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raires), du licenciement etc. Les premières sont une composante du coût d'usage du travail. Les secondes, en revanche, influent sur les coûts d'ajustement de l'emploi - et déterminent par la le degré de "flexibilité" de ce dernier, d'autant plus faible que la protection de l'emploi (PE) est forte.

Cette dernière a suscité beaucoup de critiques de la part des économistes. Selon une opinion assez largement répandue, l'Europe (surtout continentale) souffrirait de trop de "rigidités" qui nuiraient à la croissance et à l'emploi. La PE a suscité de nombreux travaux au cours des quinze dernières années. Si la vision dominante reste négative à son égard, il faut noter une certaine évolution, reflétée notamment par les prises de position de l'OCDE, de la préconisation d'une simple dérégulation à un discours prônant une meilleure conciliation entre "flexibilité" et "sécurité" - ou encore, selon le terme désormais utilisé, une "flexicurité"(1).

Nous reviendrons dans un premier temps sur les débats concernant l'impact de la PE sur le marché du travail. Nous évoquerons ensuite les propositions de réforme d'économistes visant, dans le contexte français, à substituer des dispositifs incitatifs à certaines règles de PE aux effets jugés pervers. Enfin, au-delà de la seule PE, nous montrerons comment l'idée selon laquelle il faut aborder de façon globale le problème de l'articulation flexibilité/sécurité commence à s'imposer - non sans certaines ambiguïtés.

La protection de l'emploi (PE) et ses effets

Mesurer la protection de l'emploi

La construction d'un indicateur et ses limites

La PE telle qu'elle est entendue ici recouvre les règles régissant le contrat de travail - et par-là les modalités d'embauche et de licenciement - dans le secteur privé. Dans la plupart des comparaisons internationales, sa mesure se fonde sur un indicateur synthétique chiffré de l'OCDE couvrant trois domaines :

- la réglementation du licenciement individuel pour un contrat d'emploi "régulier" (en France le CDI) -qui renvoie à la définition d'un licenciement abusif, aux délais de préavis, au montant des indemnités etc. ;

- la réglementation du licenciement collectif ;

- la réglementation des contrats temporaires (de type CDD et intérim).

Les limites de ce type d'indicateur sont nombreuses.

On peut d'abord remarquer que, à des degrés variables selon les pays, des éléments importants de la PE peuvent être définis non pas par la loi mais par des accords collectifs, au niveau de la branche ou de l'entreprise (préavis, indemnités de licenciement...). Or ces éléments sont imparfaitement (ou pas du tout) pris en compte dans l'indicateur.

Il faut ensuite souligner que ce dernier repose avant tout sur la recension (et la quantification) de règles dont le degré d'effectivité peut être très variable. D'une part les acteurs peuvent en partie les contourner, et ce d'autant plus que les contrôles sont faibles et/ou le chômage élevé (le second élément pouvant influer sur le premier). D'autre part, ces règles, comme toutes les règles, sont sujettes à interprétation, et leur mise en oeuvre repose notamment sur des décisions judiciaires. De ce point de vue, il est par exemple intéressant de noter que le nombre de recours en justice est très variable d'un pays à l'autre (Bertola, Boeri, Cazes, 2000)(2). Ainsi, en 1995, un salarié sur 200 avait eu recours à la justice en Espagne contre un sur 15 000 en Autriche. C'est en même temps dans les pays où les tribunaux interviennent le plus fréquemment dans les conflits relatifs aux licenciements que le pourcentage de décisions favorables aux salariés tend à être le plus élevé. Ce pourcentage apparaît aussi d'autant plus important que la couverture du système d'indemnisation chômage est faible. Au sein d'un même pays, il apparaît aussi que les juges semblent plus favorables aux salariés quand la conjoncture est mauvaise et le chômage élevé.(2) Pour les références bibliographiques, voir en fin d'article.

