive a l’autre. C’est bien plutôt le fleuve qui est muré dans la centrale ». Autrement dit, le fleuve est sommé de fournir de l’énergie à la centrale. Il en est le captif, et n’existe plus que par cette énergie qu’il peut fournir. Le fleuve est réduit à une réserve d’énergie, a un fond dans lequel l’homme peut puiser allégrement. La nature, de manière générale, n’est plus qu’une source d’énergie, dont l’homme va se servir pour sa consommation personnelle, même si cela doit signifier la destruction de cette nature, comme actuellement la foret amazonienne. L’usage et l’existence de la technique, c’est la promesse d’une nature précaire, et promis plus ou moins long terme a la disparition.
La perte de la liberté que connait la nature extérieure par rapport aux agissements de l’être humain s’applique également sur ce dernier. Comme le souligne Jacques Ellul, dans Le Bluff technologique, la technique devient quelque chose d’inévitable. L’homme devient le prisonnier et l’esclave de ses propres réalisations. Cela parce que la technique, c’est « ce qui marche ». Or, il est bien connu que l’on n’arrête pas le progrès. En effet, au nom de quoi l’homme pourrait-il refuser l’efficacité et les facilites que la technique lui fournit ? Pourrait-on imaginer, par exemple, pouvoir se passer aujourd’hui de l’automobile, pour revenir à un transport a dos de cheval ou a bicyclette ? La technique est donc partout. Rien ni personne ne peut arrêter son déploiement. Mais de ce fait elle prend un aspect totalitaire. La technique s’exerce partout et surtout de la même manière. Sa diffusion se retrouve dans l’essor des medias audio-visuels, des infrastructures routières, des immeubles urbains. Et la conséquence en est l’uniformité des façons de recevoir des images, de parcourir l’espace (tout n’est-il pas égal, à peu de choses près, dans le paysage, vu d’un avion ?), ou d’habiter en ville au sein d’un monde bétonné. La encore, il semble qu’il n’y ait rien à attendre de la technique, si ce n’est un appauvrissement croissant du monde qui nous entoure.
Un autre aspect préjudiciable de la technique réside dans son efficacité qui est synonyme de vitesse. En effet, plus la technique avance, plus elle nous fait gagner du temps dans la production, ou plus elle se renouvelle rapidement (comme le montre le caractère presque instantanément dépassé des réalisations dans l’informatique). Le problème majeur que pose cette accélération du rythme de la technique concerne le temps de réaction possible de l’homme. Nous connaissons les pouvoirs de calcul phénoménaux d’un ordinateur, qu’aucun cerveau humain ne pourra égaler. Mais il suffit de se placer sur le terrain aussi sensible que l’armement technologique pour en voir toutes les conséquences. C’est ce que nous demander d’imaginer Paul Virillo dans son ouvrage Vitesse et Politique. Face aux menaces de l’armement d’un pays ennemi, le salut ne peut venir que d’une des plus grande vitesse de réaction. Ainsi, il faut pouvoir concevoir des missiles anti-missiles, capables d’intercepter les engins qui surviennent. La vitesse et le pouvoir de destruction accrus de ces missiles balistiques demandent une vitesse de réaction quasi-instantanée, que seul un système automatique peut fournir. Le temps de réflexion et de décision de l’homme est beaucoup trop long, pour savoir si et comment il faut réagir et appuyer sur un bouton. Ainsi, c’est l’homme lui-même, et ses pouvoirs de choix, qui paraissent exclus de l’escalade technologique. La ou l’homme avait conçu la technique pour en attendre des services, c’est la technique elle-même qui nous dit qu’elle n’a plus rien à attendre de l’homme. Sommes-nous dans un mauvais romain de science fiction ? Peut-être.
Les attentes de l’homme vis-à-vis de la technique, si elles ne sont pas toujours déçues si nous parlons en termes d’efficacité, semblent pourtant être complètement détournée du fait de celle-ci. Ce n’est plus la technique qui sert l’homme, mais l’homme qui sert la technique. L’homme y perd sa liberté et ses finalités, et ses attentes deviennent vides de sens.
Si toutefois la technique parait ne rien pouvoir vous promettre de bon, si nous mettons l’accent sur ses aspects négatifs évidents, il n’est toutefois peut-être pas certain que ceux-ci soient vraiment inéluctables. Peut-être que la technique peut nous réserver d’autres espoirs, même si ceux-ci ne sont pas ceux attendus au départ ou si ils restent ambigus.
L’une des caractéristiques principales que nous avons pu rencontrer de la technique semble résider dans son pouvoir d’efficacité. La technique, en effet, est par définition ce qui fonctionne, c’est le moyen indispensable sans lequel aucun but ne pourrait être atteint.
Pourtant, cette attente de l’efficacité n’est peut-être
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