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Balzac

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lées au lecteur, livre cet univers par deux canaux: I. Le narrateur II. Le point de vue adopté. Si du côté de la voix, c’est le narrateur qui joue le rôle principal, la question de point de vue concerne un foyer de perception, un filtre par lequel le degré de précision et de transmission des informations est réglé. Précisant la source visuelle par laquelle on suit les événements de l’histoire, le foyer de perception répond à la question suivante: Qui voit? Cette différenciation délicate, on la doit à Gérard Genette: dans son «discours du récit» publié en 1972 dans Figures III, il délimite1 les frontières entre celui qui raconte les événements et celui qui les voit. Une étude narratologique pour répondre à la question ci-dessus s’avère indispensable car la régulation de l’information narrative, par le point de vue adopté, dans une œuvre littéraire majeure dans laquelle une idée se profile derrière une forme soignée, est l’une de ses particularités stylistiques. Un amour de Swann de Marcel Proust nous livre un exemple brillant de cette alliance fond-forme et de la recherche de son auteur, tout au long du récit, pour soigner l’information communiquée à son lecteur. Une belle part de la compréhension de l’univers proustien réside dans l’effort du lecteur de cette œuvre difficile: du fait, dans le cas d’Un amour de Swann, le lecteur attentif de Proust est amené, même après une lecture rapide, à s’interroger sur la focalisation

1. «[…], cette question a été, de toutes celles qui concernent la technique narrative, la plus fréquemment étudiée depuis la fin du XIXe siècle, […]. Toutefois, la plupart des travaux théoriques sur ce sujet (qui sont essentiellement des classifications) souffrent à mon sens d’une fâcheuse confusion entre ce que j’appelle ici mode et voix, c’est-à-dire entre la question quel est le personnage dont le point de vue oriente la perspective narrative? Et cette question tout autre: qui est le narrateur?- ou pour parler plus vite, entre la question qui voit? Et la question qui parle?» (Genette, 1972: 203)

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dominante du récit, sur l’attitude de l’auteur dans le choix de la (des) focalisation(s) dans le texte. La question est également de savoir s’il s’agit d’une seule focalisation dominante dans Un amour de Swann. La présente recherche essaie de répondre à ces questions en s’appuyant sur les concepts narratologiques de G. Genette concernant la focalisation. Une étude détaillée des points de vue interne et zéro ainsi que leur emploi en fonction du style de Proust nous conduit finalement vers la question de la focalisation dominante dans ce récit. 1-La focalisation interne En comparaison avec les autres romans d’À la Recherche du temps perdu, le récit d’Un amour de Swann présente des particularités qui le distinguent nettement du reste. Si tous les sept volumes sont racontés à la première personne, Un amour de Swann est un récit essentiellement narré à la troisième personne. L’histoire de la grande liaison de Swann avec Odette s’est déroulée à l’époque où le narrateur n’était pas encore né. Aussi n’était-il pas témoin vivant de cette histoire qu’il raconte avec un décalage temporel considérable. Il situe lui-même cet amour de Swann avant sa naissance: «[…] je me suis souvent fait raconter bien des années plus tard, […], que quand il écrivait à mon grand-père (qui ne l’était pas encore, car c’est vers l’époque de ma naissance que commença la grande liaison de Swann […]» . (Proust, 2000: 191) C’est dire que le narrateur d’Un amour de Swann transpose une histoire qu’on lui a déjà racontée. Il l’affirme lui-même à la fin de la première partie -Combray– en disant: «[…] et par association de souvenirs à ce que, bien des années après avoir quitté cette petite ville, j’avais appris, au sujet d’un amour que Swann avait eu avant ma naissance […]» (Ibid. 184) Cette remarque révèle une autre spécificité de ce texte: le narrateur qui raconte l’histoire, en connaît toutes les péripéties: grâce à ce qu’on lui a raconté, il connaît les différentes phases de l’amour qu’a vécues Swann, il sait sa fin et tout ce que Swann, comme protagoniste, ignore pendant qu’il vit sa passion pour Odette. La scène d’extorsion des aveux d’Odette à la fin du récit (Cf. Proust, 2000: 355-360) où Swann découvre la vraie vie d’Odette quand il n’est plus amoureux d’elle, en fournit un bon exemple. Le narrateur connaissant déjà les personnages