De façon plus générale, il est très délicat d'inférer d'un ensemble de règles de PE un degré quantifié de contrainte pesant sur l'ajustement de l'emploi. Bertola, Boeri et Cazes soulignaient encore récemment "les échelles de classement de PE dont on dispose sont trop imparfaites et imprécises pour éclairer le débat sur la réforme de la PE et ne peuvent pas être utilisées comme moyen de contrôle des réformes structures engagées sur marché du travail" ( op. cit., p. 77). Même si l'indicateur de l'OCDE (OCDE, 2004) a été depuis amélioré (notamment par une meilleure prise en compte de la jurisprudence), on peut penser que cette mise en garde reste en grande partie valable même si elle est largement ignorée par les économistes.

Le degré de PE dans les différents pays OCDE

Le graphique donne la valeur de l'indicateur de la PE en 2003 - ce dernier étant croissant avec le degré de protection - pour les différents pays de l'OCDE.

Graphique [Graphique 1. Degré de protection de l'emploi dans les pays de l'OCDE]

Les différences entre les différents pays de l'OCDE apparaissent importantes. La PE globale atteint en France un niveau parmi les plus élevés (OCDE, 2004).

Il est cependant intéressant de noter que ce résultat serait dû avant tout à la forte réglementation - en termes comparatifs - des emplois temporaires. Selon l'indicateur retenu, la réglementation des emplois réguliers en termes de licenciements individuels et collectifs ne serait pas en France plus forte que dans la moyenne des autres pays de l'OCDE, contrairement à une idée répandue - et serait même plus faible que dans des pays comme la Norvège, la Suède ou l'Allemagne.

Les effets de la protection de l'emploi sur le marché du travail

Les débats autour de la PE

Quand on confronte l'indicateur de PE des différents pays à leur taux de chômage, il n'apparaît pas de relation claire entre les deux. Partant de ce constat, et mettant de plus en lumière un effet positif de la PE sur la productivité du travail, Nickell et Layard (1999), dans leur synthèse de référence, en concluent que "le temps dépensé à se préoccuper de réglementations du marché du travail prétendues trop strictes est probablement amplement gaspillé".

Cependant, d'autres travaux débouchent sur des conclusions opposées. La PE nuirait à la dynamique de l'emploi aussi bien à court terme qu'à moyen terme - ce qui rejoindrait l'argument traditionnel du patronat selon lequel les freins au licenciement constituent en même temps des freins à l'embauche. Blanchard et Wolfers (1999) constatent ainsi que les différences de niveau de chômage au sein des pays de l'OCDE ne pouvaient pas s'expliquer par des différences dans les chocs macro-économiques subis par ces derniers. Les auteurs en viennent à attribuer aux institutions du marché du travail un rôle crucial pour expliquer les réponses différenciées à des chocs en grande partie communs. Parmi ces institutions, selon leurs résultats empiriques, la PE aurait joué un rôle négatif important ; selon les auteurs, dans les pays où cette protection est forte, la hausse du chômage n'aurait qu'un effet modérateur faible sur les salaires, empêchant par là le retour au chômage d'équilibre initial.

À plus long terme et de façon plus structurelle, la rigidité du contrat de travail peut plus particulièrement nuire aux entreprises dans les secteurs innovants où la gestion prévisionnelle de l'emploi est particulièrement difficile (Saint-Paul, 1997). Symétriquement, la grande souplesse de la relation d'emploi aurait été une condition permissive importante du passage à la "nouvelle économie" aux États-Unis. Au totale, la PE nuirait au processus de "destruction créatrice", mis en lumière par l'économiste autrichien Schumpeter durant l'Entre-deux-Guerres, qui caractérise la dynamique incessante de nos économies capitalistes.

Les corrélations constatées

Ces divergences invitent à regarder de plus près les corrélations empiriques. De fait, toujours en comparaison internationale, si effectivement le taux de chômage ne semble pas en moyenne significativement plus élevé dans les pays à forte PE, le taux d'emploi y apparaît en revanche un peu plus faible(3). Si on entre dans les détails, il apparaît une corrélation négative entre le degré de PE et le taux d'emploi des jeunes et des femmes. En revanche, le taux d'emploi des hommes d'âge médian (et notamment peu qualifiés) augmente avec le degré de PE. Le taux de chômage rapporte le nombre de chômeurs à l'ensemble de la population active (i.e. les personnes en âge de travailler en emploi

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