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de La Recherche, connaît du même coup la vraie Odette alors que Swann amoureux, tombé dans une idolâtrie de sa maîtresse, ignorait à l’époque la vraie vie d’Odette. Le narrateur d’Un amour de Swann est un narrateur hétérodiégétique1, absent dans le déroulement des actions. Il n’est même pas, nous l’avons vu, témoin de ce qui se passe. Mais il se différencie du concept, du moins le plus courant, que se fait la narratologie du narrateur hétérodiégétique: Soit le narrateur hétérodiégétique est un des personnages du récit qui n’intervient nullement dans l’histoire, mais cela n’empêche pas qu’il adopte un point de vue interne ou tout simplement externe comme la caméra; soit il n’est pas personnage du récit et peut donc adopter toutes les trois focalisations possibles. Alors, ne sachant pas pourquoi un narrateur hétérodiégétique adopte telle ou telle focalisation, le lecteur ne conteste pas l’omission de telle information narrative par exemple. Mais le cas du narrateur d’Un amour de Swann est assez différent: le récit de cet amour s’intégrant dans toute la Recherche, sa narration est assumée par le même narrateur que celui des autres volumes qui présentent, au moins dans la fiction, un aspect autobiographique Le lecteur qui vient de terminer la partie de Combray pour passer au récit en question, connaît suffisamment le narrateur. Il sait qui il est, quel est son rapport avec l’histoire, il connaît sa distance à l’égard du récit qu’il raconte. Il sait même approximativement le degré de précision des informations qu’il apporte. Il sait enfin que le narrateur connaît toute l’histoire. Face à toutes ces observations il rencontre, en adoptant un point de vue narratologique, des contradictions qu’il peut se permettre de contester. Nous nous proposons de préciser le point de

1 - Si le narrateur laisse paraître des traces relatives de sa présence dans le récit qu’il raconte, il peut également acquérir un statut particulier, selon la façon privilégiée pour rendre compte de l’histoire. «On distinguera donc ici deux types de récits: l’un à narrateur absent de l’histoire qu’il raconte […], l’autre à narrateur présent comme personnage dans l’histoire qu’il raconte […]. Je nomme le premier type, pour des raisons évidentes, hétérodiégétique, et le second homodiégétique.» (Genette, 1972: 252)

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vue ou comme le dit G. Genette le code qui régit la «régulation de l’information» (Genette, 1972: 203) dans cette section d’À la Recherche du temps perdu. Le lecteur lit à la dernière page de Combray: «C’est ainsi que je restais souvent jusqu’au matin à songer au temps de Combray, à mes tristes soirées sans sommeil, à tant de jours aussi dont l’image m’avait été plus récemment rendu par la saveur – ce qu’on aurait appelé à Combray le «parfum» - d’une tasse de thé, et par association de souvenirs à ce que, bien des années après avoir quitté cette petite ville, j’avais appris, au sujet d’un amour que Swann avait eu avant ma naissance, avec cette précision dans les détails plus facile à obtenir quelquefois pour la vie de personnes mortes il y a des siècles que pour celle de nos meilleurs amis, […]» (Proust, 2000: 184) Alors il se représente le narrateur qui va raconter cette histoire comme narrateur omniscient. Or cette omniscience apparente, qui peut être d’ailleurs fortement contestée- on ne peut pas reproduire dans toutes ses détails une histoire que les autres nous ont racontée, ne répond pas à l’exigence du lecteur évoquée plus haut. En effet bien que le récit soit rédigé à la troisième personne, la focalisation dominante est apparemment interne. David Galand et Sandra Lecardonnel n’ont pas tort quand ils affirment: «C’est le point de vue de Swann qui nous est donné. Le lecteur ne connaît guère Odette qu’à travers le regard de Charles. Tout ce que ce dernier ignore de la vie d’Odette, le lecteur l’ignore également, […]» . (Galand. Lecardonnel, 2006: 37) Or le narrateur qui par une narration ultérieure raconte bien des années après l’histoire, connaît toutes ces informations. Mais il se garde de les transmettre à son lecteur et celui-ci sachant que le narrateur est bien informé peut contester ce filtrage des informations. En effet le narrateur d’Un amour de Swann qui s’impose ce silence lors de sa narration, poursuit la même démarche à laquelle procède dans tous ses récits; nombreuses sont

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